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Balance commerciale

par Moncef Wafi

C'est faux, l'Algérie ne fait pas qu'importer. Elle exporte également, un peu, pas beaucoup, c'est vrai, mais c'est déjà ça, comme chanterait Souchon. Elle exporte le sang noir de la terre qu'elle rachète à prix fort sous forme de sérum. Elle exporte également sa matière grise, médecins, biologistes, inventeurs?, aussi sa matière grasse, ex-responsables politiques et hauts fonctionnaires qui investissent l'argent national dans les murs de l'Europe. Elle exporte allègrement sa piteuse image à l'étranger, celle d'un pays où la corruption est une profession de foi, où la démocratie est en carton-pâte, la liberté d'expression en kit, les droits de l'homme en solde.

Elle exporte énormément de malentendus et plus d'euros et de dollars en commissions occultes pour des marchés foireux. Le pays exporte aussi son non-alignement, ses principes de non-ingérence. Egalement au rayon exportation, les harraga, de plus en plus nombreux, qui essaiment l'Europe, quelques joueurs aux pieds carrés, de la limonade à prix cassé, des dattes et du jus de raisin haram. De temps en temps, elle exporte ses fous de Dieu servir de chair à canon en Syrie ou en Irak. Des migrants subsahariens et du folklore. Le reste du temps, elle importe. Pas tout mais presque. Elle importe des entreprises turques, françaises, chinoises, portugaises, espagnoles, anglaises, américaines, chacune selon son parapluie. Elle importe des chanteuses orientales à milliards, des millions de voitures, du kiwi et des bananes.

Du ketchup et de la mayo aussi. Des chaussures, de la nourriture et des médicaments. Des matraques et des boucliers, des logiciels d'espionnage sur Internet et des textes de loi liberticides. Mais elle n'importe pas les bonnes expériences, ni la compétence en tétra-pack, encore moins les hommes qu'il faut à la place qu'il faut. Elle importe tout et surtout rien. Des conteneurs de pierres, des pièces détachées contrefaites, des modèles de croissance obsolètes et des doubles nationalités en service commandé. On importe des partenariats perdants et des alliances suspectes, des entraîneurs boiteux et des appétits insatiables. Un déséquilibre de la balance commerciale qui menace l'économie du pays, selon les analystes de plateau, qui sera vite corrigé par la sagacité de nos responsables d'Alger en boostant les exportations en allant encore essorer le ventre national. Alors, elle n'est pas belle la vie en Algérie !