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Dangereuses certitudes

par Mahdi Boukhalfa

L'Algérie devrait produire du gaz de schiste au plus tard en 2022. «Et à l'horizon 2025, on pourrait également atteindre un niveau de production de l'ordre de 10 milliards de m3 de gaz de schiste», avait indiqué en 2014 l'ex-PDG par intérim de Sonatrach, Mohamed Sahnoun. L'option avait été cependant abandonnée après de dures batailles des écologistes et des habitants d'In Salah.

Le retour vers les énergies non conventionnelles, en particulier le gaz de schiste, pour améliorer les volumes d'exportations et de recettes des hydrocarbures est depuis un peu plus d'un mois consacré par le programme du gouvernement. Le tollé enregistré autant au sein de la société civile que parmi les experts, y compris au sein de l'ancien management de Sonatrach, sur la dangerosité pour l'environnement d'aller vers l'exploitation des gaz de schiste, ne semble pas avoir eu un impact particulier au sein du gouvernement et autant chez la ministre de l'Environnement. La ministre de l'Environnement, qui a défendu le choix du gouvernement d'aller vers une énergie fossile fortement consommatrice d'eau et prédatrice sur l'environnement, avec des effets directs sur la structure géologique des gisements exploités, est ainsi la seule responsable dans le monde à encenser les bienfaits de la fracturation hydraulique et défendre la destruction de l'environnement.

Bien sûr, elle défend son gouvernement et le programme de son Premier ministre, acculé à des solutions extrêmes, impopulaires et risquées sur le plan écologique, mais elle aurait pu tout autant avoir une posture moins agressive. En descendant dans l'arène, elle a montré non seulement que son ministère n'a aucune décision sur ce dossier sensible, mais, pire, qu'il n'est même pas sollicité pour donner son avis sur des décisions délicates qui hypothèquent l'avenir des générations prochaines. Le ministère de l'Environnement a en réalité toujours été la «cinquième roue de la charrette» et le cas présent démontre qu'il n'a jamais été consulté ni avisé, ni par le gouvernement, ni par le ministère de l'Energie, encore moins par Sonatrach, dans cette histoire d'exploitation des énergies non conventionnelles.

Et, ce qui est encore plus révoltant, c'est que l'exploitation des gaz et pétrole de schiste aurait pu passer par la case d'un référendum populaire, puisque c'est le bien du peuple, ou du moins par un projet de loi déposé au Parlement pour approbation. Non, le gouvernement, même si vraiment il n'a pas de temps, avec un agenda terrible et stressant, aurait pu au moins jouer le jeu et améliorer le climat démocratique en soumettant un texte aux parlementaires.

Le résultat étant connu d'avance, les apparences seront cependant sauves. Cela aurait également contribué à démystifier ce sujet et servi à tout le moins au gouvernement qui aurait engrangé à peu de frais une confiance perdue, autant de l'électorat que des partis d'opposition. En fonçant tête baissée sur le sujet, la ministre de l'Environnement a encore épaissi les réticences et la méfiance vis-à-vis d'un dossier qui pourrait avoir de graves conséquences, s'il échappe des mains des experts.

L'expérience de Sonatrach et de ses partenaires n'est pas remise en cause. Par contre, ce qui pourrait l'être, c'est cette certitude du gouvernement que l'exploitation des gaz de schiste serait le remède de cheval pour améliorer dans moins de dix ans le niveau des recettes d'hydrocarbures du pays. Et jouer avec l'avenir du pays et des Algériens en misant sur une carte pas forcément gagnante, l'énergie fossile, au moment où les majors de l'industrie mondiale et les Etats-nations ont mis en place des investissements colossaux pour la production et la consommation des énergies renouvelables.