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L'examen de démocratie et le test de patriotisme

par Abdelhamid Charif

«Etre patriote aujourd'hui, c'est être démocrate.»

Tel est le testament, sous forme de test et de vaccin de patriotisme, que Hocine Aït-Ahmed a légué aux Algériens et à la postérité.

Aït-Ahmed ne fait pas partie de ces enseignants déficients, aux bagages modestes, prenant un malin plaisir à réserver les précieuses complexités comme surprise le jour de l'examen. Tel un grand maître, c'est plutôt en inculquant son enseignement qu'Aït-Ahmed étale ses compétences et partage généreusement son riche savoir et vaillant savoir-faire, étayés par plusieurs exemples résolus et difficultés bravées, avant de gratifier ensuite ses élèves d'un examen simple et abordable. Le test de patriotisme d'Aït-Ahmed est à la portée des élèves assidus, tout en étant suffisamment subtil pour permettre à l'excellence de se distinguer et à la médiocrité d'être filtrée.

Cette dernière, la médiocrité, peut hélas non seulement subsister dans la classe d'un grand maître, mais peut même être présente et se liguer en force. Au grand dam d'un certain Abdelhamid Mehri, compagnon de route et d'infortune de Hocine Aït-Ahmed.

Les deux maîtres de la sagesse et de la dignité politiques ont été dépassés et submergés, car jugés insuffisamment patriotes et refusant obstinément de faire mieux, par des élèves d'un autre genre, sortis d'une étrange école de tutorat élitiste. Elèves cloitrés dans des bulles de super-patriotisme, affichant un mépris généralisé et lançant des accusations collectives. Pour insuffisance de patriotisme et de fiabilité, les élites authentiques sont marginalisées et les masses populaires inculpées d'immaturité. Sentiments trop connus et trop chèrement payés.          Des gens qui aiment l'Algérie plus que son peuple, cela rappelle de douloureux souvenirs à Aït-Ahmed. Le patriotisme des racines ancestrales de Dda L'Hocine, c'est aimer la campagne, et davantage le paysan.

Le patriotisme du génie et de l'humilité d'Aït-Ahmed accommode les faiblesses et les insuffisances, mais ne tolère aucun excès et aucune overdose. Un super-patriote n'est plus un patriote. Son agenda est différent. Le super-patriotisme peut tenir pour salvateur le bourrage des urnes, ainsi que ses dommages collatéraux et bénéfices longitudinaux. Il ne faut surtout pas accuser le super-patriote de colonisabilité. C'est temporaire, rassure-t-il. Jusqu'à nouvel ordre. Nouvel ordre périodiquement renouvelé. Pour force majeure. Cher maître Dda L'Hocine, cela m'a pris du temps. Mais je commence à saisir ton message. « Etre patriote aujourd'hui, c'est être démocrate. » Il ne s'agit pas seulement d'un simple test. C'est aussi et surtout une formation continue, un ressourcement et un traitement d'appoint. C'est un postulat universel avec divers corollaires de supports qu'il faut dénicher, assimiler, pratiquer et inculquer. Patiemment et inlassablement.

C'est reçu quatre sur cinq, cher maître. Désolé pour le point perdu. Ta barre d'excellence est trop haute pour moi. J'espère que d'autres te procureront cette satisfaction. Je pense avoir quand même retenu l'essentiel. Le patriotisme authentique, c'est aimer le paysan plus que sa terre, le berger plus que ses agneaux et le nomade plus que son sous-sol. Etre patriote aujourd'hui, c'est être démocrate. Ni plus ni moins. N'est-ce pas, cher maître, nécessaire et suffisant ? En deçà de la démocratie, il n'y a que la tyrannie, et au-delà du patriotisme, on s'enfonce dans la trahison.

Et enfin, cher maître, pour terminer, à ta manière, sur une note optimiste, même en période maussade, on peut espérer qu'un des résidents de médecine, récemment matraqués pour des raisons de maintien de l'ordre établi, puisse écoper de suffisamment d'inspiration et innover un remède indolore et pas coûteux pour le traitement des deux syndromes chroniques et indissociables que sont l'hypo-démocratie et l'hyper-patriotisme.