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Pourquoi les appels d'offres étaient-ils infructueux alors ?

par Reghis Rabah *

Une propagande lobbyiste laisse courir des rumeurs par le biais de médias nationaux, pourtant crédibles mais font leur premiers pas dans la presse d'investigation.

Leurs sources qualifiées de sûres seraient des cadres supérieurs du secteur sous le seau de l'anonymat comme toujours. Ce racolage prétend que l'américaine Anadarko, la Norvégienne Statoil et la Britannique BP auraient proposé à l'Algérie une offre alléchante pour obtenir l'exclusivité de l'exploitation du gaz de schiste en Algérie. Depuis pratiquement fin septembre dernier, après la déclaration du premier ministre à Arzew ré- ouvrant encore une fois le dossier des ressources non conventionnelles que ces compagnies lit-on n'arrêtent pas de faire « la danse du ventre » dans les couloirs de Sonatrach en montrant leurs parties intimes qui valent quelques choses comme 190 milliards de dollars. Il y a plusieurs raisons qui montrent que ceci n'est que du bla-bla mais deux paraissent exhaustivement suffisantes. La première est spécifique à l'industrie pétrolière et gazière non seulement en Algérie mais dans le monde. Les expressions du type « mettre de l'argent sur la table » ou « avoir l'exclusivité d'un produit ou d'une activité » sont permises dans le jargon du commerce comme le biscuit ou le chocolat mais pas dans l'amont pétrolier qui est soumis au respect du code pétrolier du pays hôte. L'accès au domaine minier se fait par « rounds », gré à gré, accord de far in, achat de réserves en terre développée ou non, le swap d'intérêt entre compagnies ou enfin participation à la récupération améliorée en fin de vie de champ ou éventuellement d'une baisse considérable de la pression comme c'est le cas de la plus part des champs algériens. La loi algérienne sur les hydrocarbures de 2005 et son ordonnance modificatrice abrogent toutes les dispositions, notamment la loi 86-14 du 19 août 1986 instaurant le partage de production, permet l'octroie par l'Etat au titulaire un titre minier exclusif d'exploration. En cas de découverte commerciale, il obtient un ou des titres exclusifs de développement et d'exploitation. Le titulaire de la concession est propriétaire de la totalité des hydrocarbures produits à la tête des puits. Il est aussi propriétaire des installations de production jusqu'à l'expiration de ses droits miniers. A l'expiration de la concession, les installations fixes reviennent à l'Etat sans indemnité pour le titulaire. Il est possible pour l'Etat de participer dans le cadre d'un accord d'association sans aucune contrainte de l'une ou l'autre des parties. En contrepartie, le concessionnaire finance entièrement à sa charge toute la phase d'exploration en plus d'une partie des investissements de développement dans le cas où cet accord d'association se concrétise. Il paye, durant ces opérations, un bonus, une redevance superficiaire, une redevance de production en nature ou en espèce, un impôt sur le bénéfice et d'autres taxes supplémentaires spécifiques à chacun des pays où ce régime est pratiqué. Il reste bien entendu que l'Etat dispose d'un droit de regard sur le profil de production et parfois même sa commercialisation. La deuxième raison et pas des moindres est la question à ces compagnies qui n'ont pas soumissionné l'or des appels d'offre lancés par Alnaft depuis l'amendement de la loi sur les hydrocarbures en 2013 et qui permet l'exploration et l'exploitation du gaz schiste. Il y avait dans les blocs proposés des rendus très intéressants qui n'attendaient que des partenaires pour leur exploitation. Ils sont tous revenus infructueux où étaient Anadarko, Statoil et BP ? De quoi se caractérise leur présence en Algérie ? Pourquoi font ?elles cette propagande ? Et peuvent ?elles réellement exploiter comme elles le prétendent le gaz de schiste algérien ?

1- les étrangers profitent de la gestion marécageuse de Sonatrach

C'est un leurre que de croire que ces trois sociétés auxquelles s'ajoutent la française Total, l'italienne ENI et dans des moindres mesures les espagnoles Cepsa et Repsol recherchent la transparence dans les pays où elles opèrent. Sur la même voie que les multinationales, elles se développent mieux dans les eaux troubles, et si la situation ne l'est pas elles la créent par différents artifices. Tous les pays, notamment africains en sont touchés de près ou de loin. L'organisation de l'unité africaine(OUA) devenue en 2002, unité africaine (UA) est financée à 80% par « on dit l'extérieur » mais qui produit dans le circuit économique sinon les multinationales. Elles mettent celui qu'elles veulent à la tête de cette organisation pour pénétrer le marché des pays africains au moindre coût. Résultats : 25% du PIB des 1,2 milliards d'habitants en Afrique va dans la corruption.

C'est aussi un leurre de croire que ces entreprises se soucient du terrorisme dans certains pays et notamment en Algérie. Elles utilisent ce prétexte uniquement pour faire pression et en tirer des avantages de leurs partenaires. Dans les pays où subsiste un lack sécuritaire, elles recrutent sur place ou envoient des soit disant experts de leur nationalité mais jamais de souche. La preuve est la longue liste du personnel de BP et Statoil décidés lors de l'attaque de complexe gazier de Tiguentourine.

Pour revenir justement au motif de cet engouement pour l'exploitation du gaz de schiste en Algérie, ce débat est devenu désormais un enjeu électoral qui pourrait leur servir d'un moyen de pression pour leurs autres affaires mais en aucun les ressources non conventionnelles. Elles ont détecté un clivage au sommet. Le président de la république appelle à un moratoire sur cette question mais l'exécutif tient un autre discours. Cette question devait même contaminer le paysage politique français (01) pour tenter d'écarter ses entreprises de leur stratégie.

2- Leur présence en Algérie n'est pas aussi blanche qu'on le laisse croire

BP par exemple fait partie des 90 entreprises les plus polluantes de la planète, responsables de deux tiers des émissions à effet de serre dans le monde (02). Pour justifier sa présence passive dans le partage du gaz d'In Salah, elle s'est donné en Algérie à des spots publicitaires relatives à la protection de l'environnement. Pourtant, de nombreux experts se demandaient pourquoi cette association sur un champ gazier où elle ne ramène aucune expertise. Sonatrach, d'abord connait bien le gisement, elle sait l'exploiter, dispose de tous les moyens pour le traiter et le transporter enfin une expertise avérée pour le liquéfier et le commercialiser. En quoi BP serait-elle utile dans cette association ? L'argent ! L'Algérie avait au moment de la signature du contrat des reserves de change qui dépassaient les 200 milliards de dollars. Anadarko s'est engraissée en Algérie. Crée en 1959, elle est présente dans de nombreux pays. Il n'y a pas si longtemps, elle s'est faite épinglée par le SEC, un organisme de contrôle américain pour fausse déclaration de l'assiette fiscale pour payer ces impôts alors on imagine les miettes qu'elle pourrait donner au fisc algérien qui ne dispose s'aucun moyen de contrôle. Elle a extirpé 6,4 milliards de dollars à Sonatrach dans l'affaire de son procès sur la taxe sur le profit exceptionnel, pourtant légitime face à une montée des prix du baril inattendue(03).

Elle est actuellement soupçonnée d'irrégularité dans plus de 1150 contrats passés depuis la création de son association avec Sonatrach (04). Statoil a montré au départ un intérêt particulier pour la formation et a promis aux Algériens un transfert du savoir et du savoir faire dans le pays. Dans ce cadre justement, elle a vendu un package de formation à Sonatrach pour plusieurs millions de dollars. Une espèce de « Souk » dit « Safe behaviour Programme » destinée à 120 000 travailleurs pour une sensibilsation sur la sécuruté. Ce training s'est articulé sur les conséquences des accidents, les causes directes ou indirectes des accidents et surtout sur les mesures à prendre afin de rendre les lieux de travail plus sécurisés. Il s'est déroulé par groupe de 300, surtout pour rentabiliser l'hôtel Sheraton d'Oran de pas autre chose car c'est il s'est avéré qu'il s'agit là d'une arnaque qui ne dit pas son nom. En plus, cette société est rentrée avec des parts dans le groupement de l'Institut Algérien du Pétrole (IAP) pour le hisser au rang d'un pôle d'excellence, résultat : ce fleuron dans la recherche et la formation dans l'industrie pétrolière et gazière est descendu aussi bas qu'un centre de formation professionnel pour ne pas dire de tourisme.

3- Pourquoi le gaz de schiste n'est rentable qu'aux Etats-Unis

D'après des études de Bloomberg New Energy Finance (BNEF), le modèle américain n'est extrapolable nulle part ailleurs en et, ce pour plusieurs raisons. La théorie du « first mover advantage » donne un avantage compétitif aux acteurs économiques arrivés en premier sur le marché, donc aux entreprises américaines. Les réserves de gaz de schiste hors des Etats-Unis sont très difficiles à évaluer. Même les estimations des organismes gouvernementaux américains, qui font référence, manquent de crédibilité. La structure de coûts de l'exploitation de gaz de schiste aux Etats-Unis n'est pas transposable à d'autres pays, du moins à court terme, puisque certaines infrastructures comme le réseau routier ne sont pas nécessairement adaptées. La différence de taille entre les Etats-Unis et l'Algérie implique également des différences dans les économies d'échelle au désavantage de l'Algérie bien entendu. La seule similitude serait dans la faible densité de population dans les états américains producteurs de gaz de schiste, comme le Texas et donne moins d'échos aux problématiques de mitage du paysage et de contamination des eaux. C'est du moins ce que pensent certains experts algériens pour les gisements situé au Sahara Algérien. Peut être aussi la qualité et la quantité du gaz de schiste dans les gisements si l'on croit l'US Energy Information Administration qui prévoit dans les gisements algériens un TOC (5) moyen de 6% soit situé dans la tranche de l'excellence.

*Consultant et Economiste Pétrolier

Renvois : Lire pour plus de détail

(01) https://www.tsa-algerie.com/lalgerie-exploite-deja-le-gaz-de-schiste-affirme-une-elue-francaise/

(02) https://www.rtbf.be/info/dossier/le-climat-et-moi/detail_qui-sont-les-plus-grands-pollueurs-sur-la-planete?id=9152772

(03) https://www.algeriepatriotique.com/2012/11/07/comment-anadarko-a-extirpe-64-milliards-de-dollars-a-sonatrach/

(04) http://www.algerie-focus.com/2016/09/exclusif-1150-contrats-douteux-groupement-sonatrach-anadarkoles-dessou/

(05) Qualité du Carbone Organique Total qui détermine la richesse en hydrocarbures