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Le système

par Moncef Wafi

S'il est indéniablement inscrit dans les gènes politiques de la gouvernance à l'algérienne, les changements à la hussarde ont dépassé cette fois-ci tout entendement. Le lynchage médiatique de Tebboune suivi de son éviction, sans autre forme de procès, appelle à mûre réflexion et convoque les appréhensions les plus légitimes. Si la durée de vie de certains ministres offense, pour d'autres éphémère est leur prise de fonction. L'allégeance au clan étant le premier critère de sélection et de durée pour le système, le risque pour ces hauts cadres de l'Etat est d'appliquer les directives de leurs supérieurs hiérarchiques tout en se protégeant des retours de manivelle.

Le meilleur cas de figure nous est donné par le remaniement opéré par Ouyahia en éliminant des ministres qu'on disait proches de son prédécesseur. L'Industrie, le Commerce sont deux départements fers de lance de Tebboune dans sa guerre contre l'oligarchie prédatrice de l'argent des marchés publics et grande consommatrice de crédits bancaires sans remboursement ni intérêt. Tebboune a frappé là où cela fait mal et en retour «ses» hommes ont sauté en premier. L'Algérie d'en haut fonctionne à coup de règlements de comptes et carbure aux liaisons dangereuses. Le système ne peut se prémunir contre les appétits nés d'une vacance du pouvoir et c'est pour cette raison que le bal des chaises musicales est en perpétuel mouvement. Réunir les antagonismes pour les paralyser dans une querelle d'égos et d'intérêts personnels, promouvoir l'incompétence et la médiocrité et encourager les dépassements passibles de poursuites judiciaires pour mieux contrôler les hommes.

Voilà comment se nourrit le système de la cupidité des gens et de la duplicité de ses adversaires. Le pauvre Ouyahia sait qu'il n'est qu'un rouage de ce système et que son ascension ou sa chute ne répondent pas à des critères d'excellence mais de subordination au bon moment, au bon clan. On est là parce que le système le veut bien, auquel cas on est gardé en réserve, prêt à être exhibé pour remplacer untel ou faire pression sur un autre. Le système se suffit à lui-même et peut faire l'économie de justifier l'acte de gouvernance. Opaque à souhait, ne transparaît de lui que les hommes de conjoncture, des fusibles interchangeables qui le protègent de l'intérieur. De l'extérieur, on a une vague idée de ce que ça peut être. Des clans, un cabinet noir, des hommes complotant dans un salon cossu, enveloppés dans la fumée des cigares. Des noms, on en entend presque tous les jours. Les mêmes qui reviennent avec insistance, ceux qui tirent les ficelles qu'on voit ou invisibles pour le reste des Algériens.