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Quel paquet minimum de soins pour les zones enclavées ? (1ère partie)

par Dr A.G/.Friha(*)

«? La santé est un état complet de bien-être physique, mental et social ; et ne consiste pas seulement en l'absence de maladie ou d'infirmité?»[OMS 1946]

L'Algérie fait face, en raison de sa composition géographique, à des défis particuliers dans la prestation des soins de santé. L'étendue de son territoire et le fait que des Algériens vivent dans des régions isolées et éloignées, font qu'il lui est difficile de garantir l'accès aux services de santé à l'ensemble de ses citoyens, indépendamment de l'endroit où ils vivent.

Les données sur les disparités dans le domaine de la santé confirment cette perspective : la situation géographique est effectivement un déterminant de la santé. L'état de santé des habitants des collectivités rurales et éloignées est moins bon que celui des habitants des grands centres urbains. L'accès aux soins de santé constitue également un problème en raison non seulement de la distance, mais aussi de la difficulté pour ces collectivités d'attirer et de retenir des infirmiers, des médecins et d'autres professionnels de la santé.

Difficultés des communications :

Nous notons l'importance des distances entre les grands établissements de santé (CHU des grandes villes du Nord) et les zones enclavées ; et entre les grandes agglomérations: pour aller d'une ville à l'autre :

- des populations éparses et nomades ;

- forte concentration de poches de pauvreté ;

- flux migratoires importants et difficiles à contrôler et à évaluer ;

- démographie médicale largement en dessous de la moyenne nationale et rareté des professionnels de la santé spécialisés.

Disparités en matière de santé :

Les indicateurs de la santé ont montré de façon constante que les habitants des collectivités démunies et éloignées, en particulier ceux des zones enclavées, éparses et déshéritées, n'ont pas une aussi bonne santé que le reste de population algérienne.

Ce sont les habitants de collectivités éloignées qui ont le moins bon état de santé et qui ont l'espérance de vie et l'espérance de vie sans incapacité les plus faibles. Il semble également que la santé d'une collectivité soit inversement liée à son éloignement. Ainsi, en Algérie, il y a une tendance vers une détérioration progressive de la santé à mesure que l'on se déplace des régions proches des centres urbains et des CHU et EHS vers les régions très éloignées.

Disparités en matière d'accès aux soins de santé :

Les Algériens vivant dans des collectivités démunies et éloignées ont souvent de la difficulté à avoir accès à des soins de santé primaires et à retenir des professionnels de la santé, sans compter l'accès aux services de diagnostic et aux traitements plus spécialisés. Les habitants des collectivités démunies et éloignées doivent également assumer des frais de déplacement élevés pour avoir accès aux soins dont ils ont besoin. Ils doivent, en effet, passer des jours ou des semaines loin de leurs familles et de leur réseau de soutien social et assumer des coûts supplémentaires de logement et de repas.

Disparités en matière d'accès aux professionnels de la santé :

Les problèmes d'accès souvent des graves aux services de santé découlent pénuries de professionnels de santé qui frappent les collectivités rurales et les collectivités démunies et éloignées. Les médecins s'opposent en général aux mesures qui restreignent leur droit de choisir leur lieu d'exercice.

Exposer davantage les médecins au milieu rural dans le cadre de leurs études et de leur formation constitue certainement un élément de solution. Des médecins qui ont été exposés au milieu rural et qui y ont acquis une certaine expérience ont des meilleures chances de vouloir y travailler une fois leurs études terminées.

Quels obstacles et quelles solutions ?

- Peut-on aboutir à un consensus quant à la définition d'un accès «adéquat» ?

On peut, par exemple, définir un noyau fondamental de service pour divers types de collectivités rurales. Les intervenants clés, notamment les professionnels de la santé et les membres de la collectivité, la société civile, le mouvement associatif, les syndicats des professionnels de la santé devraient prendre part à la définition et au choix des services fondamentaux qu'offrirait chacune des collectivités ou régions.

- La nécessité d'établir des liens solides avec les grands centres :

Il faut instaurer une certaine forme de réseau reliant des collectivités aux centres urbains. Les services spécialisés continueront d'être concentrés dans les grands centres, mais il faudrait renforcer leurs liens avec les collectivités rurales.

- La difficulté de desservir les collectivités de plus petites et les plus éloignées :

Ce sont les collectivités les plus difficiles à desservir parce que la taille de leur population ne permet de soutenir que les services les plus fondamentaux.

- L'accent est mis sur les symptômes plutôt que sur les causes :

Il faut plutôt s'attarder davantage aux causes fondamentales du déficit de la santé en milieu rural ; ne pas mettre l'accent sur les symptômes, et les actions de saupoudrage.

- La prédominance de l'application d'approches «urbaines» aux collectivités «rurales et zones éloignées» :

Bon nombre d'administrateurs, de planificateurs et de dispensateurs de soins se fondent sur des approches axées sur le milieu urbain plutôt que de concevoir d'autres modèles adaptés au contexte particulier des collectivités rurales, zones enclavées et éloignées.

La situation des professionnels de la santé en est un exemple typique. La tendance est l'accroissement de la spécialisation. Il se peut que cette tendance réponde aux besoins de la médecine axée sur la haute technologie et la recherche que l'on retrouve dans les grands hôpitaux, dans les CHU, EHU et EHS, des centres urbains importants, mais les collectivités rurales ont, pour leur part, des besoins quasi opposés.

Elles ont besoin de «spécialistes» d'un tout autre genre, c'est-à-dire de généralistes bien formés et expérimentés qui se «spécialisent» dans la prestation de soins de santé primaires de haute qualité aux collectivités démunies.

- L'absence de recherche :

Les politiques et les stratégies visant à améliorer la santé et les soins de santé dans les petites collectivités n'ont pas été fondées probantes ou sur des recherches. En tout comme pour la recherche sur la santé en général, la concertation et les liens entre décideurs et chercheurs sont négligées. On peut donc dire que les politiques, les stratégies, les programmes et les pratiques de la santé en milieu rural n'ont pas été aussi efficaces qu'ils auraient pu l'être ; d'où il faut :

- Avoir une vision et des principes clairs (essais de propositions) ;

- Rendre pérenne le nouveau fonds spécial en réfléchissant à son mode de financement (zones enclavées ) afin de soutenir de nouvelles approches permettant de fournir des services de santé et d'améliorer la santé des habitants des collectivités démunies et éloignées.

Afin de :

- Multiplier les actions de proximité par les équipes mobiles ;

- Utiliser une partie du fonds pour répondre à la demande de professionnels de la santé dans ces collectivités ;

- Etendre la télé-santé afin d'améliorer l'accès aux soins de santé ;

- Assurer la disponibilité des médicaments et des consommables essentiels ;

- Il faut d'abord se fixer pour objectif que les populations vivant dans des régions et des collectives rurales et éloignées jouissent d'une aussi bonne santé que ceux qui vivent dans des régions nanties et d'autres centres urbains.

- Toutes les initiatives de santé en milieu rural :

Notamment l'élaboration des politiques, la planification des programmes, la pratique clinique, la recherche et le perfectionnement des ressources humaines dans le domaine de la santé, devraient s'imprégner de cette vision, laquelle devrait reposer sur les principes suivants :

- Les initiatives de santé en milieu rural devraient viser à assurer l'équité sur le plan de l'accès aux soins de santé et des résultats en matière de santé ;

- Il ne saurait y avoir une stratégie unique pour l'ensemble des collectivités rurales, nomades, enclavées, éloignées. Il faut élaborer des approches particulières pour répondre aux divers besoins en santé et au contexte propre aux diverses collectivités ;

- Il faut se pencher à la fois sur les problèmes immédiats (l'accès aux infirmiers et aux médecins) et sur les problèmes plus fondamentaux (la conjoncture économique et les conditions de vie) ;

- Les politiques, stratégies et les programmes devraient reposer sur des données probantes et des recherches.

- Il faut également évaluer objectivement les résultats de diverses approches ;

- Les membres de la collectivité, le gouvernement, les collectivités locales, les professionnels de la santé et d'autres intervenants doivent être mis à contribution pour trouver des solutions et prendre les mesures qui s'imposent.

- Il faut adopter une approche véritablement nationale pour relever les grands défis que pose la santé en milieu rural et compléter les initiatives locales ou régionales.

A suivre...

(*) DSP de Mostaganem