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Questions pour un visa

par Mahdi Boukhalfa

L'indigence de l'activité culturelle, l'absence d'un franc débat politique et la fuite en avant des décideurs quant à la gestion de la vie publique en Algérie a fait que de banales ?'caméras cachées'' ravissent la vedette à une actualité politique et économique indigente. Et qu'elles fassent réagir le landerneau politique, quand des causes nationales sensibles ne l'ont pas réveillé de son long sommeil.

Le nouveau gouvernement, depuis sa nomination et le départ d'un ministre ?'étoile filante'', reste bien cloîtré dans ses journées ramadanesques. Rien, aucun écho ne sourd des couloirs de la Primature pour donner un sens à la critique de l'action gouvernementale, l'agenda sur les questions sociales et économiques. Les tâches prioritaires avant l'entame de la rentrée sociale et, surtout, de quoi sera faite la loi de finances complémentaire 2017. Car, au rythme des rentrées de l'argent du pétrole et des dépenses, il est évident que le gouvernement Tebboune ne peut mener son programme d'action sans LFC. Et, face au «silence» du gouvernement, il y a eu donc cette terrible mais affligeante intrusion politique d'une caméra cachée qui, en d'autres circonstances, n'aurait pas nourri une telle vague d'indignation.

Car au-delà de la personnalité d'un des plus grands romanciers algériens encore vivant, cet épisode qui aurait pu être ?'anodin'' a ravi la vedette aux activités gouvernementales et montré le chemin qui reste à parcourir pour que les Algériens aient de nouveau un paysage cultuel respectueux des valeurs sociales, des sensibilités politiques et des traditions. Jusqu'à la religion qui aura été malmenée par une émission qui est loin d'être divertissante dès lors que le respect des convictions d'autrui est bafoué.

Ceci nous renvoie à ce film (Wonder Woman), dans lequel tient comme rôle principal une actrice israélienne, qui vante les mérites d'une armée d'occupation, qui tue et massacre des populations sans défense, et qui a failli être projeté en Algérie. Le fait même qu'une société d'exploitation de droit algérien ait pensé le projeter en Algérie, sans mesurer la portée de la chose est autrement déprimant. D'autant que ce film est sur une liste noire des films israéliens interdits de projection par la Ligue arabe, et à ce titre tous les pays membres de la Ligue arabe doivent appliquer cette recommandation. Car au-delà des aspects culturels, ludiques ou simplement cinématographiques, il est tout simplement indécent et intolérable qu'un film dont l'un des acteurs glorifie le sionisme et l'assassinat de milliers de Palestiniens, puisse être projeté en Algérie. L'idée même de le programmer est impensable en d'autres temps.

Au fait, le ministère de la Culture, une des institutions de la République, et à ce titre doit respecter les engagements du pays au sein de la Ligue arabe, a-t-il vraiment donné son ?'visa'' d'exploitation au film ? Et, s'il l'a fait, y a-t-il eu discussions entre les membres de la commission ? Des questions qui méritent réponses, lorsqu'on sait que le ministre israélien de la Défense, Avigdor Lieberman, un des pires ennemis des Palestiniens et des pays arabes, a eu cette réaction sur son compte Twitter: ?'Tant pis pour eux''. Car en l'espèce, il ne s'agit pas de censure, mais d'une posture politique à adopter pour tout ce qui vient d'un Etat terroriste.