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Ombres chinoises

par Mahdi Boukhalfa

La 4ème session de la Comefa a vécu. Elle aura surtout laissé beaucoup d'amertume, des pans encore en friche de la coopération économique entre Alger et Paris. Ce ne sera pas le petit accord avec le second groupe automobile français, dans le top 10 des constructeurs mondiaux, Peugeot PSA, qui démentira cette exaspérante tendance de la France, de gauche comme de droite, sinon des milieux d'affaires, à adopter la politique des «petits pas» avec l'Algérie, quand elle adopte le style «speedy» et le «compact packaging» avec d'autres pays. De la même région.

Des questions se posent, après les déclarations désabusées des officiels algériens durant cette session du Comefa, qui dénotent un certain regret. Le chef de la diplomatie algérienne exprimera ce sentiment de déception, qui a pris la forme d'un reproche, vis-à-vis du manque d'engagement de la France dans les grands projets économiques à un moment critique pour l'Algérie qui a besoin d'oxygéner son économie, étouffée par la baisse de plus de moitié de ses recettes pétrolières. Et Messahel relèvera ainsi «la faiblesse des partenariats impliquant des investissements directs dans la quarantaine d'accords et de protocoles signés dans le cadre du Comefa depuis sa création». Il affirmera surtout que «les résultats positifs et les progrès enregistrés au niveau du Comefa, qui constituent des acquis importants dont il faut se féliciter, ne sauraient toutefois occulter les limites et les contraintes qui freinent l'expression pleine et entière de notre partenariat».

Mêmes regrets pour Youcef Yousfi qui a exprimé l'agacement d'Alger en lançant un solennel «nous pensons qu'il est aussi nécessaire, car possible, de relever la cadence des partenariats industriels et notamment ceux portant sur des partenariats de coproduction entre les opérateurs économiques de nos deux pays». Le reproche de l'Algérie à la France est qu'elle ne s'implique plus dans de grands partenariats économiques. L'accord au forceps avec Peugeot explique ce peu d'entrain de la France de s'impliquer plus franchement en Algérie.

Un investissement de seulement 120 millions d'euros et 49% seulement de ce montant seront déboursés par le constructeur français, quand les espoirs étaient qu'il mette en place une vraie usine de production et non de montage avec des voitures pré-montées, et donc de peu de valeur ajoutée en termes de sous-traitance, à expédier en Algérie.

Le reproche d'Alger à la France est qu'elle se désengage de plus en plus du marché algérien et, surtout, qu'elle se retire des grands projets pour ne se concentrer que sur un agenda, des programmes n'engageant pas les grands groupes industriels de l'Hexagone. Est-ce le climat d'investissements qui n'est pas «emballant» en Algérie ou s'agit-il d'une posture politique par rapport à l'ensemble de la vision de Paris quant aux enjeux de la région maghrébine pour les dix prochaines années ? Le fait est que la France de premier partenaire de l'Algérie est passée au troisième rang (4,2 mds de dollars), derrière l'Italie et l'Espagne pour les pays clients en 2015, et au second rang (5,42 mds de dollars) depuis trois ans, derrière la Chine. L'autre argument de poids est que la France n'est pas si présente sur le plan économique en Algérie que ne le prétendent les officiels.

Certes, la position de l'Algérie sur certains dossiers politiques et de sécurité dans la région est gênante pour Paris, en particulier au Sahel ou en Libye où l'Algérie refuse de s'aligner sur la position de ceux qui ont décapité et mené le pays à la ruine. Pour cela, Alger en paie le prix. Il faut juste aujourd'hui dire les choses comme elles sont pour que tout le monde soit sur la même longueur d'onde.