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Moyen-Orient : la « guerre partout »

par Pierre Morville

On assiste dans le Moyen-Orient à une multiplication de conflits dont les acteurs locaux ou internationaux ne semblent pas capables d'en maitriser ni les conséquences ni même leurs propres objectifs égoïstes.

Le 13 et 14 avril, les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ont lancé une série de frappes militaires contre des installations du régime syrien. Une riposte à l'utilisation supposée de l'arme chimique par le régime de Bachar el-Assad contre le fief rebelle de Douma, le 7 avril dernier.

Les trois pays n'ont pas jugé bon d'informer l'ONU de leur initiative. L'Organisation des Nations Unies n'a donc qu'à prendre bonne note de l'action récente des puissances occidentales, comme elle avait su le faire, en 2015 avec l'intervention armée russe, toujours au nom de la lutte contre « le terrorisme international » comme l'a explicité le président Poutine, le 30 septembre de la même année.

Toutes les puissances internationales qui interviennent sur ce conflit, le font évidemment pour des raisons quasi « humanitaires ». Les bombardements sont toujours décidés en invocation de la recherche de la paix, d'un rétablissement des droits démocratiques pour le peuple syrien, dans la perspective d'un apaisement des conflits dans cette région fortement troublée?

L'hypocrisie des communiqués officiels masquent surtout les hésitations stratégiques des grandes puissances confrontées à une très longue déstabilisation du Moyen-Orient à laquelle elles ont largement contribué.

Et l'ONU, à la recherche de solutions, n'a pas pu apporter, ne serait-ce que des pistes de réponses concrètes : « en sept ans de conflit, trois diplomates chevronnés ont tour à tour tenté une médiation sous l'égide des Nations unies. En vain », pointe le site de France TV Info, qui précise : « le premier, l'ancien secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, a jeté l'éponge au bout de cinq mois seulement, en août 2012. Il avait proposé un plan en six points. Il prévoyait une cessation des combats et une transition politique. Son plan est resté un vœu pieux. « J'ai fait de mon mieux », a-t-il lâché. Le médiateur avait avancé deux explications à l'échec de sa mission : « la militarisation croissante sur le terrain » et « le manque évident d'unité au sein du Conseil de sécurité ».

Le second, l'ancien ministre algérien des Affaires étrangères Lakhdar Brahimi, artisan notamment de l'accord de Taëf qui avait mis fin à la guerre civile libanaise en 1989, a démissionné après un peu moins de deux ans d'efforts infructueux. « Je n'arrivais à rien et c'était la seule façon pour moi de protester contre le total manque d'attention de la communauté internationale pour la situation en Syrie ». Le troisième, Staffan de Mistura, ancien chef des missions de l'ONU en Irak et en Afghanistan, a réussi à organiser plusieurs rounds de négociations début 2016 et fin 2017 à Genève, puis début 2018 à Vienne. « Sans succès. Les pourparlers ont à chaque fois achoppé sur la question de la transition démocratique » en Syrie, constate le même site France TV info. Il est vrai que les intentions des grandes puissances qui interviennent dans les conflits du Moyen-Orient, ne sont pas si faciles à décrypter et tout d'abord parce qu'elles ne sont pas nécessairement cohérentes. Il y a certes la volonté d'afficher sa présence et son influence directe sur une région décisive en matière d'approvisionnement en matière de ressource énergétique, le pétrole !  Il y a également le souhait, sinon de peser mais au moins d'infléchir les courants qui traversent le monde musulman dans une vaste région à la croisée de l'Europe, de l'Asie et de l'Afrique.

Mais qui peut expliquer aujourd'hui la cohérence de l'intervention militaire américaine en Irak en 2003 qui a certes, abouti au renversement du « dictateur » Saddam Hussein mais qui a également largement favorisé la montée, dans tout le Moyen-Orient, d'un courant islamiste radical ?

Pourquoi aujourd'hui, les Européens se retrouvent « scotchés » à la politique américaine, surtout quand elle est dirigée par le très fantasque Trump, concernant une région qui est très sensible pour eux, à la fois à travers la proximité géographique, et des enjeux économiques, sociaux, migratoires? ? Quand on dit « les Européens », on ne parle pas de l'Union européenne, totalement silencieuse sur ces sujets, mais des deux acteurs actifs sur le conflit syrien, le Royaume Uni qui vient de quitter l'Union européenne, et la France.

Le jeune, souriant et autocrate Président Macron parle dorénavant au nom des 27 pays adhérents à l'UE, sans évidemment leur demander aucunement leur avis, ni à eux, ni à l'ONU, sur une intervention militaire occidentale importante sur une zone très sensible. Le tout fait bien sûr, au nom d'une « responsabilité à protéger ». Unanimement adoptée par l'Assemblée générale des nations unies en 2005, la R2P est une doctrine par laquelle les Etats s'engagent à protéger les populations des atrocités de masse (génocide, crimes contre l'humanité, nettoyage ethnique, crimes de guerre). Il faut noter que cette responsabilité s'applique très inégalement selon les territoires : qui s'occupe du Yémen ou de nombreux conflits en Afrique ?

Évidemment, y'a pas de pétrole !

Le chef d'état-major israélien, Gadi Eisenkot, partage en revanche, avec Donald Trump, une assez grande franchise dans ses propos. Le quotidien libanais L'Orient- Le Jour a rapporté récemment que dans des interviews accordées ces derniers jours à plusieurs journaux israéliens à l'occasion de la Pâque juive, par ce plus haut responsable de l'armée israélienne, le déclenchement d'une nouvelle guerre était possible dans le courant de l'année : « le plus important danger militaire pour Israël, matérialisé par le triptyque Iran-Syrie-Liban, se situe sur le front nord », a déclaré le général Eisenkot, estimant que la probabilité qu'une guerre au Liban soit conduite dans le courant de l'année était « grande ». Premier adversaire, le Hezbollah. Le chef d'état-major israélien a expliqué que « tout ce qui sera au service du Hezbollah sera détruit, de Beyrouth jusqu'à l'extrême sud ».

On ne peut pas être plus clair. La « guerre partout » est proche.