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Sonatrach : mêler la presse à un conflit interne brouille les pistes

par Reghis Rabah*

Les propositions que cette analyse souhaite défendre, peuvent être résumées en deux suggestions très succinctes : la presse d'investigation si théoriquement il en existe une, est entrain de faire ses premiers pas en Algérie, mais toute dérive dans sa démarche pourrait remettre en cause un actif important capitalisé et consolidé à ce jour au prix d'un sacrifice de nombreux journaux et journalistes. On peut rechercher l'information tout en évitant qu'elle soit fournie sur un plateau par un clan contre un autre, la recouper pourquoi pas la contextualiser et la mettre en débat en s'abstenant de la juger pourquoi ? Parce que qu'elle détruit tout le processus qui la crée en affectant la présomption d'innocence et surtout attise le conflit qu'on tente de porter à l'opinion publique par cette information et la rend ainsi non crédible. La deuxième hypothèse quant à elle touche plutôt le processus de changement dans une organisation qui est une étape qu'on doit absolument éviter de se focaliser sur son aspect négatif. Au contraire, un changement qui ne s'accompagne pas par une résistance dénote une certaine apathie de l'organisation, stade ultime de son développement considéré comme très néfaste pour sa restructuration. Tout changement, touche un ordre établi et par voie de conséquence appelle à une resistance. L'inertie est le refus du changement. L'art du manager justement dicte de ne pas brusquer le résistant, lui faire comprendre que le changement est bien là, lui expliquer petit à petit. Car plus on lui force la main, plus il se sentira perdu et son refus va alors persister. L'argumentation signifie que la personne est révoltée face au changement. Il ne faut pas la blâmer pour sa réaction, car c'est un geste tout à fait normal. Il faut lui expliquer l'importance du changement, et lui faire comprendre l'utilité de son implication face au changement. Pour revenir donc à notre problématique Cette semaine lit-on sur un site que le méga plan SH2030 a trouvé une farouche résistance de la part de certains « dinosaures saboteurs » constitués de cadres dirigeants de niveau n-1 et n-2 qui entraveraient la démarche du nouveau PDG pour mettre en place sa feuille de route qui a pu directement ou indirectement toucher à leurs intérêts. L'article dans son fond inquiète l'opinion publique plus qu'il ne l' informe. Pourquoi aucune information sur le réseau que cette poche de résistance a pu créer pour constituer un danger à un responsable nommé par décret présidentiel et investi statutairement de tous les pouvoirs les plus étendus pour assurer l'administration, la gestion et la direction de l'entreprise. Il est assisté par un comité exécutif dont les membres sont nommés par lui-même en recueillant uniquement l'accord préalable du ministre de l'énergie qui est une simple formalité. Qu'est ce qui empêcherait ce PDG de les démettre de leurs fonctions afin travailler à son aise ? Quel réseau a pu tisser ce clan qui dispose d'oreilles qui les écoutent ou ne les écoutent pas à la « chefferie du gouvernement » et à la « présidence » de la république. Cela sonne les opinions du début des années 80 pour faire de Sonatrach « un Etat dans un Etat » et permettre ainsi de la « scier » par une restructuration organique et financière qu'on a amèrement regretté quelques années plus tard. Plus grave, sans parfaire l'information en laissant l'opinion publique dans un état de préoccupation extrême a jugé ces responsables et annonce que leur sort est scellé et leur « limogeage sera officialisé ». Qui peut donc donner une information de cette importance sinon le PDG lui-même qui dispose de ce pouvoir de limogeage et par voie de conséquence utilise la presse pour venir à bout d'un conflit, au demeurant mineur par un artifice de manipulation de l'information. Il aurait été plus complet si l'enquêteur avait écouté l'autre partie pour connaitre son point de vue et laissé ainsi l'opinion publique se faire une idée précise et non de la tourmenter de la sorte.

1- Sonatrach n'est plus au stade de croissance

Toute entreprise, quelque soit sa forme juridique et son lieu d'existence passe par un stade de lancement ensuite une croissance pour se stabiliser sur une phase de maturité qu'il faudrait impérativement entretenir pour éviter le déclin. Chaque étape est caractérisée par ces propres maladies. Si Sonatrach a connu un manque d'expérience dans ces débuts et un style inapproprié dans son adolescence, aujourd'hui c'est la bureaucratie et la complaisance qui la spécifient. Il faut reconnaitre que le nouveau PDG, a dénoncé tout haut ce que ses prédécesseurs ont tu étant donné justement les injonctions fortement sociales de son propriétaire. Le pragmatisme leur a dicté de concilier la gestion de cette mamelle du pays pour mieux avancer et arriver à un modèle de conduite qui a démontré que le compromis règlent les problèmes qui se posent. Par contre le viol des procédures par mimétisme qui ne tient pas compte de son environnement interne lui fait mal. La période phare de la corruption et les scandales qui se sont suivis, la perte de ces 10000 cadres formés à coup de devise forte, ont été justement dans ces dernières périodes qui à commencé à partir des années 2000. Le nouveau PDG semble animé d'une volonté de bien faire mais avance plus vite que le rythme que nécessite l'entreprise qui la conduit. En faire la cinquième mondiale dans le domaine des hydrocarbures en une décennie c'est mettre une mini jupe à une mère de famille septuagénaire à la grande déception de ses enfants. L'entreprise est noyautée par la cooptation et le népotisme qui a permis le tissage de liens solides qu'il faudrait du temps et de la patience pour les casser. Les employés au sein d'une entreprise partagent les mêmes valeurs dans le statut où ils se situent. Quand un changement arrive, ils éprouvent une crainte collective, ce qui est souvent source de déstabilisation au sein de l'organisation. C'est pourquoi il faut impérativement les rassurer avant d'annoncer un changement. Pour aider les collaborateurs à mieux faire face au changement, aller à l'essentiel en laissant de côté les détails. Laisser libre parole à chacun d'eux. Expliquer-leur les raisons du changement. Trouver ensemble les attitudes à adopter face à ce changement. Conduire le changement est donc une opportunité pour réengager en leur donnant de l'autonomie, plus d'assurance en leur permettant d'avoir des initiatives et en libérant leur parole. Le changement représente désormais une opportunité de créer un dialogue qui a souvent disparu au profit des dysfonctionnements cités plus hauts et qui ont prévalu jusqu'à présent à Sonatrach. Pourtant, Ould Kaddour, dans sa dernière conférence est redevenu plus conciliant en précisant ce qu'il voulait passer comme message par cette anecdote sur son KYASS. Dans ce sillage justement, il a reconnu le droit à l'opinion publique en général et à l'Algérien lambda en particulier de s'enquérir sur la gestion du mastodonte. Pourquoi donc cette dérive dans la presse de surcroit inutile ?

Conclusion

Il est très utile de souligner que si de nombreux anciens cadres de rang dirigeant se constituent en club pour débattre et donner leurs avis sur des sujets qui intéressent la Sonatrach dans ses perspectives stratégiques, ce n'est nullement une manière ou une autre de s'immiscer ou d'entraver la démarche de ses managers en place. C'est parce qu'ils avaient la chance de conduire dans leur temps un mode de gestion teinté de patriotisme qui a commencé à disparaitre de nos jours. Parmi eux il existe des fondateurs de ce mastodonte qui peuvent en réclamer le droit de la voir prospère sans contre partie.

*Consultant, Economiste Pétrolier