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FLN, une question d'hommes ?

par El Yazid Dib

Quel avenir politique pour le PFLN ? Tout dépendra de ses détenteurs. En FLN, et il n'y a pas de musée qui puisse le contenir ; personne ne lui dénie son rôle déterminant dans la symbiose qu'il a su réaliser pour redynamiser l'activité du mouvement national de libération. Il a eu tant de gloires et d'acquis qu'autant d'incohérences et d'anachronismes.

Louable initiative que vient de réactiver le Secrétaire général du parti en décidant de donner un travail sérieux et salvateur à la commission nationale siégeant en conseil de discipline. Son « gare à vous ! » étirant son œil comme une maman envers ses enfants trublions ne semble pas faire trop de crainte. Il n'est pas ainsi à sa première mise en garde. Si l'on ne tiendra pas compte de ces « avertissements » pour voir aboutir la procédure disciplinaire réglementaire, il restera énormément de travail à faire dans l'organisation des rangs.

La discipline, oui mais pour tous

C'est bien de refaire fonctionner la commis sion de discipline du parti, cette fameuse machine à broyer les réticences et tordre le cou aux renégats. Sans cette discipline toute organisation est vouée à l'échec, voire au dépérissement. Ca serait mieux, si elle aurait à mettre aussi sous ses scies d'autres noms, d'autres mauvaises volontés, d'autres faux dévots. La discipline au sein d'une corporation reste par ailleurs ce serment de servir une ligne, une idéologie, un objectif commun.

Elle est d'abord un engagement envers soi-même et non pas envers une idole ou un individu circonstanciel. L'on aurait vu et revu des élus nationaux ou locaux fuir le parti et ses sacerdoces une fois le ticket d'accès à un bureau ou un hémicycle obtenu.

Pire, certains d'entre eux balafrent l'histoire du parti et lui causent par acte délibéré des entorses et des déchirures.

Vêtus de leur mandat, ils font fi de toute dette ayant fait leur ascension. Ils excellent dans l'absence au parti, parmi les citoyens et dans les vagues promesses qu'ils diffusaient quand ils n'étaient que fœtus, de simples petits candidats qu'avait fait grandir un grand parti. Ce sont en fait tous ces gens là, qui doivent être passibles de la commission de discipline. Il est vrai que nul ne peut remettre un mandat électoral donné par « le peuple ». Ils le savent, ils en jouissent. Mais si le parti était aussi fort tel qu'il était un jour , il y aurait toujours des mesures coercitives telles qu'annoncées entre autres contre Tliba. L'éviction de tout organe, toute charge, toute mission, toute fonction au sein ou au nom du parti pourraient tenir lieu en cas de défaillance d'un cahier de charges à établir comme une charte pour l'élu et qu'il lui soit opposable et contraignant.

La liberté d'expression, engagement partisan

Par ailleurs l''interrogation la plus inexplicable qui pèse sur toutes les têtes des analystes et observateurs du paysage politique demeure cette attitude d'Ould Abbes à pouvoir dire une chose et parfois son contraire. Il est connu pour son jeu de main faisant un quatre de ses doigts, puis un cinq et brusquement cette fois-ci , il interdit à son monde de chuchoter ou d'ébruiter le moindre brin d'information ou de désir quant à un second mandat présidentiel après la révision constitutionnelle.

Pourtant il est de politique et de légitime pour tout militant d'exprimer ses tendances et ses préférences.

Comme il est de stratégie et de tactique pour un patron de parti de pouvoir deviner, anticiper et prévoir l'avenir politique imminent et s'investir lourdement pour en dessiner les contours ou au moins les rendre partiellement en sa faveur. Mais si l'on se fige dans l'attente ou l'on colle ses tympans à un écouteur, l'on sort du management et de la gestion des situations politiques et l'on se place ouvertement dans un poste qui ressemble à la haute fonction publique.

L'opportunité d'un débat, 2019

Toute cette « gesticulation » interne peut apparaitre comme un prélude non déclaré à l'ouverture d'un débat sur avril 2019. Ceux qui veulent ajourner ce débat savent bien faire l'arithmétique des jours. L'échéance est encore loin, contrairement à ceux qui pensent qu'elle est déjà là et c'est pour demain. Un débat ouvert tôt amenuise les forces et rétrécit les efforts de conviction. Choisir le bon moment, le temps adapté reste donc une vigilance opérationnelle. Rien ne sert des à présent de courir à gauche et à droite pour brandir une candidature ou élimer l'ombre d'une autre. Les arcanes du pouvoir en pareille situation sont toujours impénétrables pour le commun des mortels. Il y a des supputations de part et d'autre.     Ce qui est totalement normal dans des cas similaires. L'histoire des luttes politiques nous a tout le temps appris que tout projet politique tend à se maturer dans le silence pour s'éclore une fois tous les risques, les hésitations ou les imprévus sont identifiés et écartés. En fait de présidentielles, il ne s'agit pas d'une simple affaire liée à la gestion d'une bicoque, il s'agit réellement de tout un devenir national. L'on ne va ainsi qu'en hypothéquant l'avenir d'une nation et partant commencer à dessiner la suite de son histoire. Et puis l'élection du président de la république n'est pas une question d'un parti ou de plusieurs partis. Elle n'est que l'aboutissement d'un long processus consensuel de tout niveau et à tous les niveaux.

Appareil central du parti

C'est à partir de l'indépendance, de ses soubresauts et ses grosses maladies intestines qu'il avait, le pauvre FLN commencé à servir, malgré lui, le régime instauré par la force. Plus de centralisme démocratique, plus de congres, plus de Front. Se recroquevillant sous l'appellation mécanique « d'appareil central du parti » , on lui avait injecté l'unicité de pensée, le refus de réflexion et la défense d'avis.

Certaines personnalités fondatrices ou référentielles débutaient leur traversée du désert, leur exil ou leur bannissement.          

D'autres ont remporté sous leur linceul, en leurs tombes leurs multiples résignations, souffrances et dénis de gratitude.

Malgré cette portion rabougrie, réduit à un organe d'exécution, il aurait fait quand bien même des prouesses en termes de galvanisation de la conscience nationale et de protection des acquis de la révolution. Le socialisme égalitaire et spécifique avec ses vices et vertus n'était pas un choix, mais une nécessité. Attention ! Au sortir de la guerre tout le peuple était pauvre et misérable. Il n'y avait pas d'industriels, d'investisseurs ou de promoteurs immobiliers en 1962. Ceux qui l'étaient ou leur ressemblaient portaient dans l'opinion et le savoir populaires un lourd fardeau d'accusation et de gros doutes condamnables.

A la faveur des zéphyrs démocratiques arrosant le monde tenu encore en joug, il s'est vu contraint d'apporter « le resourcement ». La constitution de Chadli , consacrant le multipartisme l'avait par la force du droit recadré du Front qu'il était dans le Parti du Front qu'il est. Le paysage politique tellement avide de droits et d'expression s'était vite ouvert à toutes les tendances et idéologies les plus contradictoires et complexes. Lui, pataugeait dans un climat qui lui semblait inhabituel. Récupéré par les tenanciers de l'intendance ; il s'est inscrit dans la case du pouvoir pour l'éternité nonobstant les « coups d'état scientifiques », les mouvements des « redresseurs » ou les sentences de « la justice nocturne ».

Du FLN au PFLN, une question d'hommes ?

L'un a une longue histoire, ornée de lauriers et de gloires, l'autre a aussi sa toute récente histoire. Dans le temps du premier les forces nationalistes étaient éparses pour les unes, contradictoires et divergentes pour les autres.     Il avait su comme un seul être ramasser toutes les volontés pour en faire un front et agir unanimement pour un même et seul objectif , libérer le pays.

Cette notoriété dépassant les frontières avait pu inscrire la lutte nationale dans le registre des grandes luttes populaires de l'humanité.       Donc, cette gloire, cette légende, ces nobles lettres, ces initiales historiques appartiennent à tout le peuple, sans exclusif ni discrimination. Ce FLN, grand dans sa dimension et dans celle des hommes qui l'ont mis dans l'orbite des peuples révolutionnaires ne peut être pris en mains que par certains aux dépens d'autres. Patrimoine collectif, telle la révolution de novembre, l'islam, l'arabité, l'amazighité, l'hymne national ou le drapeau, il n'est la possession de personne. S'il s'agit évidemment du FLN. Maintenant pour ce qui est du PFLN, c'est tout juste comme son géniteur. Une question d'hommes. A eux et elles, d'en faire un catalyseur apte à capter les ardeurs et l'enthousiasme des citoyens loin de toute obédience autre que celle d'un nationalisme avéré et d'un patriotisme sans failles.

Ceci ne pourra se faire, sans qu'il ne doive y avoir un autre cycle de « ressourcement », autrement dit, il faudrait expurger de ses rangs les chasseurs d'opportunités et ceux qui viennent semblant y militer que pour peaufiner leur fin de vie active. Au PFLN, la candidature ne doit plus être un métier pour les sans métier et la fonction élective un autre emploi pour ce qui ne l'ont pas. Dire encore que l'on ne peut venir militer à 60 ans ou après avoir accompli loin du parti une carrière administrative ou y venir pour protéger un investissement et une fortune ou étendre davantage son industrie. Ce sont des hommes dont l'engagement est d'aplomb et incontestable qui auront la charge d'élever au point qui lui sied, le parti. Des hommes dont le seul souci serait d'assurer la continuité des ainés dans un sens de convergence et de collectivisation des idéaux porteurs de progrès et de prospérité pour tous. Des créateurs de décisions et non des requérants d'avis.

L'issue salutaire

Ce sera d'abord cette reprise de conscience qu'en son sein, l'évidence fait constater chez tous les « militants » occasionnels ou recrues invétérées que ça va plus ou moins mal. Cette auto-reconnaissance fera ensuite resurgir la hargne chez ceux qui veulent vraiment le voir en une organisation politique souveraine, indépendante et en permanence à l'avant-garde des préoccupations citoyennes. L'ancrage politique dont se prévaut le FLN au sein de la masse, constitue une aubaine pour la correction des situations; si toutefois les noms usés, n'useraient pas encore l'espace de ce qui reste de son authenticité et de nouveaux modes de gestion supplanteront les méthodes des fausses alliances, du piston et de l'intercession. Que la qualité militantiste ne doit plus s'évaluer par le ratio ancienneté plus qu'elle doit se faire par l'engagement et la force de convaincre autrui. Une tache politique et non pas une adhésion formelle pour un but électoral.

Sinon que sera ce parti dans les cinquante années à venir ? Le monde fait vite sa rotation et accélère la cadence de la démocratie, parfois sans visages. Des hommes de cran, de haut gabarit, qui puisant leur inspirations de ceux qui l'ont fait, continueront certainement à exister et partant feront de la survie de ce grand et libérateur, un parti de toujours. Il ne doit plus se prendre ni pour l'Etat, ni pour la nation ; il agira pour consolider leurs institutions dans un esprit de fraternité, de tolérance et de partage. Comme tout autre parti, il aspire à la conquête du pouvoir. Ainsi le cas échéant il doit être un parti au pouvoir et non du pouvoir. Pour l'histoire ; il est histoire. Le reste est secondaire. Une mue, une nouvelle muse et non le musée est donc indispensable.

La nostalgie est tout de même, parfois un baume générateur de sérénité, lorsque l'avenir s'annonce sombre et tumultueux. Quelque part, nous sommes tous atteints de ce syndrome du passé. Il est dans nos trippes, lui, le parti et ses hommes.