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Le roi «africain» qui tourne le dos à son peuple

par Kharroubi Habib

Nos voisins marocains conditionnés par une presse et des médias qu'ils pensent être dans les secrets du Palais royal s'attendaient à l'occasion du 64ème anniversaire de la « Révolution du roi et du peuple » à un discours de leur souverain en phase avec les attentes et aspirations qui sont les leurs et dont ils n'entrevoient pas la concrétisation. Mohamed VI a donné une tout autre teneur à son discours qui a été quasi exclusivement dédié à la glorification de sa politique africaine qu'il a présentée comme lui étant dictée par le respect de l'orientation immuable héritée de ses ancêtres et qu'il ne fait que conforter. Un respect dont le monarque alaouite a éludé le fait que feu son père Hassan II s'en est affranchi quand l'Afrique a refusé sa caution à ses visées expansionnistes et colonialistes sur le territoire du Sahara occidental et que lui-même ne s'y est converti que dans le but de parvenir par ce biais à amadouer le continent et lui faire abandonner la défense du peuple sahraoui.

A en croire le souverain marocain, la politique africaine de son pays n'est pas le fruit d'une décision fortuite et n'a pas été non plus dictée par des calculs conjoncturels ou des supputations éphémères, mais serait le gage de sa fidélité à l'histoire commune qui lie le royaume à l'Afrique et l'expression d'une foi sincère dans la communauté du destin qui les rassemble. La hauteur de vue qu'il a tenté de donner aux raisons qu'il a eues d'engager le Maroc à se tourner vers l'Afrique ne résiste pas au décryptage de ce que sont les intentions et objectifs qu'affiche la diplomatie marocaine et qui se résument à vouloir forcer la main au continent et à son union régionale pour la reconnaissance de la prétendue marocanité du Sahara occidental.

A force d'avoir été matraqués par la rhétorique anti-africaine de la propagande du Makhzen qui a eu cours chez eux depuis le retrait de leur pays de l'ex-Organisation de l'unité africaine (OUA), les citoyens marocains en sont venus eux-mêmes à ne voir dans le soudain engouement africain de leur souverain que ruse pour se concilier les bonnes dispositions d'Etats du continent et leur faire changer de position sur le dossier du Sahara occidental. Une ruse dont ils ont fini par prendre conscience qu'elle occupe et accapare l'intérêt royal au détriment de ce que le trône devrait faire et inspirer pour que soient solutionnés les problèmes économiques et sociaux auxquels le royaume est confronté et dans lesquels il s'enfonce. A telle enseigne que Mohamed VI a dû faire l'aveu qu'il n'ignore pas que c'est ce que pensent beaucoup de Marocains et qu'il s'en est pris à « ceux » qui leur ont inculqué cette vision de sa politique africaine.

Mohamed VI n'a pas eu un mot sur l'incendie qui a enflammé le Rif marocain et dont les braises couvent qu'il a risqué d'embraser en l'ignorant et donnant à comprendre à la population de cette fière région du royaume que ses frustrations et revendications ne l'affectent pas. Il y a qu'il n'est pas besoin d'être devin pour augurer que Mohamed VI et la monarchie devraient s'attendre à ce que la contestation rifaine leur occasionne le cauchemar d'une fronde populaire dont ils ont ostensiblement méprisé la légitimité des revendications.