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Inflation, importations et euros

par Akram Belkaïd, Paris

Partout dans le monde, l’inflation a mauvaise réputation et à juste titre. L’augmentation continue des prix, la dépréciation de la valeur des biens que cela engendre, les difficultés économiques que cela génère pour les ménages sans oublier le manque de confiance des investisseurs nationaux et étrangers sont autant de facteurs qui contribuent à faire de ce phénomène un épouvantail que toutes les banques centrales n’ont de cesse de combattre. A l’inverse, une conjoncture sans inflation n’est pas une bonne chose puisque cela signifie que les prix et la demande stagnent.

Un synonyme de déséquilibre

On dit souvent que la mondialisation a « tué » l’inflation en imposant ses prix bas partout. En favorisant l’essor du commerce mondial et les approvisionnements à partir des pays à faible coût du travail, la globalisation a effectivement contribué au tassement des prix mais aussi et surtout à celui des salaires. Peu de pays au monde peuvent se targuer, aujourd’hui, d’avoir enregistré de notables hausses des revenus du travail au cours des vingt dernières années.

Cela a eu les conséquences que l’on sait. La victoire électorale de Donald Trump aux Etats-Unis est due à plusieurs facteurs mais la faiblesse du pouvoir d’achat des classes moyennes y est pour quelque chose. Si l’on revient à l’inflation, on peut dire, sans forcer le trait, qu’elle existe aujourd’hui là où les économies sont totalement déstructurées, voire archaïques (si l’on excepte les pays émergents à forte croissance où l’inflation est le corollaire d’une activité soutenue). Economies déstructurées donc et l’Algérie en fait partie. Dans une situation de pré-crise (le pays n’a encore rien vu), le recours à un jeu d’écriture ou au Trésor pour emprunter auprès de la Banque centrale revient, in fine, à faire la même chose qu’actionner la planche à billets. Le caractère inflationniste de cette mesure est évident. L’Etat étant un acteur majeur de l’économie nationale, il est évident que le fait de vivre à crédit avec une Banque centrale qui lui prêtera sans compter (et sans rechigner) va nécessairement déboucher sur un affolement de l’indice des prix.

Contrairement à ce que racontent les autorités, ce n’est pas ainsi que les pays développés ont affronté la crise de 2008. Ils ont certes eu recours à des méthodes peu conventionnelles comme le fait de transformer leurs Banques centrales en quasi-fonds spéculatifs dédiés à racheter des créances privées et publiques sur les marchés. Cela a fonctionné, du moins pour l’instant, parce que cette stratégie a pu s’appuyer sur un environnement financier mature et développé (même s’il demeure miné par la spéculation). En Algérie, rien de tout cela. L’affaire sera menée par le gouvernement et lui seul. L’indépendance de la Banque centrale telle que voulue par (feu) la loi de la monnaie et du crédit n’est plus qu’un lointain souvenir.

L’euro à l’équilibre

Dans cette perspective, les Algériens vont devoir se préparer à encaisser le choc d’une possible hausse brutale et continue des prix. Le dinar, déjà malmené, risque de plonger encore plus. Des valeurs « refuges » comme l’euro, l’or ou la pierre vont augmenter elles aussi. Il sera alors important de garder un œil sur la politique gouvernementale en matière de commerce extérieur. Une restriction des importations dans un contexte inflationniste va aggraver la hausse des prix. Alors qu’un statu quo, autrement dit, un flux maintenu d’achats à l’étranger, devrait atténuer les pressions inflationnistes. L’évolution du marché de la devise va constituer lui aussi un terrain d’observation intéressant. Pour l’heure, le cours de l’euro n’a pas flambé. Cela étonne beaucoup de gens car les perspectives étant peu encourageantes, cela devrait être le contraire. L’explication, prudente, est que nous avons là une illustration d’un mécanisme de marché qui n’est pas forcément détectable de prime abord mais qui illustre une certaine rationalité.

Dans un contexte où l’inflation est annoncée, où la crise frappe à la porte du pays et où les liquidités en dinars commencent à manquer, les détenteurs de devises ne veulent pas transformer celles-ci en produit de luxe. Tant que l’inflation n’est pas constatée, et que le gouvernement ne lui court pas après en imprimant en masse de nouveaux billets, il est préférable pour le cambiste de proposer un taux de change, certes élevé, mais qui n’est pas rédhibitoire pour le client. Est-ce que cela va durer ? Impossible de répondre à cette question. Mais une injection massive de dinars dans l’économie algérienne provoquera certainement une flambée du cours de l’euro.