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Onu : à quoi bon ?

par Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

L'auguste tribune de l'Assemblée générale de l'Onu a été, mardi dernier, le théâtre d'une exhibition de la «force» américaine aux yeux (et oreilles) du reste du monde. Pendant ce temps les drames des Yéménites, Palestiniens, Syriens... comme celui des migrants n'ont pas été évoqués.

Ainsi donc, même le temple sacré de l'Onu est contaminé, lui aussi, par le virus de la violence, habité par les «dieux» de la guerre. Triste début de siècle et de millénaire pour l'Humanité. Comme ils sont loin ces moments historiques et solennels quand les voix de chefs d'Etats éclairés louaient la voie du dialogue, de la justice et de la paix: Yasser Arafat à la tribune et son rameau d'olivier à la main droite pour défaire le fusil dans sa main gauche (1974); Nelson Mandela est son plaidoyer pour la fin des discriminations, du racisme et de la misère dans le monde (1994); Houari Boumediene et sa défense des pays du tiers-monde face au diktat des puissances économiques mondiales (1974); et même les Usa ont eut quelques moment de gloire avec J-F Kennedy (1961 crise de Berlin - 1962 crise de Cuba). Qu'ils sont loin ces haltes de grands hommes face à l'Histoire de ce monde. Comment ne pas désespérer en entendant le président américain Donald Trump déclarer, mardi dernier lors de la 72 AG de l'Onu, au reste du monde que «l'Amérique est la plus forte et que si elle est menacée, elle détruira COMPLETEMENT la Corée du Nord !». L'Onu cette maison supposée commune de la famille de notre monde, dernier recours pour dénouer les conflits entre nations se meut en tribunal d'exception aux mains des puissants, au désavantage des plus pauvres. Non pas que la Corée du nord soit exempte de tout reproche, mais plier le verdict à l'avantage de la seule partie américaine sans procès juste et équitable est un risque dangereux pour l'avenir dans le reste du monde. Et de conflits, guerres et désordres il n'en manque pas, hélas, ailleurs qu'en Corée du Nord.

Le silence réservé à la Guerre au Yémen, en Syrie ou les affres de la colonisation en Palestine, au Sahara Occidental ou encore les drames de la migration sud-nord lors de cette 72ème assemblée générale de l'Onu est inquiétant. Seuls les Usa ont imposé les sujets qu'ils estiment majeurs et rien que ces sujets: la Corée du nord et l'Iran avec la méthode de la menace et de la guerre. Cette logique d'agenda imposé par le tonitruant président américain a poussé l'autre président, le français Emmanuel Macron, a y répondre à sa façon, en évoquant la voie du dialogue et oubliant au passage, lui aussi, les questions du Yémen, de la Palestine, des réfugiés de guerres et violences... Au final, cette 72ème AG de l'Onu s'est transformée en scène d'exhibition du plus fort au lieu et place du dialogue et de la recherche du compromis et de la paix. Du coup, il n'est pas exagéré de conclure que l'Onu est en crise et de penser à la réformer à la faveur des exigences de notre époque. Depuis quelques années et notamment après la chute du mur de Berlin en 1989, des voix s'élèvent pour remettre en cause l'exclusivité de la décision finale aux seuls cinq membres du Conseil de sécurité que sont les Usa, la Russie, la Grande- Bretagne, la Chine et la France. Si une première réforme permet d'élire, à tour de rôle, 10 autres pays pour porter à 15 les membres du Conseil de sécurité, il faut préciser que ces derniers n'ont qu'un rôle consultatif. Le droit de véto reste aux mains des cinq premières puissances.

Les exemples de «reformes» symboliques et sans portées majeures pour démocratiser l'Onu prêtent souvent à l'absurde et au leurre: élire l'Arabie saoudite à la tête de la commission des droits de l'homme (mandat en cours actuellement) est-il sérieux, crédible, efficace? De démission en abandon, l'Onu n'est plus aujourd'hui qu'un forum où 188 pays sur les 193 qui la constituent subissent la logique, la loi et les discours des 5 pays en chef, membre du Conseil de sécurité. Pourquoi dans ce cas, le président américain s'embarrasserait-il de quelques politesses dans son discours? Les Usa sont les plus forts et ils n'acceptent aucune discordance ou opposition à leur projet de «gendarme du monde».

Du moins c'est ce que croit Mr Donald Trump: peu importe le chaos, l'injustice et la violence ailleurs tant que cela ne touche pas le peuple américain. C'est ce dont il est convaincu malgré le drame du 11 septembre 2001 encore présent dans la mémoire des Américains. Cette énième AG de l'Onu a été celle de la confrontation des Usa au reste du monde. Point de voix de ce dernier. Les médias du monde entier mettent à la «Une» deux orateurs qui en apparence s'affrontent sur des questions de sécurité mondiale: les Usa et la France.

En apparence seulement, puisque la France s'est engagée, depuis l'ère de Nicolas Sarkozy, dans des conquêtes hors de son territoire dans une démarche impériale à sa façon: Après avoir livré la guerre en Libye et en Syrie, elle déploie des troupes et bases militaires en Afrique, au Proche et Moyen -Orient... Emmanuel Macron fait la course derrière Donald Trump comme outsider dans le nouveau partage géostratégique mondial qui se dessine sous nos yeux. Seuls les pays qui ont des moyens de dissuasion comme l'arme atomique pourront garantir sur le long terme leur indépendance et leur sécurité. C'est ce que pense la Corée du nord et c'est pourquoi elle est dans le viseur des Usa et leurs alliés, comme d'ailleurs l'Iran soupçonné de fabriquer l'arme atomique. L'exemple de la Russie avec les questions de l'Abkhazie et de l'Ukraine ou de la Chine sur celle du Tibet illustre bien le «bienfait» de disposer de la dissuasion nucléaire: la garantie de la liberté de décision et d'action sans contrainte majeure du reste du monde.

Avec l'énorme stock de bombes atomiques et autres bombes à hydrogène dont dispose son pays, Donald Trump n'a aucun scrupule à menacer, à imposer avec la vulgarité dans le verbe sa vision binaire du monde et son jugement du mal et du bien.

Si l'Onu a pu malgré la complexité de son fonctionnement résoudre bien des crises et des conflits par le passé, elle donne aujourd'hui des signes d'essoufflement et de perte de crédibilité qui minent son existence dans la forme actuelle. Elle risque de subir le sort de son aînée la défunte Société des nations (1920 - 1946) ou de ressembler parfois à un lieu de lamentations des plus vulnérables, parfois à un tribunal inquisiteur des plus forts. Lors de cette session de l'Onu, il a été beaucoup question de menace, de violence et de guerre et point de dialogue, de consensus et de paix.