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Du masque clownesque au kleenex à la startup

par Farouk Zahi

«Quel est le meilleur gouvernement ? Celui qui nous enseigne à nous gouverner nous-mêmes.» (Johann Wolfgang von Goethe).

Au lendemain d'un épique Ramadan fait de bombances hyper protéinées, hyper sucrées et de veillées harassantes, voilà encore deux jours de fête gargantuesque. La prostration, perceptible à travers la quiétude des cités est apparemment générale en ce troisième jour supposé être celui de la reprise de l'activité économique et commerciale. Le septuagénaire, assis au balcon de son appartement, observe avec un œil encore glauque, les rares passants qui vaquent à leurs occupations ; les quelques places vides et clairsemées du parking renseignent, un tant soi peu, sur le peu d'empressement des gens à reprendre le cours de leur quotidienneté. Parmi les restes festifs que la petite descendance a abandonnés sur le balcon, un masque clownesque, dans une sorte de sourire sardonique figé, attire l'attention du vieux. Il y voit et bien mise en évidence cette graphie : Made in China. Le pays de Lao Tseu, ne s'arrête pas de nous narguer, nous qui chantons, présentement, la vertu de la startup. La définition que donne le Larousse de cet anglicisme est la suivante : jeune entreprise innovante dans le secteur des nouvelles technologies (recommandation officielle : jeune pousse). Là, on pourra mourir moins bête au moins !

Avant da nous aventurer dans cette jungle insondable des nouvelles technologies, a-t-on au moins envisagé la promotion de la rustique manufacture dont le fer de lance n'est autre que la PME/PMI pour nous débarrasser, une fois pour toute, des ces manches à balai, ces articles ludiques faits souvent de matières nocives pour la santé des enfants ou encore ce papier mouchoir venus du Sud-Est asiatique ou du Moyen orient. A propos de ce prosaïque papier d'hygiène nasale, votre serviteur a rencontré, par un pur hasard, dans le commerce, une marque égyptienne dont l'emballage est frappé de l'emblème national algérien. Décidément, le chauvinisme égyptien ne s'est pas arrêté à Oum Dormane.

Après son autodafé par le barreau du Caire sous les objectifs des caméras, il est livré maintenant aux exsudats morveux par des négociants indignes. Pris en photo, l'article en question a été envoyé à deux ou trois quotidiens réputés pour leur page spéciale de l'insolite ou du sensationnel selon la ligne éditoriale de chacun d'entre eux. Lançant des cris d'orfraie quand il s'agit d'institutions publiques, ces médias sont restés de marbre. Le patriotisme, tant déclamé, n'est en fin de compte, qu'une panacée que d'aucuns utilisent comme une encre de seiche pour mieux se dissimuler. Tant que nous sommes sur les berges du Nil, évoquons, encore, ce chauvinisme entretenu par la presse à l'égard de tout ce qui est algérien. Un fait divers, rapporté par un journal électronique national fait état d'un crime sur conjoint perpétré par un Jordanien ex. époux d'une Algérienne expatriée. Et comme de coutume, la presse de la « Mère de l'Univers », s'est rangée du coté de l'assassin. Cet alignement moyen oriental, ne date pas d'aujourd'hui ; il puise ses racines depuis l'appel de Salah Eddine El Ayoubi qui avait compris, avant l'heure, que le salut ne viendrait que des Maghrébins pour sauver « Beit El Maqdess » (Jérusalem) des catapultes des Croisés. Malheureusement, nous n'avons pas encore compris que notre profondeur civilisation est d'abord nord-africaine et méditerranéenne. En dépit de la même foi religieuse et la même langue, le Brésilien et le Mexicain ne s'est jamais senti Portugais ou Espagnol. Et ce n'est pas l'Islam qui fait obligatoirement notre arabité comme certains le pensent ; l'antique Perse, le Pakistan ou encore l'Indonésie n'ont jamais lié leur sort à une arabité à laquelle personne n'y croit à commencer par les pays du Golfe eux-mêmes. Leurs intérêts, d'abord économiques, priment sur toutes autres considérations.

Rappelons-nous la crise économique aigue que connaissait notre pays avant la tourmente guerrière des années 90' et ses demandes pressantes auprès de nos « frères arabes » pour des aides financières. Nous n'avions pu récolter que 50.000.000 USD (Dixit le défunt président Boudiaf). Quand le Yémen est pris pour cible et son peuple soumis à la disette, on comprend mieux pour qui les arsenaux du wahhabisme sont destinés. La fourberie israélienne, soutenue par un Congrès acquis à ses thèses et un gouvernement américain aux ordres sont entrain de régler son compte à l'avant dernier pays du Front du refus. Patiemment, mais surement ! Notre pays, n'était-il pas le 5è et dernier pays de ce défunt front ?

Ce qui semble au lecteur comme une digression, est l'essentiel du débat en matière d'appartenance patriotique que beaucoup confonde avec nationalisme qui est conservateur par instinct d'introversion privilégiant le lien du sang à l'inverse du premier concept et dont l'essence même est plutôt le droit du sol à des communautés multiculturelles locales ou régionales formant une nation. Ouvert sur le monde, le patriotisme n'est pas fait que de symbolique ringarde, mais d'une sincère appropriation de la chose commune pour un vivre ensemble sans à coups. Et, surtout, dans le respect de la différence. Plus morale que matérielle, elle participe du sentiment de préservation du patrimoine commun légué par les anciens et de la promotion des acquis universels sans, pour autant, crier à la déculturation que la vieille garde défend avec hargne. Les pays du Golfe qui l'ont compris depuis longtemps, à part le port vestimentaire, la langue vernaculaire et quelques reliques chamelières sont entrés de plain pied dans le troisième millénaire. Pour contourner les interdits spirituels, ils ont créé des enclaves touristiques où il est permis de vivre à l'occidentale et quelque soit la chapelle des usagers. La posture nationale est, de plus en plus, paradoxale dans ce contexte fait de tergiversations et d'atermoiements. L'épisode tragique de cette algérienne trucidée par son ex. mari, est révélateur d'une tartufferie qui nous fait croire que nous sommes à l'abri des déviances sociétales tels que le commerce du sexe. Selon le journal électronique cité plus haut, nos chancelleries de Beyrouth et du Caire ont tiré la sonnette d'alarme depuis quelque temps déjà. Il semble qu'elles reçoivent des appels de détresse devenus de plus en plus fréquents de la part de jeunes algériennes expatriées abandonnées et livrées au commerce du corps par le dénuement socio économique dans lequel elles ont été amenées à vivre. Depuis l'avènement des chaines satellitaires off-shore et qui remonte à plus de cinq ans déjà, les feuilletons moyen- orientaux à l'eau de rose, incitent de plus des jeunes algériennes à tenter l'expérience pour un El Dorado aventureux. Ces alouettes naïves, ne tardent pas à tomber dans l'escarcelle de voyous dans le seul crédo est le gain facile. Il existerait, de véritables réseaux de recrutement et dont on feint d'ignorer l'existence. Et si l'on croit, qu'en externalisant la problématique, on préserve l'honneur national des souillures morales, il vaut, tant qu'à faire, les tolérer en intra-muros comme font nos voisins immédiats pour s'attirer une clientèle occidentale roturière en mal d'exotisme. Ca donnera, au moins, du sens à un secteur touristique moribond. Il est bien entendu, qu'il faudrait dans ce cas, opter pour cette lucide sentence de l'empereur Vespa qui rétorquait à son rejeton de fils qui s'offusquait de la construction des vespasiennes payantes dans la Rome antique : « Mon fils, l'argent n'a pas d'odeur ! »