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L'effet Ouyahia

par Mahdi Boukhalfa

En ces moments périlleux, il faut savoir écouter et éviter toute réaction intempestive. La situation économique du pays serait désastreuse au point que les salaires dans la fonction publique seraient gravement menacés. Même les députés auraient vu leur salaire bloqué dans un ou deux mois. La crise est réelle et le Premier ministre l'a encore une fois de plus réaffirmé devant les membres du Conseil de la Nation. Les caisses sont vides et l'activité économique du pays est au bord du gouffre. C'est du moins le tableau peu encourageant que le Premier ministre avait dressé hier devant le Conseil de la Nation.

Faut-il le croire, lui faire confiance ? Ni oui, ni non, mais attendre un moment avant de prendre ce que dit un Premier ministre «deux en un» pour argent comptant. Certes, la situation économique du pays est difficile, les déficits sont importants et les recettes pétrolières ne suffisent pas à renflouer les caisses et rassurer autant le gouvernement, ses partenaires économiques étrangers que les Algériens. Pour autant, le catastrophisme et l'alarmisme ambiants, sinon la sinistrose qui commence à s'emparer non pas du peuple mais de ses gouvernants est dangereuse pour la stabilité du pays, de ses institutions. Au point que le dinar s'est totalement effondré non seulement sur le marché officiel, mais surtout sur le marché noir, avec une nouvelle parité qui fait vraiment peur.

Ce que le Premier ministre n'a pas manqué de relever, en dénonçant «la rumeur», sans se poser la question de savoir que c'est lui-même et son gouvernement qui en sont les facteurs déclenchants de cette panique sur le marché parallèle des changes. Sinon, comment le marché officiel et parallèle résisterait à des déclarations alarmantes du chef du gouvernement quand il dit que sans le recours au financement non conventionnel, c'est vraiment «la fin des haricots» ? Car en voulant justifier sa «politique économique», le gouvernement a alimenté un exécrable climat de sinistrose sur les marchés financiers et des biens de consommation. Avant un euro à 200 DA, la tomate se négocie déjà depuis plusieurs jours à plus de 170 dinars le kg. Les experts, eux, prédisent une sombre fin d'année avec une exacerbation inflationniste fulgurante.

Sinon qu'attendre des marchés lorsque le Premier ministre affirme que «la décision de recourir au financement non conventionnel n'est pas un choix, mais une obligation dictée par la situation économique et financière du pays» ? Faire une telle affirmation sur un état des lieux angoissant de la situation économique du pays devant la seconde chambre du Parlement, c'est vraiment maladroit et inopportun. C'est ce type de déclarations, depuis le début de la présentation du plan d'action du gouvernement devant le Parlement, qui est en train de provoquer un profond malaise au sein de la société algérienne et des craintes des milieux financiers sur de sombres lendemains.

Car au lieu de bien expliquer la situation économique, adopter un discours politique rassembleur, le chef de gouvernement a opté pour un langage, non pas de la vérité, qui est ailleurs, mais pour seulement défendre un plan d'action pour l'essentiel irréalisable, l'économie algérienne ne produisant plus rien d'exportable pour longtemps, hormis les hydrocarbures. Au point de se rabaisser et de dénoncer «la rumeur» qui a fait exploser la cote de l'euro face au dinar en moins de 24 heures, oubliant de relever que ses propos au Conseil de la Nation font peur aux Algériens, toutes couches sociales confondues. Faut-il alors blâmer la fuite de capitaux vers les valeurs refuges, le dinar étant bradé par les déclarations officielles ? Le gouvernement, et c'est son rôle, doit inverser le mouvement, rassurer au lieu d'inquiéter les Algériens.