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Les Rohingyas, un si banal génocide !

par Mourad Benachenhou

«La Haine n'est jamais apaisée par la haine dans ce monde. La haine n'est apaisée que par l'absence de haine. C'est une loi éternelle.» (Le Dhammapada, La Voie Bouddhiste de la Sagesse, Verset 5, Traduction anglaise, p. 25)

« La Cour de Justice Internationale(CJI) a, de multiples fois, confirmé que la Convention sur la Prévention et la Punition des Crimes de Génocide(1948) incarne des principes qui font partie de la loi internationale coutumière. Cela signifie que , qu'ils aient ratifié ou non la Convention sur les Génocides, les Etats sont liés par elle comme loi, du fait du principe que le génocide est un crime interdit par la loi internationale. La CJI a également confirmé que la prohibition du génocide est une norme péremptoire de la loi internationale (ou jus cogens) et qu'aucune dérogation à cette loi n'est permise. »(www.un.org)

Aung San Suu Kyi, la grandeprêtresse du génocide des Rohingyas, en Myanmar (ex-Birmanie) conserve non seulement les distinctions internationales destinées à honorer ceux qui servent l'humanité, mais, plus étrangement encore, son titre de «présidente honoraire» de l'Internationale Socialiste, à laquelle appartient un parti politique algérien.

Une génocidaire comme égérie de l'Internationale Socialiste ?

Pourtant, selon sa déclaration de principes adoptée par les membres de cette union, lors de son XVIIIème Congrès tenu à Stockholm en Juin 1989, les objectifs de cette Internationale, qui a ?faut-il le souligner ?- bien perdu de son lustre d'entant, sont fondées sur les «principes de liberté, de justice et de solidarité.»

Le 12ème paragraphe de cette déclaration de principe affirme pompeusement que:

«Le Socialisme démocratique est un mouvement international pour la liberté, la justice sociale et la solidarité. Son but est de parvenir à un monde pacifique où ces valeurs fondamentales pourront être renforcées, et où chaque individu pourra vivre une vie digne, permettant le plein développement de sa personnalité et de ses talents, avec la jouissance des droits civiques et humains que peut garantir une société démocratique.»(www.internationalsocialiste.org)

On ne peut pas dire que le gouvernement que Suu Kyi dirige,- malgré le modeste titre de « conseillère d'Etat » qui lui a été conféré,- et dont elle est la porte-parole à l'étranger, incarne, de manière même lointaine, les nobles principes proclamés par l'Internationale Socialiste, dont elle est la présidente d'honneur. Le génocide des Rohingyas, qui, sous les yeux indifférents de la «communauté internationale,» a atteint actuellement sa phase finale, et dont Suu Kyi porte la totale responsabilité politique, est là pour prouver qu'elle ne mérite pas de garder sa présidence , même honorifique, dans cette organisation internationale.

Et, pourtant, jusqu'à présent, on n'a constaté aucune manifestation, de la part de cette organisation, de dépouiller de son titre la « dame de fer » du Myanmar.

Il est à souligner que cette même organisation a toujours fait preuve d'une extrême ambiguïté à l'égard du génocide des Rohingyas, comme le prouve l'extrait suivant du communiqué de sa commission pour l'Asie et le Pacifique , tenu à Kuala Lampur (Malaysia) les 11 et 12 Juin 1999, communiqué qui:

«condamne avec force les violations extrêmes et continues des droits de l'homme commises par le gouvernement militaire, et soutient les résolutions de la Commission Onusienne des Droits de l'Homme, qui a catalogué une longue liste de ces violations par la junte dans l'année même où est célébré le 50ème anniversaire de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme;

«Exige la cessation de la guerre génocidaire menée contre les ethnies non birmanes, plus spécialement dans les Etats de Karen, Karenni, Shan et Chin.»

On peut constater que, dans cette liste, le génocide des Rohingyas, de l'Etat de Rakhine, a été omis. Pourtant, c'est la seule ethnie dont l'appartenance à l'espace politico-géographique birman a été déniée par la loi sur la citoyenneté que la junte birmane a promulguée, par ordonnance, en 1982. Toutes les autres ethnies mentionnées dans le communiqué de la commission régionale de l'Internationale Socialiste, font, certes, l'objet d'une répression féroce qui dure jusqu'à présent; mais la junte n'a jamais questionné leur droit à la citoyenneté, et n'a jamais tenté de changer leur statut ou de les expulser en masse, bien que toutes aient des groupes autrement mieux armés que les Rohingyas, bénéficient de puissants soutiens étrangers, conduisent une guerre sans merci contre le gouvernement de Myanmar, et perpètrent des « actes terroristes » contre les forces armées et la police birmanes .

La hiérarchie bouddhiste : directement impliquée dans la déshumanisation et le génocide des Rohingyas et des musulmans birmans

De plus, pas un de ces groupes ethniques ne fait l'objet ni d'un projet d'élimination collective à la fois sociale et physique du type de celle dont souffrent les Rohingyas depuis 1962, ni d'une campagne de déshumanisation animée et financée par la junte, mais conduite par la hiérarchie religieuse bouddhiste, sous le leadership de Ashin Wirathu, surnommé le « Ousama Ben Laden Bouddhiste, « et dont le respectable quotidien américain «The Wall Street Journal,» a documenté, avec force détails, les relations étroites avec les services de renseignements militaires birmans qui le manipulent, le financent et le protègent (voir WSJ du 12 Octobre 2017, par James Hookway: «Un leader bouddhiste répand la haine des Musulmans au Myanmar»). Les invectives proférées par Wirathu contre les Musulmans, dont il dit qu'ils «sont tout l'opposé de ce qui existe dans la nature,» sont tellement grossières et outrancières que, non seulement, elles rappellent les insultes des Nazis contre les «races inférieures,» mais, de plus, tellement contraires aux règles de bienséance et de respect dû au lecteur qu'il est impossible de les transcrire ici.

En conclusion :

On ne peut pas dire que la « communauté internationale » ait fait preuve, face au génocide patent de la minorité musulmane des Rohingyas, de son agressivité routinière à l'encontre de l'intolérance religieuse et raciale, et à la violation massive des droits de l'homme. Même des organisations politiques internationales, issues de cette « communauté,» et supposées militer pour un monde plus juste, gardent le silence devant ce drame causé par le fanatisme religieux et la haine raciale .

Cette « communauté internationale, » pourtant toujours prête à montrer ses muscles et à démontrer sa supériorité morale, est-elle impuissante à arrêter le génocide des Rohingyas ? Ou a-t-elle choisi, en toute connaissance de cause, de se faire la complice approbatrice de la Junte militaire birmane et de son égérie couverte de titres honorifiques dont l'a affublée cette même « communauté ? »

Y-a-t'il une volonté délibérée de banalisation du génocide, et de son traitement exclusivement comme « crise humanitaire » internationale, exploitant cyniquement et hypocritement les sentiments normaux de compassion, face aux souffrances infligées à des êtres humains, mais se refusant à arrêter le crime et à punir les criminels? Aung San Suu Kyi et la Junte birmane bénéficient-ils, en violation des édits de la Cour de Justice Internationale relatives à la Convention Internationale sur la Prévention et la Punition du Crime de Génocide, d'une dérogation du fait que les Rohingyas sont des Musulmans ?

L'Union Européenne, qui est liée aux pays membres de l'Association des Etats de l'Asie du Sud-Est- dont le Myanmar est membre- par la « Déclaration de Nuremberg, »(2007) ville tristement célèbre, a-t-elle profité du Sommet de cette association aux Philippines(12 et 13 Novembre 2017) pour donner la preuve de son attachement aux droits de l'homme et de son refus du génocide de la minorité Rohingya par la junte birmane ? Ou le slogan des extrêmistes polonais « Priez Pour Le Génocide des Musulmans » (rapporté sur le Washington Post du 13 Novembre 2017, par Rick Noak) est-il devenu un slogan acceptable pour la « communauté internationale ? »

Enfin, et c'est là le moindre des gestes de compassion, quand la Tour Eiffel, située dans la capitale de la «patrie des droits de l'homme,» sera-t-elle illuminée pour reconnaitre et condamner le génocide de ces millions de Rohingyas victimes du fanatisme religieux et racial bouddhiste?