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Fin de parcours pour la CNLTD

par Abed Charef

La CNLTD a nourri beaucoup d'espoirs lors de sa création. Elle a aussi entretenu beaucoup d'illusions.

L'opposition fait-elle le bon choix en s'accrochant à la CNLTD et à son instance de coordination, l'ISCO ? Ne serait-il pas préférable pour elle, et pour le pays, d'admettre qu'elle est à la fin d'un cycle, et qu'il serait temps de passer à autre chose ?

A la veille d'une échéance électorale cruciale, l'opposition ne peut faire l'économie de ce débat. Même si elle n'est pas obligée d'arriver à la même conclusion que le président de Jil Jadid, Sofiane Djillali, qui tire à vue sur certains de ses anciens partenaires, elle doit néanmoins se poser des questions sur la viabilité de cette démarche, sur ses résultats, ses échecs et ses limites. Une expérience de trois années de travail collectif mérite bilan.

Ce qui ne signifie forcément pas que l'opposition était dans l'erreur. Bien au contraire, la CNLTD a constitué une avancée remarquable dans la vie politique du pays. Elle a montré que l'opposition pouvait se retrouver autour de démarches concrètes, indépendamment des orientations politiques des uns et des autres. C'était une avancée importante dans un pays où beaucoup pensent détenir la vérité, et où une divergence sur une question accessoire peut aboutir à une scission au sein d'un parti. De nombreux partenaires ont appris, au sein de la CNLTD, à discuter avec des anciens adversaires, à faire des compromis, sans pour autant céder sur leurs choix idéologiques fondamentaux.

Une réaction, non un projet

Ceci ne peut toutefois occulter les limites de la CNLTD, dont le principal relève du péché originel : la coordination n'a pas été créée pour imaginer un projet collectif ; elle est née par réaction au 4ème mandat. En ce sens, elle ne constituait pas un projet pour l'avenir ; c'était un aveu d'échec face au coup de force du pouvoir qui avait décidé de maintenir le président Abdelaziz Bouteflika malgré son état de santé.

Dès lors que la situation ainsi créée était dépassée, que ce grotesque 4ème mandat est devenu un fait accompli, la CNLTD s'est trouvée désemparée. Que faire face au pouvoir ? Maintenir une alliance avec une composante hétéroclite, en s'accrochant à un SMIG de revendications démocratiques, tout en se rendant compte que la CNLTD était incapable de peser sur le rapport de forces politique? Fallait-il tenter d'aller plus loin, en créant une véritable alliance électorale, quitte à céder sur certaines questions politiques et idéologiques ? Ou bien fallait-il ouvrir la porte pour que chacun reprenne ses billes, en attendant de prochaines échéances ?

Appétit politique

La CNLTD a réussi à maintenir une unité de façade, tant qu'il n'y avait pas de véritables enjeux. Mais les législatives de mai 2017 ont changé la donne. La perspective de marquer des points, de constituer une force visible au parlement, voire de participer au gouvernement, a sérieusement lézardé l'édifice.

Il est inutile d'évoquer le jeu du pouvoir, qui a appâté les uns et fait pression sur les autres pour les amener à participer aux législatives, les détachant de fait de la CNLTD. La question de fond est ailleurs : la survie de la CNLTD peut-elle apporter quelque chose à l'opposition et au pays ? Si des partis membres rejoignent le gouvernement, s'ils intègrent des alliances gouvernementales, à quoi servirait une instance supposée coordonner l'action de l'opposition ? Celle-ci risque de se transformer en club d'anciens amis coalisés contre le 4ème mandat, mais que tout sépare désormais. Autant mettre publiquement fin à l'expérience, avant de se retrouver dans une situation ubuesque où des partis membres de la CNLTD siégeraient au gouvernement et se mettraient ainsi à manger avec le loup tout en pleurant avec le berger.

Par ailleurs, la CNLTD devrait se voir signifier sa fin de mission pour une autre raison : elle a été incapable d'éviter un 4ème mandat, elle n'a pas réussi à inverser la tendance politique depuis, et elle ne semble pas en mesure de faire face à l'éventualité d'un cinquième mandat. Elle a été défaillante sur de nombreux points. Elle n'a pas su adopter les formes d'organisation adéquates ; elle n'a pas réussi à mobiliser l'opinion ; elle n'a pas non plus pesé sur la décision politique.

Plus grave encore, elle a développé un mode opératoire dont elle est devenue prisonnière. Ses membres se sont installés dans une sorte de rituels de fonctionnement qui constituent désormais la principale justification de l'existence de la CNLTD. Les réunions périodiques commencent à développer un côté folklorique. A l'approche de nouvelles échéances politiques, elles risquent de devenir le principal sujet d'intrigue et d'affrontement, occultant les sujets essentiels.

Sans aller jusqu'à adopter une position «complotiste», selon laquelle la CNLTD a permis de contenir la colère du 4ème mandat, il serait peut-être raisonnable d'admettre certaines évidences : la CNLTD a été un montage qui n'a pu dépasser ses propres limites. Il serait peut-être temps de mettre fin à son agonie. Au moins pour permettre une meilleure visibilité de la scène politique et d'éviter d'ennuyeuses prolongations.