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L’exemple norvégien

par Akram Belkaïd, Paris

C’est une option très intéressante que souhaite prendre la Banque de Norvège. Gestionnaire du fonds souverain du pays -lequel fonds est alimenté par les recettes pétrolières et gazières- l’institution financière propose de se désengager du secteur des hydrocarbures. Autrement dit, le plus gros fonds souverain du monde (près de 1.000 milliards de dollars d’actifs) n’investirait plus dans les sociétés liées à l’or noir ou au gaz. A ce jour, ce fonds, qui place son argent dans des actions, des obligations et de l’immobilier, consacre près de 6% de ses placements en actions au secteur des hydrocarbures.

Volonté de diversification

Officiellement, la Banque de Norvège justifie sa proposition faite au gouvernement (c’est à ce dernier de décider in fine) par l’existence d’une trop grande dépendance du pays aux énergies fossiles. Hors services, ces dernières représentent plus de 14% du produit intérieur brut (PIB). Le raisonnement des argentiers norvégiens est qu’il faut que le fonds souverain se diversifie et qu’il ne soit pas lui-même affecté par cette dépendance. Dans sa lettre de motivation, la Banque de Norvège précise ainsi que sa démarche « s’appuie exclusivement sur des arguments financiers et des analyses ayant trait à l’exposition totale de l’Etat [norvégien] au pétrole et ne reflète aucunement une opinion quelconque sur l’évolution du prix du pétrole, la rentabilité future ou le caractère durable du secteur pétro-gazier ».

En clair, l’établissement ne dit pas qu’il ne faut plus croire dans la rentabilité des hydrocarbures et il ne veut pas que sa suggestion soit interprétée comme une anticipation d’une baisse durable des cours de l’or noir (ce qui diminuerait les revenus de la Norvège et de son fonds souverain). Pour autant, ce qui est clair, c’est que la Banque centrale veut se prémunir de la volatilité des cours à laquelle on assiste depuis quelques années. Une telle approche préventive est un signal d’alerte adressé aux autres producteurs d’or noir qui pensent que l’on finira tôt ou tard par revenir à des niveaux de prix plus élevés sur de longues périodes. Car il y a désormais une idée qui fait consensus chez certains analystes de marché : les prix du brut seront de plus en plus instables au cours des prochaines années.

Une rare transparence

La Banque de Norvège s’est déjà éloignée du secteur du charbon. Elle veut privilégier les énergies renouvelables, les nouvelles technologies mais aussi l’immobilier sans oublier les incontournables obligations d’Etat, un placement jugé sûr malgré les turbulences régulières sur les marchés de la dette. Pour qui possède un fonds souverain ou des actifs à valoriser, la stratégie financière de la Banque de Norvège mérite d’être suivie de près, voire d’être considérée comme un exemple à suivre.

Un autre élément plaide d’ailleurs pour cette exemplarité, c’est celui de la transparence. Le site internet de l’institution norvégienne fournit en temps réel le niveau de valorisation du fonds souverain. Ses grandes décisions de placement ou d’investissement sont connues du public. C’est la grande différence entre ce fonds et ses homologues du Golfe. Pour ces derniers, et au-delà des discours policés, on ne sait jamais s’ils sont la propriété du pays (et de ses ressortissants) ou celui des familles régnantes.