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UE-Algérie : qui parle à qui ?

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Aux déclarations de la commissaire européenne au commerce accusant l'Algérie de favoriser la Chine et de ne pas respecter l'Accord d'association avec l'UE, ce sont le chef du patronat et celui de l'UGTA qui répondent à la place du gouvernement. Intrigant.

Ainsi donc, ce sont messieurs Ali Haddad et Sidi Saïd, respectivement chef du patronat et SG du syndicat UGTA, qui répondent à la commissaire de l'UE, Mme Cécilia Malmström, en charge du commerce qui reproche à l'Algérie de ne pas respecter les termes de l'Accord d'association signé avec l'UE et de favoriser la Chine dans ses relations commerciales. Voilà un autre rôle hautement politique que s'attribuent en exclusivité le patronat et un syndicat: ce lui de la diplomatie ou plus précisément de la diplomatie commerciale. Quelle que sera la réponse- réaction du gouvernement ou du ministre du commerce ou de celui des affaires étrangères, elle viendra bien tardivement. Du reste, les deux intervenants -officieux- ne précisent pas le contexte des propos de Mme Cécilia Malmström qui a fait ces déclarations en répondant à des questions de députés français, devant l'Assemblée nationale française.

Ce n'est pas anodin tant les relations franco-algériennes sont si particulières ou s'entremêlent affaires d'Etat, affaires privées, calculs, méfiances et passion. Car faut-il le rappeler, l'Accord d'association UE - Algérie est très bien encadré et précis dans ses clauses et termes et prévoit bien de mécanismes d'évaluation cyclique, voire de révision ou de réévaluation des conditions de coopération. L'Accord d'association n'est pas figé pour l'éternité. Un exemple? Le chapitre concernant les produits agro- industriels prévoit des exemptions de droits de douanes allant de 40 à 100 %, tout en ajoutant en fixant des limites aux contingents (quantités importées ou exportées). C'est à dire qu'au delà d'un certains seuil de tonnage importé, l'Algérie peut revoir les conditions tarifaires et peut même appliquer les pleins tarifs douaniers. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé ces derniers mois avec la limitation ou l'interdiction d'importation par le ministère du commerce de certains produits agro- industriels. Ce qui a donné le tournis à certains barons de l'importation qui ne comprenaient pas ces «soudaines» décisions du gouvernement. Bonnes ou mauvaises, les tâtonnements du ministère du commerce algérien sont une autre histoire.

Ce qui importe dans cet épisode est de bien saisir que les déclarations de la commissaire européenne ont été des réponses à des interpellations de députés français en France. Faut pas un dessin pour comprendre que ces députés français se sont fait le porte-parole de lobbies français de l'exportation vers l'Algérie.

Quant au «favoritisme» de la Chine par rapport à l'Europe, la mauvaise foi de la commissaire européenne est sans appel: 60 % des importations algérienne se font à partir de l'UE. A moins de vouloir avoir l'exclusivité ou mettre sous dépendance totale l'Algérie, Mme Malmström devrait alors dicter carrément la liste des produits autorisés à l'importation en Algérie et lui interdire d'acheter ou de vendre ailleurs dans le monde, jusqu'en Chine. Jusqu'à preuve du contraire les Etats sont libres de commercer avec les mieux offrants. Et ce n'est point violer ou faillir à un engagement commercial que de vouloir diversifier son partenariat avec d'autres pays aussi lointains que la Chine ou la Nouvelle Zélande. Pour autant, ce qui importe dans cet échange entre Alger et Bruxelles (Paris dans ce cas précis) relève du protocole de la source: un homme d'affaire et un syndicaliste se pressent de réagir face à la très officielle commissaire européenne du commerce. Pourquoi et pour quel effet? Le chef du patronat comme celui du syndicat Ugta n'ont pas été aux négociations de l'Accord d'association avec l'UE, ni associés aux différents Conseils d'association ou Comités d'association pour se faire les gardiens et garants du dit Accord.

Certes ils ont parfaitement le droit, comme le citoyens lambda, de se questionner ou de donner un avis sur la politique du pays en général sans autant de solennité et de certitudes. Seul le gouvernement est souverain et apte à répondre aux déclarations officielles de partenaires étrangers dans de pareils cas. Par conséquent, les déclarations de la commissaire européennes auraient pu passées inaperçues puisque elle répondait à des députés français, en France. Ces députés soulevaient le cas des exportateurs français et non pas de tous les européens. Elle a donné des réponses de «circonstance», rien de plus. Les responsables européens font régulièrement des déclarations pas toujours à l'avantage de l'Algérie sans soulever de pareilles réactions.

Pourquoi des cris d'orfraie dès que cela émane du territoire français? De plus, la France qui reste au plan commercial le pays le plus favorisé en Algérie ne peut se permettre de faire croire au contraire. Toute cette histoire n'est en réalité que la réaction de quelques lobbies commerciaux en France qui souhaite gagner d'avantage de facilité commerciales en Algérie - et c'est leur droit et de bonne guerre- pour qu'un syndicaliste et un homme d'affaire en fassent une affaire d'Etat ou une imprudence diplomatique qui, plus est, à la place de l'Etat et du gouvernement algérien.