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Aller de l'avant

par Mahdi Boukhalfa

La visite de Macron en Algérie devra maintenir en l'état, à défaut de les «sublimer», les relations commerciales, économiques et politiques entre les deux pays. Certes, les deux capitales ont toujours su maintenir une certaine chaleur dans leurs relations, mais pas plus. A Alger plus qu'à Paris, on estime que des dossiers toujours ouverts doivent être fermés, au plus vite pour ouvrir la voie à des relations bilatérales vraiment apaisées. Vœu pieux d'Alger sur cette question de la reconnaissance des crimes contre l'humanité commis par la colonisation française en Algérie ? Pas vraiment, car si à Paris les résistances demeurent fortes, vives, tout espoir n'est pas perdu pour convaincre l'autre moitié des Français qui veulent aller de l'avant, de faire un geste de reconnaissance.

Certes, les résistances postcoloniales sont toujours d'actualité dans une grande partie de la France, où les réminiscences de la Guerre d'Algérie ne se sont pas totalement estompées, comme ces réflexes dignes des adeptes de l'OAS, qui suintent des postures de certains partis de droite et d'extrême droite. Une grande partie de la France politique est en réalité encore hypnotisée par les combats d'arrière-garde d'une classe politique qui pense toujours que l'Algérie est encore une «colonie» de la France. Les vieux réflexes de colons sont durs, dit-on. Il n'empêche que l'Algérie et la France ne peuvent traverser ensemble le long fleuve de leur histoire commune, riche et dense, que lorsque l'extrême droite et une grande partie de la classe politique dans l'Hexagone tirent un trait définitif sur le passé colonial de la France, et, surtout, reconnaissent les crimes coloniaux en Algérie. C'est douloureux, mais Paris a bien oublié les crimes contre l'humanité dont les Français ont été victimes durant la Seconde Guerre mondiale. Les déportations, les massacres, les assassinats des nazis en France ont été pardonnés par la France, qui, aujourd'hui, est le principal partenaire de l'Allemagne et tirent à eux deux la locomotive de la croissance européenne. Certes, pour Macron, ce sera un combat de tous les jours, mais si vraiment il montre une volonté sincère de contribuer à faire un geste que l'Histoire saura reconnaître, plébisciter... A Alger, aujourd'hui, durant une visite-éclair, il ne peut ne pas être abordé sur ce sujet, qui lui a permis d'avoir une certaine célébrité lors de son premier passage à Alger. Et des dividendes pour sa campagne électorale. Car, aujourd'hui, en France comme en Algérie, les relations sont toujours bridées, bloquées par ce handicap d'un passé colonial pas très glorieux pour la troisième puissance militaire mondiale et l'une des économies les plus industrialisées. Dès lors, l'arrivée d'un président, qui tranche avec les anciens réflexes de la France vis-à-vis de son passé colonial en Algérie, redonne espoir à ceux qui veulent bien lui accorder leur confiance, et qu'il saura construire une autre relation avec un des pays les plus francophones après la France. C'est un atout et en même temps un facteur qui plaide pour une véritable rénovation de l'ensemble de l'architecture des relations de coopération entre les deux pays. Mais, plus, pour inaugurer un autre modèle de coopération, une nouvelle ère qui fera avancer le dialogue politique autour de l'ensemble de la problématique de l'histoire des relations entre les deux Etats.

Le sourire de Macron ne devrait pas être celui d'un prédateur politique lors de sa visite à Alger, mais celui d'un ami et d'un partenaire, qui peut améliorer le climat politique, économique, social et, surtout, réconcilier l'histoire commune des deux pays avec l'Histoire. Pour avancer, et ne plus rester bloqué sur le passé.