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Pourquoi pas l'Algérie ?

par Ali Tadjine*

Pourquoi l'Algérie n'arrive pas à émerger, à décoller, à se positionner parmi les pays émergents malgré qu'elle recèle d'énormes potentialités humaines, naturelles, matérielles, financières? ? Il est évident que le cadre de cet article ne peut contenir la profondeur et la complexité de la présente problématique, tout ce qui sera dit ne peut qu'effleurer le sujet, le présenter en essayant d'être une tentative de cerner les éléments susceptibles de donner un éclairage, autant que faire se peut, apaisé, loin de toute instrumentation de quel bord que se soit. Répondre à ce type de questionnement qui, par essence, est généralement générateur de prise de position, expose tant à l'approbation qu'à la désapprobation. Voulant être dans la dynamique du consensus et évitant toute polémique stérile et cause de fractionnement, la quête des éléments de réponse se veut être scientifique, mue par une méthodologie claire et rigoureuse. La démarche, en s'inscrivant dans cette logique, se manifeste par le fait que les éléments de réponse s'articulent sur des niveaux différents, les niveaux individuels et les niveaux organisationnels, les niveaux idéologiques sont abordés, séparément, non pas qu'ils fonctionnement, indépendamment, les uns des autres mais pour plus de commodités et de maîtrise, dans les propos. Nous abordons la recherche des réponses par s'intéresser aux phénomènes à caractère individuel.

En investiguant le niveau relatif aux phénomènes à caractère individuel, on fait référence aux comportements des individus, des gens comme réceptacles et producteurs de culture qui se cristallise dans des comportements spécifiques. Il ne peut y avoir de comportements que par rapport à une culture qui trouve ancrage, dans une vision du monde, conséquence de travail de conceptualisation et de représentations. Il ne peut y avoir de comportement sans une activité mentale qui constitue son soubassement ; l'activité mentale est, donc, le support, l'amorce de tout comportement ; c'est pourquoi, il est important de s'y intéresser pour plus de profondeur, dans l'appréhension de la réalité, et afin de mieux cerner les contours des phénomènes psychologiques, en rapport avec les comportements. L'analyse du fonctionnement de l'activité mentale et sa détermination, en tant que structure et mécanisme, une dualité que lui permet une existence causale et corrélationnelle, à plus d'un écart, que le présent intérêt permettrait de mettre en évidence.

Comme le point de départ de toute activité mentale est la prise d'information, en terme plus clair ? se rendre compte de la réalité- cette étape se doit d'être effectuée avec circonspection et méthode. Cette prise de conscience de la réalité ne peut s'effectuer que par une lecture correcte, non biaisée de l'environnement. A ce niveau d'analyse, Il est important de relativiser la notion de réalité et du réel, et d'éviter la propension à l'absolutisme, en affirmant qu'il n'y a de réalité et de réel que comme résultat ou interprétation de conventions que nous nous imposons, ou sécrétées par la communauté à laquelle nous appartenons ou revendiquons l'appartenance. La réalité en se présentant au chercheur comme incontournable et support indispensable à son intervention, se doit, d'abord, de réaliser le défi de résumer l'ambivalence d'être immuable et fugace, de permettre, à la fois, l'approche diachronique et synchronique, dans le sens de saisir le phénomène, objet de l'étude dans sa dimension statique et dynamique, en temps T, bien déterminé dans une chronologie changeante et évolutive.

Pour revenir à l'Algérien, au comportement individuel de l'Algérien, aux assises qu'il se forge pour se muer dans son environnement, il devient important de situer les contours, le contenu de ses sources d'informations, de situer ce qu'il pense, ce qu'on lui propose comme éléments constitutifs de socialisation. La revue en survol nous permet de mettre en exergue certaines étapes que nous estimons susceptibles de nous rendre compte de la réalité.

L'Algérien, à l'indépendance, de par son histoire, son vécu constituait l'incarnation de l'âme révolutionnaire, enclin au dévouement, au sacrifice et surtout adhérant, sans limites, aux discours de l'époque.

Véritable ressource humaine qui avec le recul s'avère qu'elle a été sacrifiée et non investie de façon qui aurait pu la rendre moteur du développement.

En 1962, l'Algérien fier de son nouveau statut, de son indépendance, se voyait l'artisan d'une nation moderne et au service d'un idéal de l'ordre du sacré, il s'est inscrit dans la logique de la prédominance idéologique et de la primauté de l'adhésion aux objectifs de l'appareil politique. De ce qui précède, il apparaît, clairement, que le comportement individuel se caractérisait par le conformisme, la performance s'articulait avec le respect et la production et reproduction du discours officiel. Vouloir l'évaluer à l'aune des données d'autres temps est, à coup sûr, insensé et contre-productif. Il est vrai qu'actuellement, certains comportements nous paraissent aberrants, ridicules, voire suicidaires mais à l'époque les grilles d'analyse étaient autres ; ne pas s'en rendre compte est source de fourvoiement. L'intérêt n'est pas de cataloguer, tel ou tel comportement, de le juger, de situer des responsabilités et d'épingler les auteurs, mais de s'en rendre compte, de les analyser, les comprendre, les dépasser pour s'adapter aux vicissitudes du quotidien social dont la complexité peut en surprendre plus d'un.

Ceci dit, ne doit, en aucun cas, nous amender, nous éviter tout travail sur soi, on se doit de nous remettre en cause, de nous questionner, de nous positionner, par rapport à ce qu'on a fait, à ce qu'on doit faire.

Pour faire ce travail, l'aspect psychologique est primordial loin des considérations, à caractère idéologique, on se doit de nous évaluer de façon consciente et surtout avec le sentiment de contribuer à la performance et à la mise en place des conditions du décollage de la nation, sur tous les plans.

Dans le cadre de ce travail, nombre de paramètres sont à prendre en considération, nous essayons de s'intéresser à certains, dans le cadre de cet article, sans prétendre à l'exhaustivité, ni à une quelconque importance particulière, ils sont cités à titre indicatif.

L'analyse du discours de l'Algérien révèle une certaine propension à la recherche de l'assistance de l'Etat, de la volonté de toujours attendre de l'aide, de ne pas vouloir s'impliquer, de s'investir, de tirer profit des circonstances, tendances que nous assumons comme étant des droits, des situations jugées normales que nous revendiquons et parfois de façon tumultueuse mais surtout convaincus de la légitimité de nos revendications. Situation qu'on se doit de prendre au sérieux. Il est vrai que les fondamentaux de la Révolution s'articulent autour de l'accès de l'Algérien à tout ce qui lui était interdit pendant la colonisation, à lui permettre la jouissance des bienfaits de l'indépendance et de la vie moderne, mais cette volonté, au-delà de l'aspect idéologique, se heurte aux exigences de la rationalité économique qui lui impose l'obligation de concilier la réalisation des impératifs idéologiques et économiques. Cette exigence trouve sa concrétisation non pas dans les discours et différents programmes de développement mais dans la conviction que tout Algérien doit savoir : la nécessité de travailler et d'être performant et de se considérer comme étant une ressource humaine non pas dans l'acceptation d'une quelconque forme extraordinaire, de se voir dans les attributs de champion mais juste d'être cet homme ou femme qui cherche, au fond de lui-même, les capacités qui sont en lui ou en elle pour être la meilleure version de soi-même. Pour pouvoir contribuer à l'émancipation de la nation, à partir de la position qu'il occupe ; il ne faut pas être très haut placé pour être important, où que l'on soit on peut l'être. La réponse qu'on doit apporter à la problématique de la contribution individuelle, au développement et de se considérer comme ressource humaine c'est-à-dire être professionnel, ce qui vous permet de prétendre à l'amour de l'Algérie, aimer l'Algérie ne doit pas être une déclaration, un slogan mais une pratique au quotidien qui se vérifie, dans la façon de s'investir, professionnellement. Voilà pour ce qui concerne le niveau individuel, qui, à coup sûr, est abordé de façon superficielle et qui mérite plus amples détails que nous ne pourrons apporter dans le cadre étroit de cet article.

Pour ce qui concerne l'aspect organisationnel, nous nous intéresserons à la notion de démocratie, à son implantation, à son fonctionnement, tout le monde en parle, omniprésente dans les discours mais combien insaisissable. La démocratie est abordée, sous l'angle des élections, les autres aspects ne sont pas investigués.

Il est utile de rappeler que la notion de démocratie n'est pas récente, elle remonte à l'aube des temps mais elle est considérée, dans le cadre de cet article, à l'aune de l'économie parce qu'elle a été propulsée, sur le devant de la scène, avec la proclamation de l'économie de marché comme modèle économique du pays. L'économie de marché, dans sa version mondialisation, la considère comme soubassement indispensable, comme condition sine qua non pour l'émancipation et le développement de l'économie.

Les Elections - approche apolitique et praxie sociale

En Algérie, la volonté d'asseoir la démocratie n'a cessé d'être proclamée, depuis l'indépendance, voire dès les premiers textes de sa Révolution, comme étant un objectif sacralisé jusqu'à en faire partie de la dénomination officielle ? RADP- Volonté qui a drainé, dans son sillage, des vocations, mettant en branle des institutions et appliquant des procédures complexes suivant une politique unanime au nom des meilleurs principes d'équité et d'égalité, voués à l'abolition du corporatisme bête et méchant et l'individualisme opportuniste et immoral. Ambitieux projet que le modèle socialiste mis en place n'a pu mener à terme, malgré l'apogée atteint, lors des glorieuses années de l'Etat providence, où l'attention nourricière de l'Etat providence « la houkouma » ne lésinait sur aucune demande, fusse-t-elle capricieuse ; ce système, en découvrant ses limites prend, également conscience de son déclin et pour s'en épargner d'une chute des plus douloureuses, s'est rendu compte que la démocratie proclamée jusqu'à lors, n'était, en fait, pas une, et que l'Algérie se devrait de s'inscrire dans une nouvelle perspective de démocratie réelle, démocratie, qui tout en étant l'expression de la volonté qui a toujours été revendiquée, se doit d'être également l'expression de l'association des citoyens à la gestion de la cité, citoyens qui ne sont plus considérés comme étant ces assistés que la démocratie, version légitimité révolutionnaire, se chargeait de leur assurer une aisance économique et une sécurité douillette de survie en contrepartie de la confiscation de toute spécificité, de toute originalité de pensée au profit de l'Etat, représentant de la révolution, qui transcende les dépositaires, une sorte de contrat social que Rousseau l'avait déjà explicité et superbement étayé, et qu'il serait inopportun de s'y attarder présentement, néanmoins, en faire allusion est, certainement, d'un intérêt appréciable, à plus d'un titre.

Ce pacte social, sorte de copie revisitée du contrat social évoqué, peut-être résumé dans le fait que chacun de nous, en se mettant à la disposition de la suprême direction de la volonté générale (du parti c'est-à-dire de l'Etat), se considère comme partie d'un tout, qui tout en le constituant, se trouve être structuré par rapport à son omniprésence. Aujourd'hui, sous l'emprise de considérations objectives dont les émanations ne sont pas à déterminer uniquement, dans la sphère interne, mais bien comme l'expression d'une mondialisation multiforme et agressive, une conception inverse se met en place, conception qui, de prime abord, intronise la démocratisation de la société comme prélude à tout travail de mise à niveau, de redressement, d'émancipation de la société.

Cette nouvelle version de démocratie - modèle universel ? prônée, se trouve être porteuse d'une vision qui introduit un ré-agencement du rôle de l'économie dans la société ; la démocratie est corollaire de l'émancipation de l'initiative privée, à tous les niveaux, et le désengagement de l'Etat, surtout de providence, et l'implication d'une société civile qui se doit de prendre ses distances par rapport à tout centre de pouvoir. Exigences qui font fi des vieux principes de la représentation, par cooptation, en s'amarrant à la logique en principe implacable des urnes. La démocratie ne peut être donc, définie, que par rapport à la tenue d'élections dont le besoin de les qualifier de libres, transparentes et honnêtes est toujours ressenti comme conditions utiles, nécessaires et indispensables. De ce qui précède, la tenue d'élections, aux conditions citées, apparaît comme étant la concrétisation d'une normalité souhaitée, aboutissement d'un processus de sauvegarde, fortement proclamé par ses promoteurs. Ne voulant s'enquérir des véritables intentions qui motivaient les décideurs de l'époque, œuvre laissée à la charge des historiens et à l'appréciation de la morale et de l'éthique collective; notre intérêt est de mettre en évidence le chemin parcouru, les résultats obtenus, les transformations opérées depuis la proclamation du multipartisme en Algérie ; il est vrai que l'objectif annoncé est d'une ambition qui peut être qualifiée d'osée, voire démesurée et, par conséquent, l'objectif est à considérer comme étant une ébauche, une tentative d'explication, une contribution à la compréhension de la réalité.

Théoriquement, la convocation du corps électoral, depuis l'émergence du multipartisme, devrait se concevoir dans une logique autre que celle en vigueur, pendant le règne du parti unique, l'accent se doit d'être mis sur la confrontation des projets, sur la concurrence des desseins, sur l'émulation des carrières et la conquête de l'électorat ; mais les différentes analyses de la réalité du terrain, aussi bien des spécialistes que celles des simples citoyens, révèlent un décalage d'avec ce qui devait se produire, les exigences de probités annoncées comme préalables indispensables, semblent n'être pas encore assurées, de l'avis de nombre d'acteurs concernés, le constat de la persistance de comportements dénonciables perdure ; et pour sceller la non-performance de ce multipartisme, pourtant dépositaire d'immense espoir, une défection quasi-générale de l'électorat semble devenir une réalité, de plus en plus, persistante dans un mouvement, en crescendo, défection contagieuse qui semble concernée, également, les postulants à la candidature ? certaines formations politiques trouvent d'énormes difficultés à confectionner leurs listes -. Constat, qui interpelle, aussi bien, les pouvoirs publics, la classe politique, la société civile, l'intellectuel reclus, le simple citoyen, l'élu, l'électeur? Les pouvoirs publics, face à ce rendement décroissant du processus mis en place, et dans un mouvement, peut-être de précipitation, ou par manœuvre tactique ou censée l'être, n'ont pas trouvé mieux que de faire des similitudes avec des puissances régionales et mondiales pour atténuer l'impression de la gravité, « puisque des puissances connaissent le même phénomène, il n'y a pas lieu de s'inquiéter ». Raisonnement simpliste qui ne mérite d'être mentionné que pour rappel. L'explication, que je me propose de développer, s'articule sur la combinaison de quelques hypothèses qui ne feront, certes, pas dans ce cadre étroit de vérifications empiriques suivant une méthodologie scientifique rigoureuse, mais ont l'avantage de donner un soubassement susceptible de constituer un référent théorique capable de permettre une explication épargnée des manipulations partisanes ou de pouvoirs occultes, loin du débat stérile, du type de celui qui s'article autour de la qualification de la défection, est-elle boycott ou abstention ? Il est légitime de se demander la pertinence de s'intéresser à la question de l'élection, dans la sphère politique, dans un travail destiné à l'investigation et la compréhension du comportement organisationnel, en période de transition. La réponse ne semble, certes, pas évidente, mais si on admet la permanence des représentations sociales pour l'électoralisme version démocratique et les fondements des comportements organisationnels du fait de la similitude du socle culturel, l'ambiguïté ne pourra que se dissiper.

L'une des hypothèses est l'affirmation de la nécessité de détermination, avec exactitude, de la nature et forme de représentation que se font les différents partenaires sociaux. La question est de savoir si ces derniers ont la même représentation de la pratique politique, de l'acceptation du multipartisme, de la définition du parti, qui est, certes, autre chose que le participe passé du verbe partir. La détermination, sans équivoque, d'une représentation uniforme est, donc, un préalable à toute praxie sociale, a fortiori à toute pratique politique, car les différences ne sont pas toutes légitimes et acceptables, mais cette harmonisation n'est pas à concevoir comme étant le reflet ou la manifestation d'un nivellement produit d'un endoctrinement à la solde d'une caste ou d'une idéologie. La représentation permet la stabilisation de l'instable, la formalisation de l'informe et le dépassement des incompréhensions et des instabilités ; en reconnaissant cette importance, il devient, donc, évident de s'enquérir sur la réalisation de cette condition, de savoir si depuis l'indépendance, la question de s'assurer que les citoyens, les institutions, le pouvoir public, les engagés politiques se représentent, de façon concordante, les phénomènes, utilisent les mêmes signifiants pour les mêmes signifiés, constituent une préoccupation quelconque. Les théoriciens de la représentation, en s'y intéressant, ont mis en évidence une multitude d'acceptations qu'il serait prétentieux de prétendre les citer toutes, dans le cadre de cet article, néanmoins en évoquer certains aspects, jugés des plus pertinents, revêt un caractère névralgique pour la compréhension du sujet. La représentation situe l'individu par rapport à la chose représentée, elle le met aux prises avec son absence, qu'elle veut, justement, rendre présente, elle est, en quelque sorte, intermédiaire, entre la chose et son essence, pour faire dans le sommaire et la clarté, elle permet l'existence de la chose ; la représentation est, de ce fait, instituante et par conséquent véritable socle à la diversité d'actions qui s'y rapportent. Les notions d'élection, de démocratie, d'électeur, d'élu, en tant que réalités sociales, obéissant à des spécificités sociétales, se doivent, donc, de s'inscrire dans un processus de clarification, d'aération et d'uniformisation de compréhension, qui exige de la société un travail en profondeur, un travail qui abolit le consensus supposé et accepté comme acquis inébranlable, la société, il faut l'admettre, est en perpétuelle métamorphose, en quête permanente d'adaptation suivant des représentations continuellement mouvantes. Il apparaît, donc, que l'évaluation de la pratique politique nous amène à s'intéresser à la formation des représentations, aux conditions d'élaboration, et à la façon de leurs propagations. Parler directement d'élections, des conditions de leur tenue, en faire le procès, c'est se fourvoyer, sans le moindre doute, car procéder de la sorte, c'est, à coup sûr, prendre les conséquences pour des causes et vice- versa, se perdre en conjonctures et s'assurer les conditions de pérennité de l'amalgame, de la confusion et de l'adversité destructrice sans discernement.

Outre, la nécessité de prendre la détermination de la représentation de la chose politique comme paramètre de réflexion important, en y insérant l'importance de se préoccuper de la façon de sa propagation, dans tout processus d'évaluation des élections et éléments connexes, il est, également, important d'attirer l'attention sur la prise en considération des analyses de certains phénomènes à connotations sociales et historiques, tâche, certes, d'une ampleur considérable mais indispensable, que chaque société se doit d'accomplir; dans cet ordre d'idées, la référence à l'étude de l'impact de l'affectation de certaines institutions sociales par les turbulences historiques est à insérer. Cette évocation ne se présente pas comme une analyse exhaustive mais un simple clin d'œil, un moyen d'attirer l'attention, de susciter l'intérêt des uns et des autres : la dissolution de la DJEMAA, terme ancestral qui désigne l'assemblée en charge de la régence de la communauté, de même que la conception de la temporalité, sont citées, à titre d'exemple.

En terme de rétrospective historique, il est indéniable que l'événement majeur que l'Algérie moderne a eu à connaître est, sans aucun doute possible, la colonisation française dont les répercussions de décomposition et de destruction des structures sociales sont, dans bien des cas, d'actualité ; malgré que le recouvrement de l'indépendance date déjà de plus de cinquante ans.

L'inventaire de ces répercussions ne peut être contenu dans le cadre de ce travail, c'est pourquoi, il ne sera question que de celles dont l'impact est certain et de notoriété tellement évidente, sans usage d'analyse approfondie : la destruction ou du moins l'altération, de façon directe ou insidieuse, des structures sociales qui, tout en produisant la pensée, veillaient à la réglementer, en se portant garant d'un ordre social établi ; à l'instar du type d'organisation de la tribu et de la famille ? structures qui, au-delà de leur connotation universelle d'appartenance ont des missions de cohésions sociales spécifiques que la culture générait et entretenait. Dans ce cadre précis, il est à signaler l'influence qu'a subie la structure « Djemâa », le statut de doyen de hameau (Kebir el douar) ; véritable institution que la colonisation a sacrifiée sur l'autel de l'exclusion, et parfois par les volontés d'instrumentalisation et de récupération. Il est utile d'esquisser une définition de la « Djemâa » comme étant l'institution ancestrale, l'assemblée tribale, en charge de préciser les limites du licite et de l'interdit, de déterminer le permis et le proscrit, d'évaluer les mérites et les compétences des membres de la communauté, et d'élire les chefs, en termes clairs : Régenter la vie en société.

A l'indépendance, l'Algérie s'est retrouvée confrontée à des problèmes spécifiques, dus à l'héritage de la période coloniale et d'une guerre meurtrière, qui ont généré des comportements formant une culture où ,tantôt, on se comporte comme si le nouveau système évacuait, purement et simplement, l'héritage du passé pour s'amarrer à une modernité vécue, comme idéale et objectif à atteindre et tantôt, comme si ce même système, dans un mouvement de remise en cause et de nostalgie, valorisait les rapports sociaux et sociétales et fait de la restauration de l'authenticité un attribut de la spécificité culturelle. Dans ce mouvement balancier, les institutions « Djemâa » , « Kébir ed douar » se sont vu reléguées à un statut de résidus de l'ancien, des reliques antiques dont la fonction s'articule autour de l'expression d'une identité en terme de manifestation beaucoup plus folklorique qu'instrumentale ou d'utilité publique. Cette perte d'attributs, d'intérêt ne semble pas être comblée de la même manière et efficacité par les institutions mises en place et qualifiées de modernes. Une courroie de transmission a été escamotée, dans l'indifférence totale, sans que les répercussions ne soient identifiées et les impacts recensés. Parler de défection des citoyens en ce qui concerne les élections, devrait nous amener à se repositionner par rapport à ces réalités qu'on a trop souvent occultées consciemment ou pas, en usant de raccourcis pour se donner l'illusion de solutionner des problèmes, alors qu'en fait, on les complique, on les condense, on les diffère, on vit le quotidien, en se disant pourvu que ça dure.

* Professeur