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L'humiliation, cette nouvelle constante nationale

par Farouk Zahi

« Plus l'orgueil est excessif, plus l'humiliation est amère ». (Jean-François Marmontel)

On aurait aimé qu'il n'y eu point « Oum Dorman » et ses fausses illusions. Depuis, cette épopée footballistique, nous ne cessons pas de mordre la poussière de ? l'humiliation. L'Egypte, non pas des pharaons, mais celle des lilliputiens, car évoluant avec ses joueurs locaux, nous corrigea en Côte d'Ivoire par un mémorable quadruplet.

La raison aurait voulu que l'on révise à la baisse nos prétentieuses ambitions. Malheureusement, le chant des sirènes fit que notre galère aille, toujours, se fracasser contre les récifs du dépit et de l'amertume. La nation, toute entière, palpitait à la vue de ses gladiateurs des temps modernes juchés sur un grand carrosse apprêté pour l'occasion. Le président de la fédération de football, comme sur un nuage rose, goutait à la félicité procurée par la miraculeuse botte de Antar Yahia. La liesse démente, faisait ses victimes collatérales sur les lieux mêmes du rituel païen qui sublimait ses dieux du stade. Le siège de Dély Brahim devenait par le sortilège des médias « le Palais » et la cour s'est soudainement constituée autour de « El Hadj » ; on fait dans le religieux mystique. Et tout ce qui était admis comme consonance linguistique algérienne, tel que Omar, Hassan et autre Achour est devenue avec le temps, Cédric, Karl, M'Bolihi. Ce n'est certainement pas une tare que de faire appels à des binationaux, mais la préférence est au produit local. Compter sur des capacités formées à l'extérieur, ne peut être considéré comme le vrai rendu d'une nation qui se prétend footballistique. Imbus de la place au soleil qui ont acquise auprès des fans, ils choisissent le stade dans lequel ils évolueront et cerise sur le gâteau, ils refusent le coaching du dernier Bosnien en date. Et c'est ainsi que pas moins de trois sélectionneurs sont consommés depuis le départ de Wahid Halilovitch.

Ce dernier dont les services ont été au-delà de toute espérance, a été inélégamment éconduit? pour incompatibilité d'humeur suggère-t-on. Comme c'est de tradition chez nous, on peut porter atteinte à la dignité du pays tout entier, mais pas à celle du chef, l'outrance sera chèrement payée.

Ce Bosniaque qui, en toute apparence, ne se laisse pas marcher sur les godillots a eu le grand mérite en, si peu de temps, de reconstruite une équipe que le cheikh Saâdane a su imposer sur le plan continental et qui pour les mêmes motifs de prééminence l'avait quittée. Aller au deuxième tour au Brésil, n'est pas à la portée de n'importe quel pays sachant que perdre par la plus petite marge contre les Teutons germaniques et sortir l'ours russe est une prouesse en soi. L'illusion savamment entretenue, on se surprenait à rêver. Le réveil sera dur, mais à toute chose malheur est bon sauf, que nous ne tirons pas de leçons de nos nombreuses déconvenues. Et comme pour tout esprit oriental qui se respecte, nos débâcles retentissantes se muent en sacrifices épiques. L'illusion n'est pas que nationale, elle se répand même chez les froids Anglo-saxons à l'instar de Leicester-City qui s'adjugeant les services d'un premier Fennec pour donner plus de mordant à ces Fox, récidive avec le deuxième, mais il n'était pas dit que la chance allait encore lui sourire. Il est ainsi du cheval arabe, si ses départs sont foudroyants son endurance est de courte durée. Le vedettariat, mal compris d'ailleurs, mène souvent au pinacle de l'incorrection pour ne pas dire à l'impolitesse. Mahrez, pour ne pas le citer, et qu' on cite souvent comme modèle de modestie s'est pris la grosse tête lors de l'hommage que lui a consacré la wilaya de Tlemcen dont relève Beni Snouss d'où est issue sa famille. Habitué, pourtant, aux règles du protocole du maintien et du port vestimentaire, ce dernier n'a pas trouvé mieux que de se présenter en teeshirt, bermuda et sandales aux pieds. Décontenancé, certainement, par une telle attitude, le wali fit preuve de beaucoup de maitrise de soi, sans çà c'était le clash que les fous des stades ne lui auraient jamais pardonné. Si d'aventure, il aurait négativement réagit, il se serait fait rappeler à l'ordre par la hiérarchie, car on ne lèse pas, impunément, une majesté footballistique.

Ces manquements à la correction et à la bienséance ne datent pas d'aujourd'hui; ils remontent à plusieurs années déjà quand toute équipe dirigée par son président refuse d'accéder à la tribune officielle pour recevoir son palmarès de dauphin lors d'une mémorable coupe d'Algérie. Suspendus dont certains à vie, ils reviennent quelques temps après avec la bénédiction de l'instance suprême du football national. Le hooliganisme, éradiqué dans les pays géniteurs, s'est installé durablement chez nous, sauf qu'il s'est déplacé des tribunes vers le terrain. La disparition tragique du Camerounais Ebossé, ne semble pas avoir suscité de réactivité à l'effet de mettre à l'abri nos hôtes occasionnels. L'image du pays prend à chaque fois un coup ; la dernière déclaration de Roger Milla, est là pour susciter un sursaut d'orgueil si tant il nous reste un soupçon de dignité. Et comme pourchassés par la malédiction de l'indignité, nous suivons en live le pugilat d'un joueur du MCA avec son coach en pleine terre ghanéenne.

L'inénarrable keeper du club qui n'est pas à sa dernière incartade, vient de se singulariser par un irrespectueux comportement vis-à-vis d'un corps constitué juste après l'extinction des poursuites judiciaires introduites par son homologue de Sétif après une agression caractérisée sur sa personne. Magnanime, ce dernier avait retiré sa plainte, évitant ainsi à son collègue un arrêt de justice.

Nous ne reconnaissons point ce patrimoine national qu'aura été le doyen des clubs de football qui renvoie encore aux sublimes images d'un Aouadj, un Zerga et autre Bétrouni. Pleure, O club bien aimé ! diront ceux qui vivent encore parmi nous et qui ne disposaient pas, parfois, de chaussures à crampons.

Cette perdition n'est, malheureusement, pas propre au vieux club algérois, elle est observée chez notre antique club Kabyle qui s'est singularisé par une rixe entre deux de ses joueurs à Monrovia la libérienne. A croire que n'ayant pas d'antagonistes à affronter, nos joueurs s'en prennent à eux-mêmes en se crachant dessus et en s'insultant mutuellement devant des galeries ébahies par tant de sauvagerie. Dans le registre de la filouterie, pour ne pas dire la truanderie l'incurie s'est, depuis peu, expatriée. On apprend qu'un club de ligue 1 a quitté son hôtel congolais, au lendemain d'une confrontation continentale en oubliant de régler sa facture.

Le doyen a maille à partir, dit-on, avec ses recrues étrangères brésilienne, éthiopienne et congolaise qu'il a lui aussi « oublié » de rétribuer. Le joueur congolais a du recourir aux bons offices de la fédération internationale pour régler son contentieux. La FAF, en dépit de l'opulence financière du club, compte régler elle-même cette créance pour le plus grand bonheur de la galerie algéroise qui, le moment venu, pèsera de tout son poids dans les choix futurs. A propos du « matelas »financier de la fédération qui ne s'est pas privée des largesses du sponsoring, notamment, celui de l'opérateur de téléphonie mobile « Mobilis » qu'on assimile souvent et à tort un partenaire privé, se permet l'emprunt obligataire quand certaines associations sportives manquent de tout.

Il est exceptionnel, qu'une personne connue pour être indifférente à la chose footballistique s'y intéresse pour livrer le fond de sa pensée. Cette discipline sportive massifiée à outrance est devenue cette nouvelle religion avec ses dieux et ses apôtres. Ces clameurs qui montent des tribunes, ne sont-ils pas des invocations à l'esprit des antiques arènes sanglantes ? Sauf qu'à présent, le sacrifice est, parfois, dans l'échauffourée. La seule et mauvaise chose qu'aura introduite, « El Hadj », est ce semblant de professionnalisme qui ressemble à s'y méprendre au mercenariat.

L'exemple de plus accompli, étant le nomadisme des présidents de clubs qui louent leurs services au plus offrant. Le salaire moyen d'un footballeur dit professionnel, tourne autour 2.000.000 DA/mois, soit un peu plus de 100 fois le SNMG. Cet indécent brassage d'argent à fonds perdus, sans résultats probants, aurait mieux servi des causes justes telles que la lutte contre la précarité ou la maladie. Notre football national n'a-t-il pas acquis ses lettres noblesse dans sa pratique amateur ?.

Aussi considérons nous qu'il n'est plus permis, sous le couvert de l'emblème national et de galeries de supporters surexcités, de laisser trainer l'honneur du pays dans la boue. Le tord de ce bloggeur qui est condamné pour un script inconséquent sur son mur, n'est en rien comparable à celui qui est porté par ces énergumènes à toute une nation.