Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les pourquoi d'une annulation

par Moncef Wafi

En créant une inspection générale auprès de ses services, le Premier ministre sortant savait pertinemment qu'en contrôlant les finances publiques et en conférant davantage de transparence au financement et à la réalisation des projets publics, il barrait la route à une faune de prédateurs en col blanc qui avait infiltré les rouages de l'Etat pour amasser des fortunes inimaginables. Cette inspection n'avait rien d'un organe de lutte contre la corruption parce que Tebboune n'avait pas été instruit de faire la chasse aux corrupteurs de tous grades mais de renflouer les caisses de l'Etat. Problème, ces 40 milliards de dollars moins les 10% recouvrés par les banques publiques qui sont toujours dans la nature, crédits se trouvant au niveau de certains opérateurs économiques tout-puissants. Tebboune avait reçu instruction de les récupérer. Parti, quel sort sera réservé à cette cagnotte ?

Ces marchés publics, qui ont fait les fortunes de quelques hommes de paille du pouvoir, sont devenus le centre des enjeux parce que seules sources d'argent qui restent dans un pays qui continue à couler dangereusement. En l'absence d'une relance économique hors hydrocarbures crédible, l'argent des projets publics reste le seul disponible. Ouyahia, en abrogeant le décret exécutif n°17-205 du 28 juin 2017, ouvre la porte à toutes les spéculations à moins qu'il n'avance ses raisons. Vue au premier degré, cette annulation a tout de suspecte faisant la part belle à cette faune d'affairistes auxquels Tebboune avait déclaré la guerre.

Si le Premier ministre ne s'explique pas sur cette démarche, il devra composer avec les inquiétudes des Algériens de voir le dernier matelas d'argent accaparé par les habitués des marchés publics gré à gré.

En parallèle de la volonté d'Ouyahia à effacer jusqu'aux dernières traces de Tebboune, l'annulation de l'inspection générale est également un signal fort adressé aux hommes d'affaires inquiétés par une série de contrôles effectués sous l'ère du Premier ministre sortant. On se rappelle tous du recadrage de ce dernier par le président de la République qui avait évoqué les commissions d'enquête dépêchées par le gouvernement et composées par des fonctionnaires des ministères des Finances et du Commerce pour investiguer sur les hommes d'affaires et enquêter sur l'opération de distribution de terres agricoles par les pouvoirs publics au profit d'investisseurs privés. Comme quoi.

Le gouvernement, à travers cette annulation, déroule-t-il de nouveau le tapis rouge à cette caste d'affairistes tout en leur promettant l'impunité la plus totale ? Si c'est le cas, le pays vient de se tirer la dernière cartouche qui lui reste dans son pied malade.