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Le grand bond d’Amazon

par Akram Belkaïd, Paris

Il fut un temps où la différenciation entre acteurs économiques de l’internet et acteurs traditionnels était évidente. Aujourd’hui, les frontières se brouillent et la convergence entre les deux est une réalité. Cette tendance lourde est parfaitement illustrée par le cas Amazon. Il y a plus de deux décennies, cette entreprise a commencé par vendre des livres via internet. A l’époque, on a beaucoup glosé sur la capacité de cet acteur à éliminer les librairies traditionnelles. Cela n’a pas (encore) été le cas, néanmoins Amazon a obligé toute la grande distribution de produits culturels à se réorganiser, parfois de manière douloureuse. Des enseignes ont disparu tandis que d’autres, y compris les librairies les plus modestes, doivent proposer des offres en ligne pour ne pas perdre des clients.

Une acquisition de grande ampleur

De son côté, Amazon a peu à peu évolué en étoffant son offre. Aujourd’hui, on peut acheter de tout sur son portail : livres, vêtements, appareils électroniques, meubles ou pièces détachées automobiles. Amazon est désormais un géant membre du célèbre quatuor GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) qui joue un rôle de premier plan dans la transformation profonde de l’économie. Aussi, quand l’enseigne annonce, comme elle vient de le faire, le rachat de la chaîne américaine bio Whole Foods (460 magasins) pour un montant de 13,7 milliards de dollars, elle provoque un coup de tonnerre dans l’univers de la distribution alimentaire.

Certes, Amazon proposait déjà des produits comestibles à partir de son site mais les spécialistes du secteur étaient dubitatifs quant à la rentabilité réelle de cette activité. Cette fois, le géant américain achète des magasins réels, du «dur» comme disent ces mêmes spécialistes. Avec cette opération, il devient même le second plus grand opérateur du monde, toutes activités de distribution (dur ou internet) confondues (126 milliards de dollars de chiffres d’affaires contre 486 milliards de dollars pour le numéro un mondial Walmart). Cette acquisition s’est faite au comptant (cash) sans que l’acheteur soit obligé de s’endetter et elle en annonce certainement d’autres, en Amérique du Nord d’abord, en Europe ensuite.

Amazon est donc en train de faire évoluer son activité en essayant de combiner l’internet et le dur. Cela signifie que la notion de «pure player» - acteur qui se concentre sur un seul mode de distribution (physique ou électronique) est en train de disparaître. Jusque-là, les représentants des grandes chaînes de distribution alimentaire estimaient ne rien avoir à craindre d’Amazon, d’autant qu’elles aussi ont beaucoup investi sur l’internet et la e-distribution. Pour autant, Amazon fait partie des leurs et il sera intéressant de voir comment l’entreprise du milliardaire Jeff Bezos va faire évoluer la chaîne Whole Foods pour l’intégrer à sa stratégie globale.
 
Au tour de l’industrie culturelle

En attendant, il se confirme bien que nous entrons dans l’ère où les grands de l’internet ont suffisamment d’assises financières pour s’attaquer à la «vieille» économie. Non pas pour la démanteler, mais pour augmenter leur propre potentiel de croissance. Dans quelques semaines ou quelques mois, il ne faudra donc pas s’étonner en apprenant que l’un des GAFA a investi dans un secteur qui, jusque-là, paraissait lui être interdit ou impossible d’accès. On pense notamment à l’industrie du loisir mais aussi la santé dans tous ses domaines ou à la fabrication automobile. Affaire à suivre….