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LE RÉEL ET LE VIRTUEL

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Enfant en jeu/Enfance en péril. Naqd, Revue d'études et de critique sociale, n°35, Alger octobre/novembre 2017, 700 dinars, 308 pages (64 en arabe et 244 en français)



2014 : 6 151 enfants victimes de différentes formes de maltraitance, dont 3 533 pour violences physiques et 1 663 pour sévices sexuels... selon les déclarations des autorités.

Entre 2000 et 2006 : 848 enfants enlevés dont 86 sont retrouvés morts, le plus souvent avec des corps en morceaux et après des sévices sexuels. 2013 : 200 enfants enlevés. 2014 : 195. 2015 : 250 cas d'enfants enlevés... Un millier d'enfants "raptés" ces dix dernières années et 50 000 enfants maltraités par an, dont 10 000 ayant subi des abus sexuels par an, selon une journaliste (article du 20 septembre 2015).

Des chiffres et des faits effrayants... qui montrent l'ampleur alarmante du phénomène (longtemps caché, le "silence" de la société ayant prévalu et continuant à l'être, ce qui a aggravé la situation et permis la contamination de la violence à toutes les sphères sociales) et le positionne en place de symptôme d'un "collectif malade".

Un dénominateur commun aux comportements extrêmes : l'insécurité. Une insécurité s'inscrivant aussi bien dans la réalité immédiate que dans un avenir incertain.

Plusieurs situations sont alors vécues ou/et subies par l'élément le plus faible, le plus fragile, le plus accessible de la société... l'enfant, qui devient (avec ou après la femme, avec ou après les symboles du pouvoir...), contre son gré, une sorte de "bouc-émissaire" (ou de lumière d'espérance) des inquiétudes et des peurs, des espoirs et des rancœurs, des frustrations et des échecs....

Il faut, donc, selon les chercheurs (Douze études classées en quatre parties : Enfant cible/ Détresses d'enfant/ Institutions souffrantes/ Autres théâtres : Guerre du Liban, Afrique noire/ et un essai), remonter le temps et, surtout, catégoriser les multiples situations au sein desquelles se retrouvent, aujourd'hui, nos enfants... presque tous "otages" de leurs aînés. On a, donc :

-L'enfant-alibi sur lequel sont transférés les désirs parentaux, hyper-protégé, dont le destin est tracé... pour partir et se réaliser ailleurs

-L'enfant-symptôme, celui qui incarne l'échec d'une politique, celle de l'école, du projet sociétal, avec une indéalisation de l'"avant" pour mieux confirmer tout ce qui a été raté

-L'enfant "parentifié" qui va devoir porter ses parents fragilisés, se débrouiller, se sacrifier pour faire tenir sa famille

-Et, l'enfant-otage ou valeur d'échange sur lequel l'étau se resserre quand il devient la "solution" pour résoudre les conflits et les contradictions qui agitent les adultes ou la société... allant jusqu'à le transformer en objet/déchet, "découpé et voué aux déchaînements de haine, de violence et de destructivité".

Les Auteurs : Z.Benkherouf, N.Metahri, K. Lazali (présentation) / K.Lazali/ D.Iamarène-Djerbal/ Z. Benkherouf, F.Mousli, N. Metahri/ I.Terranti, M.Attalah, S.Bouras/ M. Mebtoul, O.Salem/ L. Medhouda/ F. Boumendjel-Chitour/ N. Metahri/ D.I-Djerbal/T. Mekidèche, N.Mekidèche/ N.Hatem/ Olivier. Douvile/ A. Lateb.

Extraits : "L'enfance a ceci de singulier qu'elle est tout autant période intermédiaire dont l'aboutissement est l'âge adulte, que véritable période à vivre pour elle-même, loin de toute projection dans l'"advenir" (Présentation, p 9), "La famille actuelle ne peut plus assurer ni la protection des siens ni affronter les détresses quotidiennes ; elle a,de plus en plus, de mal aujourd'hui à contenir les violences sociales et toute cette souffrance qui rejaillit sur les individus" (Dalila Iamarène Djerbal, p 35).

Avis : Tout, tout ou presque tout sur l'enfant et l'enfance... et sur la violence sur enfant. Des pistes et des clefs pour, au moins, comprendre les ressorts de la nouvelle barbarie et, par la suite, essayer d'en démonter les ressorts ?

Citations : "Dès sa naissance, l'enfant, en tant qu'être en devenir, comporte une promesse d'avenir et signe la continuité avec le passé, en tant que représentant actif de l'ancêtre" (Karima Lazali p 15), "Pire que la disparition des pères, celle de l'enfant frappe aux portes des vivants" (Karima Lazali, p 22).



Encyclopédie des proverbes algériens.Recueil de Kheddouche Rabah (traduit par Mustapha Ferhat). Dar el Hadhara, Birtouta/Alger, 2002, 197 pages, 200 dinars)



Bien sûr, il y en a de plus complets, de mieux présentés et... de plus chers. Mais, ce recueil, à l'allure très modeste, et malgré quelques "fautes" de traduction - compréhensible quand on sait que, dans tous les pays du monde, le langage populaire, et encore plus celui qui reprend les proverbes et les dictons, a un génie propre, difficile, sinon impossible à rapporter dans une autre langue. Heureusement que les génies populaires ont beaucoup plus de ressemblances que de divergences.

Donc, quelques centaines de proverbes algériens, classés dans l'ordre alphabétique, présentés en arabe ("algérien" ou "parlé" ou "dardja") ainsi qu'en français, accompagnés d'une courte explication ou interprétation. Du bon et du moins bon.

Quelques exemples :

-Travailler gratuitement vaut mieux que chômer. Commentaire : "Un proverbe cité pour dire que le fait de s'occuper de n'importe quel travail vaut mieux que de rester sans rien faire. Ceci dit pour inciter les gens à travailler et éviter de rester sans rien faire". Facile à dire, pas facile à faire appliquer !

Méfie-toi du bédouin s'il se logeait dans un château et du citadin s'il s'installe en campagne. Commentaire : "Proverbe cité en exemple pour démontrer qu'avec le changement de l'environnement, les comportements et les habitudes des gens changent aussi". Notre rurbanisation accélérée !

- La terre est à celui qui la travaille. Commentaire : "Cité pour dire que toute chose doit être donnée à celui qui la mérite". Entre-temps, le plus malin a fait son chemin !

- C'est une herbe qui ne demande qu'à vivre. Commentaire : "Cité en exemple pour parler d'un peuple qui est alourdi par ses malheurs et ne présente aucune ambition, sauf celle de trouver quoi manger". On y est !

- Dieu a créé le nez pour l'orgueil et pas pour la morve. Commentaire : "Cité pour inciter les gens à devenir orgueilleux pour qu'ils ne s'abaissent devant personne". Le nez ou la perte, c'est de l'histoire ancienne !

- Celui qui aime le miel devra supporter les piqûres des abeilles. Commentaire : "Cité pour dire qu'on doit faire des sacrifices pour concrétiser nos ambitions". La rente a fait oublier le miel...et elle a l'avantage de ne pas être produite par des abeilles !

- Celui qui a fait du mal mourra à cause de lui. Commentaire : "Cité en exemple pour dire que celui qui veut nuire aux autres ne fait que nuire à soi-même". Encore faut-il s'en rendre compte !

- Et, bien d'autres : "Les mauvaises années passent, mais pas les injures" (notre mémoire a si plein de trous !), "Fais le fou et tu vivras" (ce qui n'est pas certain dans un monde... de fous), "Conduis le voleur jusqu'au seuil de sa porte" (il y a en a tellement !)...

L'Auteur : ? Pas de bio-express en 4ème de couverture.

Extraits : "Depuis plus de vingt siècles, l'Algérie a connu les vandales, les romains, les arabes, les turcs et les français. Une connaissance qui s'est bâtie sur un mélange homogène de sang et de fleurs, de haine et de passion, de larmes et de rires, et surtout de croyances et de foi. Mais, avions-nous pu imaginer où pouvait mener tout cet héritage lourd et douloureux" (M.Ferhat, p 5)

Avis : Une plongée dans le savoir et le "bon sens" populaire que l'on a eu tendance à oublier, mais qui perdure. De quoi occuper une partie de vos soirées... si vous avez oublié la télé. Et, très profitable, car cela va vous permettre d'avoir (enfin !) de la répartie pour résister ou pour vous sortir d'une situation délicate. Mais, il est conseillé de lire d'abord les proverbes ou dictons en arabe, c'est "plus parlant", le français rendant mal, parfois très mal, l'esprit du texte. En langue maternelle, les proverbes sont bien plus succulents, car ils visent et touchent "juste". Et puis, en arabe, c'est (presque) de la poésie. En tout cas, c'est beau... tout en sachant qu'un proverbe n'est pas toujours vrai. Le peuple, malgré son "bon sens", n'a pas toujours raison, loin s'en faut !

Citation : "Se comprendre" est l'action primaire dont auraient fait toutes les civilisations qui, vu l'histoire, émanaient d'époques différentes alors qu'elles ne sont séparées que par de petites mers ou de simples terres" (M.Ferhat, p 5)

PS : Après la polémique et la mini-crise diplomatique avec l'Ue au sujet d'une vidéo plus que critique du pouvoir algérien diffusée par une ancienne journaliste algérienne, et enregistrée à partir d'un bureau situé dans l'enceinte même du Parlement européen (on a bien vu les fameuses étoiles bleues) ... une autre polémique est née, cette fois-çi avec l'Oit (Organisation internationale du travail) qui (en fait la Commission d'application des normes), en plus des remarques sur "le refus d'agrément de certaines organisations syndicales ainsi que d'atteintes aux liberté syndicales", se propose, ni plus ni moins, que d'envoyer en Algérie "une délégation de haut niveau" pour plus d'éclairage. Bigre ! Un de nos ministres est allé même à menacer de quitter l'instance de l'organisation internationale si elle persistait dans sa manière de voir les choses... tout en accusant quasi-directement la presse nationale -à travers des articles- d'avoir "jeté de l'huile sur le feu"... les écrits ayant servi de "pièces justificatives". Bien sûr, la "décision" de ladite Commission (l'envoi d'une délégation) paraît assez, sinon déplacée, du moins osée. Mais la défense, plutôt la réaction épidermique, face à des attitudes qui sont, certes, parfois, "fabriquées", ne fait qu'accroître la suspicion, instiller le doute et créer des contre-réactions négatives pour l'image de marque du pays. La réaction est certes, en cas d'"atteinte à la souveraineté nationale" (rien que ça !), nécessaire mais il vaut mieux laisser le rôle à ceux qui sont payés pour ce faire, qui savent les tenants et aboutissants réels des actions menées à partir de l'étranger et qui savent agir "avec diplomatie"... et, si besoin est, avec fermeté.

A noter aussi, une autre réaction de la ministre chargée des Télécoms qui "conteste" le classement opéré dernièrement par un site spécialisé étranger qui a placé l'Algérie... à la 134e place sur 135 pays étudiés en matière de "rapidité de connexion Internet fixe et mobile". "Des entreprises qui pullulent un peu partout et qui font des analyses et des expériences bidon. Il ne faut pas les écouter", a-t-elle dit. On n'était même pas au courant de ce classement objectivement "ridicule". Mais maintenant, si !

Autre sujet : La Forem, une association nationale "bien en cour", a "dévoilé", il y a peu, que "pas moins de 500 000 mineurs travaillent illégalement et plus de 200 000 sont en situation de déperdition scolaire". Il y a peu, la déléguée nationale à la Protection de l'enfance a, pour sa part, indiqué que son institution ne reçoit que 3 à 4 signalements par jour ayant trait au travail des enfants. Qui croire ? Heureusement, il y a le dernier classement de l'Ong britannique, "Save the children" qui nous éloigne des thèses "complotistes" et des "instrumalisations" dénoncées à tout-va. Etudiant 175 pays, elle a classé l'Algérie à la 65e place en termes de prise en charge des besoins de l'enfant, ce qui est bien au-dessus de la moyenne. Merci, Stc !