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Moyen-Orient : des guerres sans fin?

par Pierre Morville

On fêtera, en novembre prochain, le centenaire de la guerre de 1914-1918.

C'est à l'issue de ce conflit européen d'une extrême violence qui entraina, entre autres, la dissolution de l'empire ottoman que fut redivisé l'ensemble du Moyen-Orient au cours de plusieurs conférences internationales. Dans les faits, ce fut un partage de zones d'influence entre deux états vainqueurs, la France et l'Angleterre. Ces deux puissances ont largement redessiné la carte régionale en créant artificiellement des états (Jordanie, Irak?) qui n'avaient pas d'unité ethnique ou religieuse ou au contraire en empêchant la création d'entités nationales comme celle réclamée par le peuple kurde.

La fin de la deuxième guerre mondiale entraina la création de l'État d'Israël qui entraina, on le sait, la négation croissante par occupation des terres, du droit des Palestiniens à disposer d'un état. A l'heure actuelle, l'intransigeance de l'état israélien ne laisse aucun espoir d'un règlement à ce conflit qui dure depuis plus de 70 ans.

Depuis trois décennies, on a assisté à une multiplication de conflits qui furent paradoxalement à l'origine des initiatives guerrières des grandes puissances : Afghanistan (URSS puis USA), Irak, Libye (USA et ses alliés). A la suite de ces interventions militaires, on assista à la destruction des gouvernements, voire à l'assassinat des dirigeants (Saddam Hussein, Kadhafi) mais surtout à l'éclatement des pays qui ont plongé dans des conflits internes interminables, le plus souvent basés sur des tensions ethnico-religieuses, souvent encouragés par des puissances régionales comme l'Iran ou l'Arabie saoudite. C'est ce contexte qui explique en grande partie la montée d'un courant sunnite intégriste qui donna naissance à des mouvements terroristes puissants que furent tout d'abord Al Qaida et à sa suite Daesh en 2013, qui a imposé la création d'un « État islamique » sur une grande zone partagée entre la Syrie et l'Irak. Si l'État islamique a fortement reculé à la suite de nouvelles interventions militaires tant des USA et ses alliés (principalement la France et l'Angleterre) et de la Russie, la déstabilisation générale de la région continue, gagnant même de nouveaux territoires (Yémen) sans qu'aucune solution pacifique durable ne puisse être envisagée.

L'ONU est largement impuissante, son organisme « directeur », le Conseil de sécurité (5 membres : USA, Russie, Chine, Angleterre, France) est profondément divisé sur des solutions éventuelles d'apaisement des conflits du Moyen-Orient. De nombreuses réunions internationales ont déjà eu lieu, toutes sans succès. La dernière qui s'est tenue dimanche dernier à Munich n' a été selon le titre de l'article du Monde que « les échos du chaos moyen-oriental » : « l'affrontement entre grandes puissances et puissances régionales sur le terrain militaire en Syrie s'est déplacé sur le terrain médiatico-politique, dimanche 18 février. Et a laissé éclater au grand jour les tensions entre Israël, l'Iran, la Russie, les États-Unis et la Turquie lors de vifs échanges à la conférence de Munich sur la sécurité » résume le quotidien. Autre intervenant le secrétaire de la ligue arabe, l'égyptien Aboul Gheit, déplore une « désintégration » du « système arabe » : « c'est un désastre » explique-t-il, « je vois une très mauvaise situation au Moyen-Orient, je vois une très mauvaise confrontation en Syrie avec l'intervention des grandes puissances. Les Russes sont sur la côte, les Américains sont à l'intérieur, les Iraniens sont partout. Et je dis à la Turquie : attention, vous intervenez dans un pays arabe ».

Dernier évènement en date en Syrie : depuis le 5 février, les forces du régime syrien et ses alliés russes ont lancé une violente offensive russe et forces pro el-Assad contre la Ghouta orientale, dernière enclave contrôlée par la rébellion dans la banlieue est de Damas (275 morts, 400000 personnes prisonnières de l'enclave).

En Irak, le premier ministre irakien Haider al-Abadi a annoncé la « victoire » sur le groupe djihadiste État islamique (EI) qui avait menacé en 2014 l'existence même de l'État irakien en s'emparant près de deux tiers de son territoire.

Le premier ministre irakien Haider al-Abadi a déclaré, samedi 9 décembre 2017 à Bagdad, la fin de la guerre contre l'État islamique, en Irak. Il estime que les forces irakiennes « contrôlent complètement la frontière irako-syrienne », décrétant donc « la fin de la guerre contre Daech», précisant néanmoins qu'en dépit de cette victoire finale, «nous devons rester sur le qui-vive».

Car, peu après la naissance officielle (le 9 avril 2013) de «L'État islamique en Irak et au Levant» dirigé par Abou Bakr al-Bagdadi, l'EI s'était emparé facilement en 2014 du tiers de l'Irak lors d'une offensive éclair, mettant la main sur la quasi-totalité des régions sunnites dans l'ouest, le centre et le nord du pays. Début juin, l'EI s'empare de Mossoul, deuxième ville du pays, et de larges territoires. En prenant le contrôle d'un territoire aussi vaste que l'Italie, à cheval sur la Syrie et l'Irak, l'EI proclame alors, le 29 juin, un «califat» et se rebaptise «État islamique».

Aujourd'hui, les restes de Daesh continueront toujours à jouer sur les antagonismes entre sunnites et chiites et Daesh peut-être sous une autre appellation n'a pas totalement disparu de la scène politique et militaire irakienne.

Au Yémen, même affrontement dans une guerre civile meurtrière qui oppose la minorité zaïdite, d'obédience religieuse chiite (soutenue par l'Iran), à la majorité sunnite incarnée par le Président Mansour Hadi en exil en Arabie Saoudite et supporté par ce pays.

Quant à la Libye, coupée en deux gouvernements, le pays explosé depuis sept ans, est le principal lieu de passage du flot perpétuel de réfugiés du Moyen-Orient et de l'Afrique subsaharienne qui tente de rejoindre l'Europe. Près de 450 migrants en naufrage ont été secourus lundi dernier par les garde-côtes libyens.

Quant à l'Afghanistan, le pays est en guerre civile et sous occupation étrangère depuis près de 40 ans, après l'intervention russe de décembre 1979 puis celle des USA depuis octobre 2001.