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14 juillet 2017 : Macron invite Trump

par Pierre Morville

14 Juillet c'est la fête nationale française. Défilés militaires, cortège d'avions, discours, bals populaires et feux d'artifice.

Sans oublier un nombre incalculable de boissons alcoolisées consommées dans une nuit très chaude. Tout cela est censé rappeler aux Français un double anniversaire historique. Mais c'est également l'occasion d'inviter des présidents étrangers.

14 juillet 1789 : la prise de la Bastille

40 jours plus tôt, le roi Louis XVI avait dû accepter la tenue d'états généraux réunissant les trois ordres : l'aristocratie, le clergé et le tiers-état qui ramassait l'immense reste de la population. Au centre des débats ? La fiscalité jugée trop pesante pour les couches populaires. Déjà. Et la volonté également d'une constitution qui encadre un peu plus un pouvoir royal absolu. Le 9 juillet, l'assemblée réunie à Versailles se proclame «Assemblée nationale constituante». L'initiative ne plaît pas au roi, ni à son entourage. Le 12 juillet, Louis XVI renvoie son contrôleur général des finances, Jacques Necker, un banquier plutôt populaire.

Le 13 juillet circulent dans Paris des rumeurs de coups de force menées par les forces royalistes. De fait, des corps de troupes sont rassemblés au Champ de Mars et aux portes de Paris.

Et là, c'est le coup de chaud !

Le 13 juillet, à Paris, la rumeur se répand que les troupes royales vont entrer en force dans la capitale pour mettre les députés aux arrêts. De fait, des corps de troupes sont rassemblés au Champ de Mars et aux portes de Paris. Un comité permanent, la «municipalité insurrectionnelle», est formé pour faire face à la menace. Il se substitue à la vieille municipalité royale.

Au matin du 14 juillet, nous rapporte Wikipédia, des artisans et des commerçants se rendent à l'hôtel des Invalides en quête d'armes. Le gouverneur cède aux émeutiers et ouvre les portes. La foule emporte 28.000 fusils et 20 bouches à feu. Mais il lui manque encore de la poudre...

Des émeutiers rugissent alors : «À la Bastille !» où la rumeur prétend que de la poudre aurait été entreposée. Au demeurant, le peuple a une revanche à prendre sur la vieille forteresse médiévale dont la masse lugubre lui rappelle à tout moment l'arbitraire royal, nous explique Wikipédia. La garnison qui gardait la prison comprenait 82 vétérans et un détachement de 32 soldats suisses.

Le marquis de Launay, gouverneur de la Bastille, veut gagner du temps en attendant des secours. Mais une explosion mystérieuse émeut la foule. On crie à la trahison. Un groupe pénètre dans l'enceinte par le toit du corps de garde et attaque à coups de hache les chaînes du pont-levis.

De Launay, sans expérience militaire, perd ses moyens. Il donne l'ordre de tirer. La troupe suisse fait des ravages chez les assaillants. On compte une centaine de morts.

Tout bascule avec l'arrivée de deux détachements de gardes françaises. Ces soldats professionnels chargés de veiller sur la capitale prennent le parti des émeutiers. Ils vont leur assurer la victoire.

Sous le commandement de deux officiers, Élie et Hulin, ils amènent deux canons et les pointent sur la Bastille. Il s'ensuit un début d'incendie à l'entrée de la forteresse et quelques pertes chez les défenseurs.

Il est 4 heures du soir. De Launay se ressaisit, ordonne soudain le feu à outrance puis tente de faire sauter les magasins de poudre. Mais ses invalides lui imposent de brandir un mouchoir pour parlementer. Le feu cesse. Les pont-levis sont abaissés et la foule se rue dans la forteresse.

Les soldats suisses, qui ont eu le temps de retourner leurs uniformes, sont pris pour des prisonniers et épargnés. Mais la foule lynche les malheureux invalides.

Le marquis de Launay, qui a tenté de se suicider, est traîné dans les rues de la capitale avant d'être décapité par un boucher. Sa tête est fichée sur une pique et promenée en triomphe à travers le faubourg ainsi que les têtes des autres défenseurs de la Bastille.

Mais il faut aussi libérer les prisonniers, injustement embastillés!

Les geôles s'ouvrent, la liberté est de retour. Les prisonniers sont libérés. Pas de bol, ils ne sont que sept. Et quels prisonniers ! Béchade, Laroche, La Corrège, Pujade : quatre petits escrocs enfermés là en «préventive» car leur procès pour falsification de lettre de change était en cours d'instruction. Le comte de Solages, enfermé là pour «acte de débauche» et «action monstrueuse» à la demande de sa famille qui payait une pension pour être bien certaine qu'on ne le relâche pas. Et enfin, Tavernier et De Whyte, deux déments dont la légende raconte que l'un des deux se prenait pour César. Le Marquis de Sade, auteur pornographique et qui a donné le mot «sadique» avait été transféré quelques jours auparavant dans un autre établissement.

Le soir même, Palloy, un entrepreneur zélé, réunit 800 ouvriers et entreprend la démolition de la vieille forteresse dont les jours étaient de toute façon comptés.

14 juillet 1790 : la «Fête de la Fédération»

Les Français commémorent pour la 1ère fois la prise de la Bastille. Les députés de l'assemblée constituante ont décidé de faire de ce jour la «fête de la Fédération». Les députés et les délégués de tous les départements, les «Fédérés» forment un immense cortège qui traverse la Seine et gagne la vaste esplanade du Champ de Mars. Dans les tribunes, sur les côtés de l'esplanade, on compte 260.000 Parisiens auxquels s'ajoutent une centaine de milliers de fédérés, rangés sous les bannières de leur département.

La tribune royale est située à une extrémité du Champ de Mars, sous une haute tente. À l'autre extrémité, un arc de triomphe. le roi prête à son tour serment de fidélité aux lois nouvelles : «Moi, roi des Français, je jure d'employer le pouvoir qui m'est délégué par la loi constitutionnelle de l'État, à maintenir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par moi et à faire exécuter les lois». La reine, se levant et montrant le Dauphin : «Voilà mon fils, il s'unit, ainsi que moi, aux mêmes sentiments».

Pas de chance, Louis XVI fut rapidement guillotiné avec l'ensemble de sa famille.

14 juillet 1917 : les Américains arrivent

Depuis, la France, alliée à l'Angleterre, est en guerre contre l'Allemagne. Et malgré des combats incessants et des pertes militaires immenses, aucune des deux parties ne semble prendre un avantage décisif. L'Amérique n'avait pas voulu se mêler au conflit qui ensanglante la vieille Europe. Tout juste, Washington avait accepté d'envoyer des armes aux Français et aux Anglais. Ce qui avait entraîné des attaques de navires américains par des sous-marins allemands. Le 1er février 1917, le président américain, Wilson, rompt les relations diplomatiques avec l'Allemagne. Le 13 mars, les navires marchands reçoivent l'autorisation de se munir de canons. Le 19, l'inévitable se produit : les Allemands coulent le Viligentia. Le 20, Wilson est résolu à l'intervention armée contre l'Allemagne et le 2 avril 1917, il demande au Sénat de voter la déclaration de guerre. Le 6 avril 1917, à 13h18, le Congrès vote la guerre par 373 voix contre 50. Le président Wilson proclame alors : «L'Amérique doit donner son sang pour les principes qui l'ont fait naître...»

Voté le 18 mai 1917 malgré l'opposition de certains démocrates à cette «autre forme d'esclavage», le Selective Service Act institue la conscription de tous les citoyens de sexe masculin âgés de 21 à 30 ans. Il permet de porter les effectifs de l'armée de 200.000 hommes en février 1917 à quatre millions de soldats en novembre 1918.

Le 13 juin 1917, 177 Américains, dont le général John Pershing, commandant en chef du corps expéditionnaire, et le lieutenant Patton, débarquent à Boulogne-sur-mer dans la liesse populaire. «Avec leurs uniformes de drap olive, leurs feutres à larges bords, leurs ceintures à pochettes multiples, cette allure de jeunes cow-boys de l'Ouest américain, ils apportaient une note de pittoresque inédit dans nos décors de guerre», relate le journal L'Illustration. Pershing multiplie les rencontres et les présentations officielles durant les semaines qui suivent. Le 28 juin, il assiste, à Saint-Nazaire, à l'arrivée de la 1ère DIUS. Le 4 juillet, jour de la fête nationale américaine, il se recueille sur la tombe du marquis de La Fayette au cimetière de Picpus, à Paris. C'est à cette occasion que le colonel Stanton lance la phrase devenue célèbre : «La Fayette, nous voilà !» qui déchaîne l'enthousiasme de la foule massée aux abords du cimetière.

Le 14 juillet 1917 fut aussi une journée marquante dans la célébration de la fête nationale. Le défilé fut particulier en cela qu'il rassembla un nombre considérable de représentations de régiments. Appelée «Fête des drapeaux», cette journée «fut la fête des étendards et des drapeaux. Tous les drapeaux décorés de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre, presque tous les drapeaux de France, car il y en a bien peu qui n'aient pas été cités à l'ordre de l'armée, firent voir leurs blessures de guerre. Il en est qui sont de magnifiques haillons, bleus, blancs et rouges, déchirés par les éclats d'obus et les balles, leur soie effilochée par le vent de la bataille. Et ce sont ces drapeaux en loques qui étaient le plus applaudis par la foule enthousiaste et grave qui avait devant elle l'image de la patrie, déchirée et sanglante, mais toujours fière, recueillie, debout.» (Edition du journal «Le Temps» du 15 juillet 1917.

Sous ses allures lénifiantes, cet article rappelle à mots feutrés que cette année 1917 reste malgré l'arrivée des premières troupes américaines, l'année du doute. «Doute après une offensive catastrophique qui a amené les fameuses mutineries. Doute entre la population civile et les soldats qui ne se reconnaissaient plus à l'arrière. Doute sur le devenir de la guerre», note le site 14-18 forum. C'est entre autres pour ces raisons que ce défilé sous forme de réconciliation de la Nation semble avoir été organisé.

14 juillet 2017 : rencontre Macron-Trump

Emmanuel Macron a multiplié les signes amicaux à Donald Trump pendant le sommet du G20 à Hambourg début juillet. Les deux présidents avait déjà échangé une poignée de main «virile» lors du sommet de l'Otan à la fin mai. Certes, les désaccords restent nombreux, qu'il s'agisse de la non signature par les Etats-Unis de l'accord sur le climat ou les volontés ouvertement protectionnistes de l'économie américaine souhaitées par Donald Trump. Mais les deux pays restent sur des positions proches en matière de lutte contre le terrorisme ou sur le dossier syrien. Emmanuel Macron l'a lui-même expliqué au cours sa conférence de presse de clôture du sommet: leur «désaccord» sur le climat ou les tentations protectionnistes des Etats-Unis n'empêchent «en aucun cas la coopération sur de nombreux autres sujets». A l'Elysée, on précise que la recherche de convergences seront de nouveau à l'ordre du jour de la visite que Donald Trump effectuera à Paris les 13 et 14 juillet, à l'occasion de la fête nationale française.

En invitant son homologue américain à assister au traditionnel défilé militaire du 14 Juillet sur les Champs-Élysées, Emmanuel Macron, avait-il expliqué, souhaitait le «ramener dans le cercle» de l'accord Climat et réduire la tentation isolationniste des Etats-Unis. Emmanuel Macron dîne avec Donald Trump à la Tour Eiffel le 13 juillet. Peut-être évoqueront-ils l'arrivée des troupes américaines qui s'était effectuée un siècle auparavant en 1917?