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La récompense des retardataires

par El Yazid Dib

Certains disent qu'elle est obligée par décence de présenter sa démission. D'autres affirment qu'on la fera incessamment partir. L'essentiel n'est cependant ni dans son maintien ni dans son départ. Il est au sein même d'une crédibilité de toute l'organisation nationale.

Si l'école peut s'apparenter à un immeuble et un portail, en quels termes alors pouvons-nous définir l'âme qui les anime ?

L'Education nationale a été de tout temps partagée entre le scepticisme, la doctrine et la réalité.

La tendresse que l'on semble lui dévouer sans artifice s'est vite déflorée à la mesure des tenanciers conjoncturels d'une époque, d'un régime ou d'un caprice. Ce secteur névralgique dans la constitution physique du pays donne la physionomie d'un manque de souffle et d'animation.

Pourtant avec l'actuelle ministre, des choses ont été faites, des durs combats sont menés. Les conflits sont tellement ardus et pernicieux qu'ils peuvent la faire finir sans pour autant pouvoir faire finir les affres de l'école. Tous les acquis obtenus avec opiniâtreté vont partir au gré d'un souci de vouloir calmer une grogne injuste.

Les retardataires n'ont pas à être rattrapés par une nouvelle session. Ils s'assument. Sinon, il y aura la sensation d'un encouragement à ce faire.

Le désir officiel de changer le fonctionnement de l'école a été de tout temps affiché avec panache dans tous les programmes des gouvernements successifs. Faisant parfois dans l'agitation stérile, comme un malade vertical tenu en souffrance pour cause de lucidité, il sursaute d'une humeur d'un pouvoir à l'envie d'un ministre. Cette pathologie est née, certes, dans un environnement presque inhospitalier et moribond qui ne cesse de s'affirmer en gangrenant tous les segments cellulaires du corps social. La crise est dedans. Dans le cerveau catalyseur.        

La crise qui nous transperce n'est pas une simple responsabilité citoyenne. Quoique l'étant par la force de la légalité, elle ne peut être uniquement passible de juridictions. Elle est censée à juste moralité, être une responsabilité nationale, engendrant dans son passage tout une vie temporelle d'une nation. Car l'école n'est plus une affaire qui ne dépend que d'un ministre ou d'un gouvernement, elle est au sens le plus noble l'affaire de tous. Il n'appartient pas à un syndicat de coincer un ministre, ni à celui-ci de vilipender des parents. Mais tous ; ensemble doivent se faire de la bile et ne penser plus à sa carrière ou à ses égoïstes intérêts. Ce taux de candidats qui n'ont pu accéder à la réussite de leur Bac, veulent passer pour être la résultante de tout le processus scolaire durant les quatre années du cycle secondaire. Seule la terminale a vu l'actuelle ministre officier à sa supervision. Sinon tout le reste n'était pas de son ressort.

Elle, pouvait-elle arguer qu'elle n'a récolté que ce que l'on a semé, en son absence depuis longtemps.

C'est justement ce « long temps » que l'on doit analyser. La ministre sait beaucoup de choses et les rencontre avec fermeté malgré leur sournoiserie et les multiples complexités qui les garnissent.           C'est difficile d'être à la tête d'un tel ministère avec les hésitations des uns et les ingérences des autres.

L'histoire se passe là, chaque jour, défiant à l'aveuglement nos yeux. Présente, elle se dicte par défaut.

La ministre, belle femme d'une élégance digne d'un livre de beaux- arts, ses yeux scintillaient comme du papier canson, sa tête haute comme un mausolée ne s'amollissait pas devant le temps et semblait heureuse d'avoir affronté les siècles et dompté l'éternité. Elle avait dans ses cavités l'anthropologie d'une nation et de grands concepts pour l'émergence d'une grande école. Les essais sur la pratique scolaire, tellement répétés et ressassés, ont fini par faire perdre toute bonne pensée sur une classe, un classeur, un élève ou un instituteur.

Les problèmes qui lui sont à chaque cours crées et à chaque recréation susurrés auront la peau dure par-devant une frimousse certes ferme et décidée mais que l'on veut ramollir, détruire pour une raison ou une autre.

Benghebrit passe pour être un ange qui flotte dans un cosmos pétri de diables et de démons. Qu'Il est démentiel, cet affublement dont se pare l'exécution mal menée d'une réforme scolaire qui avait presque tout pour réussir. D'un palier à un autre, l'élève est comme dans un nuage, il n'arrive plus à se situer dans la lourdeur de son cartable. L'on a trop parlé du cartable numérique, au moment où l'enseignement de l'informatique n'est pas garanti en enseignement à tous les échelons et dans toutes les contrées.

Les cahiers mal quadrillés y côtoient les manuels bourrés d'imprécisions lorsque l'amputation d'un fait historique fait bouleverser l'ordre de l'histoire. Le comble aurait été commis quand l'amnésie se voulait faire place dans la déchirure d'un couplet, sans qui la révolution n'aurait pas eu d'adversaire, ni encore pu identifier son bourreau.

L'erreur est monstrueuse lorsque dans une feuille d'examen le candidat y écrit par SMS et s'apaise du savoir infus de son Bluetooth lui assenant à distance de quoi remplir son angoisse. La ministre ne peut comme un père d'enfant, contre ses propres enfants s'ils lui sont infidèles ou frôlant la déloyauté.

Dans l'état actuel de l'école publique, la gestion qui l'aggrave commence à être perçue comme un excès dans l'usage de droit. Elle frôle l'abus de pouvoir de part et d'autre. L'équation est ainsi tripartite. Il y a la ministre, l'enseignant et l'élève. La première est soucieuse de ses prérogatives, le second est entêté et le dernier est un pauvre irréfléchi. Si la ministre, le monde le dit, devra réfléchir sur le comment elle sera sommée de partir avec ou sans préavis, il incombe cependant à cet enseignant toujours rebelle et revanchard de bien refaire ses comptes. Quant à l'élève, il suit l'inconscience avec sa blouse, son gel et ses écouteurs. L'on ne voit plus l'instituteur, ce maitre d'antan agir et faire ses cents pas à la recréation et entrainer l'émerveillement des bambins.

Il était un modèle, un exemple. Il ne fumait jamais en classe, encore moins oser demander un à son rejeton d'éteindre son mégot quand il ne sollicite pas un autre de lui fournir une sèche.

Il lui arrivait par moment d'user d'une pipe qui n'avait à dégager non sans fumée que cette personnalité pleine de philosophie et de goût savant à l'appréciation de la vie. Ce maître savait brillement se vêtir par son veston en tweed, son pantalon velouté ou son tee-shirt molletonné. Le tout emballé sous un caban que finissait une belle écharpe en laine soyeuse. Il n'avait pas dans la tête, le vœu d'un bel appartement LSP ou un lot marginal qu'une dalle inachevée lui faisait omettre les devoirs, la correction et la bonne note. L'enseignant d'antan donnait le tonus à l'acharnement des études. Il suscitait l'envie d'être comme lui.

Il produisait une folle ambition de vouloir un jour lui ressembler.

Existe-t-il en ce jour des modèles d'enseignants à suivre ? Oui, mais rares sont ceux continuent à faire rêver leurs apprenants. Bien au contraire, quelques-uns provoquent le désir de l'école buissonnière, ils font fuir l'esprit de cet enfant du corps de ce même enfant qui s'immobilise en classe à cause d'un règlement intérieur inouï. L'essentiel serait dans la présence matérielle de la masse en chair et en os, c'est tout. Peu importe l'évasion de la concentration et de l'assimilation.

Elle doit être seule, comme une petite gamine dans son p'tit coin. Elle se mord sous la réflexion. Le monde, le sien, celui des autres se défile sous son regard absent et hagard.

Elle part loin dans ses rêveries lorsqu'elle est capturée par la peine, l'invective, l'accusation, l'ignominie qu'elle a subies dans sa chair une période durant. Lalla N'oumer ou Jeanne d'arc de l'école algérienne restera toutefois une grande dame. Enfin, si session y est ; il aurait été judicieux, plus équitable, plus évident qu'elle soit générale en rassemblant tous les décalés et non pas uniquement « les retardataires ».