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Sonatrach /IAP : un challenge nécessite de la motivation

par Reghis Rabah*

Décidément, cette histoire de pointage des enseignants chercheurs, aujourd'hui formateurs à l'Ecole d'Ingénieur de Boumerdes appartenant à l'Institut Algérien du Pétrole est devenue récurrente et revient périodiquement pour empoisonner le climat social d'une institution qui selon toute vraisemblance n'a pas encore trouvé le chemin pour asseoir une stratégie afin de décoller vers la mission que lui a tracée l'Etat.

On est amené à se demander si ce n'est pas le manque d'un plan de charge conséquent qui pourrait pousser ce collectif vers le désœuvrement pour s'occuper de ces futilités en appliquant un artifice de « cabranat » pour une élite universitaire consciente de l'enjeu et des objectifs à atteindre. Pourtant le tout nouveau PDG de Sonatrach de passage la semaine dernière à Boumerdes n'a pas été avare d'annonce : dans la décennie qui suit, Sonatrach compte sur cette structure pour former 40 000 ingénieurs et techniciens pour le secteur des hydrocarbures pour certainement d'abord remplacer la fuite de ses cadres et faire face à un ambitieux plan de développement évalué à plusieurs milliards de dollars. En mettant de côté les égos des uns et des autres, notre contribution, tout à fait d'ordre scientifique tentera dans un premier temps de montrer que les tâches d'enseignement et de recherche restent incompatibles avec le principe de coordination /subordination dans un sens strict taylorien. Elle abordera ensuite la question fondamentale du pourquoi .l'IAP n'est pas une structure de Sonatrach comme toutes les autres et qu'un conflit aussi minime soit ?il devra être impérativement porté d'abord à l'opinion publique ensuite aux plus hautes instances du pays et plus précisément la présidence de la république qui attend jusqu'à présent les résultats des engagements de Sonatrach pour faire de ce fleuron de la formation un pôle d'excellence pour toute l'Algérie.

Les tâches d'enseignement et de recherche sont de nature auto-contrôlées

Etre enseignant ne se résume pas à être en classe comme pourrait le faire penser la manière dont s'abordent systématiquement les discussions sur la profession d'enseignant. Il ne faut pas esquiver le fait que ce métier est un « métier de l'humain » avec toutes ses implications subjectives et inter -subjectives. Les enseignants se trouvent ainsi dans une interface entre la confrontation aux cadres institutionnels, aux normes et à l'ensemble des situations particulières pédagogie/ingénierie auxquelles ils doivent répondre. Ceci implique une posture éthique qui se construit dans un climat de confiance loin de toute contrainte. Dans les faits, le travail d'équipe devient dés lors central: mise en œuvre des programmes d'enseignement, organisation des apprentissages, « montage » des projets. S'y ajoutent toutes les réunions de cycles, d'équipes éducatives, mais aussi toutes celles dans le cadre du travail pluri professionnel et avec des partenaires. Il faut préciser par ailleurs que le passage de la transmission des savoirs à leur construction par l'apprenant invite les enseignants, à concevoir dans une liberté pédagogique affirmée des stratégies efficaces à condition pour cela qu'ils en aient les moyens. La responsabilité des enseignants est convoquée, mais sans possibilité effective d'exercer cette responsabilité dans la définition de leur travail. Force est de constater que des enseignants recentrés sur des missions d'enseignement claires sont plus efficaces que lorsque celles-ci s'alourdissent ou se brouillent dans des procédures élaborées pour des procédés de production du type taylorien. Tout comme la formation continue qui nécessite des allers retours incessants entre pratiques et théorie, entre expérience et apports fondamentaux. Elle doit permettre à l'enseignant de se livrer à une analyse réflexive. Sauf qu'en complète dilution, la formation est de plus en plus aux abonnés absents. Enfin, comment concevoir, élaborer des réponses pédagogiques pertinentes et efficaces en restant dans un exercice solitaire du métier? La nécessité de travail en équipe est de plus en plus perçue comme un élément essentiel de gestion de la classe et des apprentissages. Beaucoup d'enseignants en témoignent dans ce sens.

La convention de Sonatrach favorise une telle approche

Ce mastodonte qui a été toujours considéré comme un instrument puisant pour acter pour le compte de l'Etat n'a pas négligé pour autant cette démarche pour séparer l'opérationnalité de ses différents chainiers des nombreux centres de formation qu'il gère et s'apprête à en créer d'autres. En effet, dans son long réquisitoire face à la presse pour présenter le bilan de son secteur la semaine dernière, le ministre de l'énergie, Mustapha Guitouni n'a pas manqué lui aussi d'évoquer les efforts fournis par Sonatrach dans le domaine de l'Industrie gazière et pétrolière, en décidant la création de centres de formation, dans plusieurs wilayas du sud du pays, des formations dans le domaine de la soudure et la chaudronnerie au profit des jeunes. Pour maintenir son rôle de réservoir de recrutement et de pourvoyeur des éléments indispensable pour le secteur des hydrocarbures, elle devra adapter sa convention, déjà toute prête à ce genre de situation pour s'ouvrir à la formation. En effet, l'article 145 de la convention collective de SONATRACH prévoit que la durée hebdomadaire peut être réduite pour les postes pénibles

, dangereux ou contraignants sur le plan physique ou nerveux et pourrait en faisant une lecture pragmatique de cette article d'ouvrir une brèche réglementaire pour intégrer cette catégorie de personnel que Sonatrach gère et aura à gérer tout le temps pour créer un climat serein digne d'une élite intellectuelle pour laquelle on exige de la créativité sans passion des uns et des autres. Il faut absolument arriver à surmonter ce thème récurrent de l'équilibre difficile entre créativité et discipline. Très souvent et par définition, les chercheurs font preuve de créativité mais éprouvent des difficultés à traduire cette créativité en création de valeur, et ont du mal à se structurer lors qu'elles grandissent. Un manque de discipline compromet alors leur croissance à long terme. C'est pour cela qu'il ne faut pas négliger l'aspect disciplinaire. Sonatrach, au contraire, dispose des systèmes de gestion relativement bien établis et clairement définis. Elle en jouit d'une bonne capacité de management opérationnel et à l'amélioration continue de leurs procédures, mais elle éprouve des difficultés à maintenir, voire à renouveler, sa capacité créative, pourtant seule source de croissance à long terme Elle devra donc s'adapter à ces nouvelles donnes coûte que coûte.

Pourquoi l'IAP a toujours fait l'objet d'une attention particulière de l'Etat

Un peu plus d'une décennie, après un tripotage qui l'a mené jusqu'à sa privatisation et à peine deux ans après le départ de Chakib Khellil qui en est la cause (01), le conseil des ministres a ordonné à Sonatrach de « récupérer » l'IAP et l'a chargé pour la deuxième fois d'en faire une école de renommée mondiale en matière de formation énergétique (02). Selon toute vraisemblance, cette décision prise par la plus haute hiérarchie du pays a sciemment voulu mettre fin à un échec de plus de 13 ans de tergiversation autour de l'avenir de cette institution, pourtant aussi claire que l'eau de roche. En 1999, l'Algérie entamait sa cinquième année de crise, contrainte de répondre à une demande de plus en plus forte dans la formation supérieure. Les pouvoirs publics décident alors d'intégrer les instituts dits de «technologie», qui servaient de support de formation aux différents secteurs, à l'enseignement supérieur.

Mais pour des raisons stratégiques, d'ailleurs évidentes, l'IAP a vu ses objectifs réorientés pour consacrer ses activités à la formation de spécialisation nécessaire au secteur des hydrocarbures, et ce, en étroite collaboration avec les utilisateurs. Les conséquences immédiates ont consisté en :

? un arrêt d'une nouvelle rentrée de bacheliers ;

? un recrutement provisoire et exceptionnel des étudiants ayant effectué les deux premières années du tronc commun technologie ;

? continuer d'accepter les bacheliers pour les centres de Skikda et Arzew en attendant les changements des statuts.

Plusieurs groupes de réflexion ont été mis en place pour proposer un statut capable de répondre à ces besoins. Ce débat, désormais a pris tout ce temps sans pour autant trouver une forme statutaire à même de permettre au secteur comme le proposait un groupe de réflexion installé par le Président Liamine Zeroual de préparer dorés et déjà l'après pétrole en capitalisant, consolidant et pourquoi pas fertilisant le savoir et savoir faire pétrolier et gazier à l'instar du modèle de charbonnage français. En effet, lorsque le président Français Mitterrand a décidé début 80 de fermer les mines françaises de charbons, les charbonniers quant à eux n'ont pas chômé et ont pu effectivement vendre leur savoir et savoir faire en Chine et en Australie qui utilisent les centrales à charbons à ce jour. C'est donc dans cet esprit que le choix s'est porté sur Sonatrach qui en a les moyens pour assurer cette mission « patriotique » et s'assurer d'une attention particulière sur le sujet. Un diagnostic amer est fait, les dégâts sont visibles. Déroutés par des ordres et des contre-ordres, les différents responsables en charge de ce projet ont emprunté toutes les voies, à l'exception de celle qui les conduisait vers un centre de renommée mondiale. Ils donnaient l'impression d'utiliser ce fleuron de l'industrie des hydrocarbures comme un tremplin. Si des mesures n'ont pas été prises à temps pour stopper cette dérive, c'est probablement parce que le système est tellement atteint par l'encanaillement et la gabegie qu'il ne réagit plus aux doses de sanctions conventionnelles. Voilà maintenant presque 7 ans qu'on rabâche les mêmes génériques sans pour autant faire un seul pas en avant : la preuve l'effectif administratif ne cesse d'être gonflé au détriment du pédagogique et plus grave la différence dans son échelle de classement demeure scandaleuse.

Conclusion

La discipline est, certes indispensable pour l'unité de commandement et le maintien de l'ordre mais sous une forme et un dosage prescrits car son excès affecte le schème motivationnel du système de gestion.

C'est pour cela que le gestionnaire perspicace est celui qui sait où mettre le cursus pour à la fois coacher ses équipes et surtout atteindre les objectifs visés, à bon entendeur?

* Consultant, Economiste Pétrolier

Renvois

1- : Lire les détails dans notre contribution parue sue le quotidien El Watan du 17/04/2012

2- : Périscoope du soir d'Algérie 22/04/2012