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Mondialisation, délocalisation et engrangement de grands profits

par Ali Derbala *

«Puisqu'on ne peut changer la direction du vent, il faut apprendre à orienter les voiles». James Dean

Après la Deuxième Guerre mondiale, l'Afrique devait être exploitée par les Européens convalescents. A l'Asie du Sud-Est était assigné le rôle de fournir des matières premières aux puissances industrielles. La fonction de l'Afrique serait d'être exploitée par l'Europe pour que celle-ci puisse se reconstruire. Une étude de haut niveau avait fait valoir que «la coopération au développement des ressources alimentaires bon marché et des matières premières de l'Afrique du Nord pourrait contribuer à l'unité de l'Europe et fournir une base économique à son rétablissement, une intéressante définition de ce qu'est la «coopération» [1, p.58]. Pour réussir leurs échéances électorales prochaines du mois de novembre, les partis semblent désormais plus préoccupés par leurs tractations politiques que par les revendications sociales. Pendant que les salaires s'effondraient, la pauvreté des fonctionnaires incorruptibles croissait rapidement.

Mondialisation, libéralisme à outrance ou le néocolonialisme

Le capitalisme n'est pas forcément un système dont le moteur même est constitué par les inégalités sociales puisque Eisenhower a proclamé que le système américain d'entreprise privée, mais douée d'une conscience sociale, est bénéfique pour tout le monde, aussi bien les propriétaires que les travailleurs. Un régime démocratique, influencé par les USA, apportera des idées révolutionnaires telles que l'éducation gratuite et obligatoire, l'égalité devant la loi, une société relativement dépourvue de classes, un système de gouvernement démocratique et responsable, la liberté et la concurrence des entreprises et un niveau de vie fabuleux pour les masses [1, p.92].

La mondialisation est définie comme étant l'ouverture aux échanges commerciaux et aux flux de capitaux avec les pays dits émergents, associée à l'essor de nouvelles technologies d'information. Elle fabrique énormément de profits pour les entreprises des pays développés. En général, nous assimilions la mondialisation à l'américanisation. La délocalisation est le transfert d'une activité d'un pays vers un autre à bas salaires. Elle peut se faire par la création d'une nouvelle entité ou en recourant à un sous-traitant local. Elle diminue les coûts unitaires de production. Elle comprime les salaires [2, p.19]. Le coût d'une heure de main-d'œuvre dans l'industrie manufacturière atteint en moyenne 24 dollars en Allemagne, 21 aux Etats-Unis, 19 au Japon et environ 17 en France, il n'est que de 5 dollars environ en Pologne ou en République tchèque et de 0,6 en Chine [2, p.20]. Il est de combien en Algérie ? Un demi-siècle constaté de trois décennies de gestion socialiste et de deux d'ouvertures tout azimuts retomberaient presque sûrement l'Algérie une seconde fois entre les mains du FMI et de la Banque mondiale en raison des «lois de gravitation économique» comme un fruit mûr.

Des «aspects positifs» de l'Occident, dites-vous ?

Dans son premier livre en trois volumes, Karl Marx nous rappelle que dans les annales de l'histoire réelle, c'est la conquête, l'asservissement, la rapine à main armée, le règne de la force brutale, qui l'a toujours emporté [3, p058]. Il a aussi écrit que «Les barbaries et les atrocités exécrables perpétrées par les races soi-disant chrétiennes dans toutes les régions du monde et contre tous les peuples qu'elles ont pu subjuguer, n'ont de parallèle dans aucune autre ère de l'histoire universelle, chez aucune race si sauvage, si grossière, si impitoyable, si éhontée qu'elle fût.» [3, p.548]. Il nous rappelle que pour s'emparer de Malacca, les Hollandais corrompirent le gouverneur portugais. Celui-ci les fit entrer dans la ville en 1641. Ils coururent aussitôt à sa maison et l'assassinèrent, s'abstenant ainsi?de lui payer la somme de 21875 L.st (livres sterling), prix de sa trahison. Partout où ils mettaient le pied, la dévastation et la dépopulation marquaient leur passage. Une province de Java, Banjuwangi, comptait en 1750 plus de 80.000 habitants. En 1811, il n'y en avait plus que 8000. Voilà le doux commerce ! [3, p.549]. Il fait remarquer que les austères intrigants du protestantisme, les puritains, allouèrent en 1703, par décret de leur assemblée, une prime de 40 L.st par scalp d'Indien et autant pour chaque Peau-Rouge fait prisonnier ; en 1720, une prime de 100 L.st ; en 1744, Massachusetts-Bay ayant déclaré rebelle une certaine tribu, les primes suivantes furent offertes : 100 L.st par scalp d'individu mâle de douze ans et plus, 105 L.st par prisonnier mâle, 55 L.st par femme ou enfant pris, et 50 L.st pour leur scalps ! Trente ans après, les atrocités du régime colonial retombèrent sur les descendants de ces pieux pèlerins (pilgrim fathers) [3, p.550]. Il est à rappeler qu'en France, la loi de février 2005 et son insistance sur les «aspects positifs» de la colonisation a avorté.

Enrichissement fulgurant, éblouissant et très rapide d'une minorité d'Algériens

Sous les régimes progressistes, le traitement d'un fonctionnaire ne devait pas être supérieur au traitement moyen d'un bon ouvrier. Par contre, de nos jours, il va mal pour le pouvoir d'achat et d'emploi des salariés. Les profits des hommes d'affaires, des entrepreneurs et des importateurs explosent et cela à la vue de leur standing de vie, à leurs moyens de locomotion luxueux, à leurs villas superbes érigées en quelques années, à leurs séjours à l'étranger, telles dans les îles exotiques, des îles très éloignées, situées même au Pacifique ou dans l'Océan Indien. Un postulat remis en cause par des économistes libéraux qui l'ont autrefois ardemment défendu stipulait que : l'enrichissement d'une minorité stimulerait la croissance, favorisant ainsi la réduction du chômage et l'amélioration de la condition des pauvres. Les eaux d'un oued ont appris qu'il est bon de chercher à descendre, de s'abaisser, de s'enfoncer. Les importateurs, les industriels, les grands marchands, les nouveaux princes richissimes ne font qu'ériger de grands châteaux, de belles villas, de grands bâtiments, mais ne font rien pour alléger la misère des Algériens. Les dernières hausses des prix sans aucune justification sont là pour prouver encore une fois leur égoïsme. On se demande en ce temps-là ce que fait un nouveau riche algérien, ce qu'il mange, quels vêtements il porte, etc. Et comment notre peuple serait-il prêt à relever des défis ? Affamé, inculte, analphabète, illettré, dépouillé, volé, etc. Faut-il encore des preuves, des faits et s'agit-il de rumeur ou de démagogie ? Tout se voit à coup d'œil ou se vérifie de visu. Evidemment, ceux qui sont éloignés ou ne résident pas en métropole ne voient rien. L'Algérie ne devait pas être jugée mais sauvée de ses prédateurs.

Conclusion

Rien dans les archives n'indique qu'on ait suggéré que l'Afrique pourrait exploiter l'Occident pour se rétablir à la suite de l'amélioration des choses au niveau mondial qu'elle avait subie au cours des siècles précédents [1, p.177]. On avait appris à notre génération que la «pitié» était un sentiment honteux et que la «bonté» était dérisoire. Selon Alexandre Adler [4, p.220], les économies retardataires, les appartenances ethniques, les convictions religieuses intenses et les poussées démographiques vont se liguer pour composer la «tempête parfaite», créant ainsi les conditions d'un conflit interne. C'est la capacité des Etats à gouverner qui déterminera l'existence et la portée véritable des conflits. En Afrique du Nord, les Etats incapables de satisfaire les attentes de leurs peuples et de résoudre ou d'étouffer des demandes conflictuelles sont aussi ceux qui risquent d'être confrontés aux éruptions de violence les plus graves et les plus fréquentes. En 1840, Abraham et Simon Oppenheim sont deux frères d'un dynamisme exceptionnel dont la devise est : «Vendre une perle que vous avez à quelqu'un qui en a envie, ce n'est pas faire des affaires ; mais vendre une perle que vous n'avez pas à quelqu'un qui n'en veut pas, voilà ce qui s'appelle faire des affaires» [5, p.451]. A bon entendeur, nos hommes d'affaires !

* Universitaire

Références

1. Noam Chomsky. Le profit avant l'homme. Fayard 2002.

2. Patrick Artus et Marie-Paule Virard. Le capitalisme est en train de s'autodétruire. La découverte/Poche, 2007.

3. Karl Marx. Le Capital. Livre premier. Le développement de la production capitaliste. Traduction de Joseph Roy, entièrement révisée par l'auteur. Texte intégral. Editions sociales, 1976.

4. Alexandre Adler. Le Rapport de la CIA. Comment sera le monde en 2020 ? Traduit de l'américain par Johan-Frédérik Hel Guedj. Robert Laffont, 2005.

5. Jacques Attali. Les Juifs, le Monde et l'Argent. Histoire économique du peuple juif. Fayard, 2002.