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Qu'attend le peuple ?

par El Yazid Dib

« Si on veut connaitre un peuple, il faut écouter sa musique » Platon

Beaucoup et énormément de choses. Il s'est solidarisé corps et âme dans toute son entièreté avec son armée nationale populaire. La tragédie qu'a connue Boufarik par la disparition de 257 vaillants enfants du pays, braves martyrs du devoir l'avait davantage galvanisé et l'avait profondément fait vivre dans sa chair le drame enduré. Et on le juge vorace, insatiable et toujours en quête du surplus. Oui plus de solidarité, d'unité et de fraternité.

Un sachet de lait

C'est quand même inouï de voir se tenir des réunions à un haut niveau pour traiter de la disponibilité d'un sachet de lait. Cela devait faire partie d'une simple régulation commerciale. Mais quand l'on a, au ministère, la tête ailleurs, n'épiant qu'un probable remaniement l'on se noie dans un sachet vide ou s'il est plein il se fait rare.

Economiquement, le lait est un produit stratégique voire devenu un élément politique en l'absence d'une vraie politique de production des matières de bases et leur protection. L'agriculture qui devrait faire la fierté du pays, de par sa vocation originelle est en manque de vision. Tous ceux qui se sont succédé à la tête de ce département avaient, chacun selon ses sillons, une façon de labourer ses terres à sa convenance. Viennent s'ajouter les convoitises de ceux qui encore possèdent cet esprit p'tit bourgeois mal en point et qui se ravive à se pointer chez les nouveaux gros propriétaires fonciers. Avec tout ce beau pays où la terre arable peut devenir une industrie agricole, l'on ne peut imaginer que des chaines aurorales puissent se tisser devant les épiceries pour un sachet de lait. Ca frôle l'humiliation et cause une grosse brèche dans cette fierté nationale. L'on peut se passer de ce sachet mais pas de cette fierté. Alors ? Donc cette ineptie de gestion n'est pas instantanément liée au sommet des hiérarchies. Elle ne se dédramatise que par un sérieux travail de fond et doit se réfléchir dans la prospective d'une politique à long terme. Absente, car conjoncturelle cette politique ne fait que raccommoder au jour le jour les déséquilibres et tente d'ajuster précairement le manque au besoin d'un marché qui n'a nullement raison d'être bouillonné.

Des dirigeants à l'écoute

La meilleure des écoutes est d'abord celle des siens, de ceux qui vous font la proximité, comme un papa qui rugit vouloir tendre l'oreille aux voisins et esquive de le faire à ses propres enfants. L'on a vu des gouverneurs refuser des audiences à leurs subordonnés et des maires à leurs collaborateurs alors qu'à tue-tête ils crient que les portes sont ouvertes. N'est-il pas urgent d'abord d'ouvrir sa tête, prendre toute l'ampleur de ses responsabilités et d'affronter le besoin à l'expression de quiconque pour qu'ensuite trancher par ce fameux oui ou non ? Le responsable n'est-il pas ce personnage à tout niveau qui écoute, scrute, réfléchit, étudie et finalement décide ? La sourde oreille étant une antinomie au dialogue ne fera qu'exacerber la haine et entretenir le doute et la suspicion.

Le bonheur citoyen ne se trouve pas uniquement dans la disparition de l'embarras d'une lourde paperasserie. Il a besoin , ce citoyen de ce droit de circuler quand il est à pied ,sur un trottoir bien fait, dans une rue propre ou en voiture sur un goudron bien étalé, sans nids de poules ,ni trous béants. Quand il voit son robinet domestique débiter une eau saine et sans rupture d'approvisionnement, une énergie électrique pérenne et sans coupures répétitives il ressentira tout l'effort accompli par ceux qui agencent sa vie, ses états et ses humeurs.

En fait dans toute localité il y a une autorité publique qui agit au nom de la loi pour veiller à l'épanouissement de ce vivre ensemble. Il est sensé exister entre un administrateur et ses administrés une certaine harmonie dans la compréhension mutuelle. Un wali qui par inutilité managériale nie carrément des inondations prouvées par des bulletins météo et rapportés par plusieurs diffusions virtuelles ne fait que faire ressentir le roussi en la demeure. Sa responsabilité n'était pas de justifier les chutes diluviennes ni d'expliquer leur phénomène, il lui fallait juste déclencher son plan d'actions urgentes et les mesures rapidement à prendre. Point barre.

De ces dirigeants, il existe ceux qui viennent y faire carrière ou peaufiner une autre, sans se soucier des missions fondamentales qui leur incombent.

Des représentants à la hauteur

Nous sommes en face d'une crise dans la légitimité de la représentativité. Heureusement que la loi sur la démocratie participative s'annonce. L'on peut s'en passer si toutefois l'on se sentira mal géré, mais de là à être encore mal représenté ceci n'aura qu'à augmenter notre malheur, le cas échéant.

Il est toujours possible d'hypnotiser l'assistance et de charmer un temps soit peu son électorat. L'on a vu des élus nationaux entièrement absents durant les moments où dans leurs maisons électives des situations drôles se passent. L'artifice électoral qui leur aurait permis d'être là, à représenter ce peuple ne devrait pas justifier l'inertie et la somnolence ou faire croire à une légitimité authentique. Ils sont là, égrenant doucereusement leur mandat, essayant d'en tirer le plus en termes d'arrhes et d'ares.

L'oubli de longs serments faits aux masses relève d'une tactique satanique. Le sortilège chez nous se veut résignation dans la mesure où c'est le citoyen qui doit rendre des comptes de son hygiène, de ses besoins, de son mal par devant ses élus. Peut-on provoquer publiquement la question d'à quoi sert un député ? A bien représenter les citoyens. À défendre leurs intérêts sociaux et politiques. A utiliser sa lourde bourse financière pour les œuvres de bonne charité. À s'éloigner du wali et le laisser travailler. A ne pas picoler à toutes les cantines gratuites. A éviter le cholestérol des banquets étatiques. A faire tempérer l'angoisse des électeurs. A bien lire et relire les projets de lois et mâcher l'éventuel amendement. A ne pas, dès la première invite du perchoir national, lever la main, sans oser quelquefois lever le petit doigt au niveau local.

De l'espoir et du bonheur

Napoléon disait un jour « on ne conduit un peuple qu'en lui montrant un avenir, un chef est marchand d'espérance » d'où le rôle de tout gouverneur, chef, dirigeant à tout niveau. La mission est donc noble, celle de susciter de l'espoir même en l'absence de moyens adéquats. Il est pourtant tout à fait aisé de mettre son vis-à-vis dans une posture sensationnelle de bonheur, quoique présumé. C'est de l'illusion que pourra éventuellement sortir la réalité d'un rêve ou d'une aspiration. Une parole, une belle parole pleine d'engagement à mieux faire entrainera en toute certitude une forte conviction d'aller de l'avant. Il est également facile de rallumer chez tout un chacun cette lueur qui lui manque pour un avenir radieux. C'est à légalité sociale, au traitement juste et impartial que l'on saura construire l'embryon de la confiance qui persiste à en faire défaut. Si le peuple se voit marqué dans l'agenda de ses gouverneurs, de ses élus il ne manquera pas de poursuivre son inscriptions dans l'accompagnement des politiques initiées qui doivent prendre en charge ses simples préoccupations. Il est toujours insuffisant de parler en son nom à tout bout de champ. Il a aussi ce besoin pédagogique du comportement. Comme tout doit s'apprendre, de l'usage de la démocratie à la préservation de l'écologie ; le respect et l'écoute mutuelles demeurent l'excellente approche systémique dans l'échange didactique qui certes manque à l'un autant qu'à l'autre.

Enfin ce peuple n'attend rien et ne demande pour certains que des horizons plus cléments, des prairies abondantes, des vaches laitières, de l'eau claire, des routes plates, une multitude de Fx, des fiches de paye, des terrasses de café et pour d'autres des engagements fermes, des priorisations d'actions, davantage d'usage démocratique, des gabarits forts et justes.