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Le pantin de la fable

par Driss El Mejdoub

Loin d'être anodine, une information «non dits» attire l'attention. Une individualité ès qualités de l'administration fiscale décline d'une manière on ne peut plus polie et responsable l'invitation d'animer une conférence dans le cadre du cycle de débats mensuels organisés par un groupe social. Le fait n'est ni anodin ni un impair. Mais quel en est le message ?

Il nous renvoie plutôt à la fable du pantin. Vous est-il arrivé d'entendre parler de l'exploit d'un pantin ? Le dictionnaire nous apprend que le pantin n'est ni plus ni moins qu'une figurine en carton ou en bois qu'on manipule ou qu'on fait manipuler selon la guise ou la facture. Autrement dit, c'est un objet non doué de raison. Un pantin ne pense pas, ne réfléchit pas, ne voit pas, ne touche pas, ne parle pas. Enfin il ne ressent rien. Pourtant il arrive que les travailleurs de la terre, eux qui pensent, l'exploitent dans leurs champs pour faire peur aux prédateurs. Les velléitaires, pas tous, mais les prédateurs, ont un manque ; celui d'anticiper à leur avantage exclusif toute prolifération «dollarienne», celui de posséder davantage, de gagner très vite et sans effort, dans l'irrespect des règles et des lois de la République. Posez leur la question comment ? Ils diront qu'ils contribuent à l'expansion non pas de leur fortune mais à celle du PIB national. A les entendre, ils sont les mécènes de la richesse de l'Algérie et de la création de l'emploi. Ils ne disent pas comment ? Sauf qu'ils inversent les rôles.

A force de cultiver le dollar, ils créent le pantin riche mais expert. Ces velléitaires non satisfaits de la mission de leur premier pantin qui les a rassemblés lors de leur première survenue et qu'ils ont missionné jadis, de veiller sur leurs intérêts, décidèrent alors de le remercier pour services mal rendus. Pour cause que ce précepteur n'était pas suffisamment pantin. Et voilà qu'ils le remplacent par un vrai pantin. Un pantin sensé être plus pantin que le pantin. Ils font appel à leur science non pas exacte mais celle des sciences circonstancielles ; ils en abusent et s'octroient la faculté de faire d'un pantin, un humain ; autrement dit un pantin qui pense, qui parle et qui opère ; un pantin apte à la vocation politique mais «dollarienne». Un pantin qui sait faire patron de leurs audiences. Un pantin qui développe dans le discours inaugural (ils l'ont fait parler) à son intronisation, une promesse d'une croissance économique de l'ordre de 7 % et la création de 100 000 emplois.

Le pantin n'est ni Ministre ni membre d'un gouvernement. Entre temps le chômage avoisine nominalement les 11 %. Un discours adressé à un parterre où un bon nombre des membres de Gouvernement lui faisaient par leur présence, bonne audience. Ceux-ci croyaient fermement qu'il n'était pas pantin. Un ministre de l'économie (que nous n'avons pas) ou des Finances dont c'est la prérogative, n'aurait pas dit mieux. C'est de la fiction que nait l'exploit. Mais c'est aussi le verbe des prédateurs. Un des exploits acquis dans l'expérience d'avoir commis de faire jouer à une espèce rare, un «guelaili», sans QI avéré, ni même la qualité historique et les vertus des dinosauriens à l'origine de novembre 1954 et de juillet 1962, membres de la noble caste, un rôle où ce «guelaili», inconnu mais intronisé devint guide évocateur de leur gent. Le pantin comme le «guelaili» étaient heureux de se trouver costumés sur mesure et de se croire appartenir à l'espèce humaine douée de raison en charge d'un devenir politique, économique et social de leur pays. Ils avaient omis de se situer en 2016. Entretemps le «Guelaili» conscient de son état et de sa nature humaine, a subtilement disparu. En 2016 leur pays est outillé de professeurs, de penseurs, d'experts, de docteurs et d'ingénieurs toutes spécialités recherchées, de politologues, de médecins, de fellahs, d'imams, d'étudiants, d'entrepreneurs, d'industriels, d'hommes d'affaires, d'entraineurs, d'«alphabètes», de chômeurs, de moins chômeurs,? Sauf que tous réfléchissent et pensent. Ils ne sont pas pantins. Tellement ils réfléchissent, tellement ils pensent, qu'ils ont la conviction de ne pas être pantins. Ils ne demandent qu'à travailler. Ils doivent travailler parce qu'ils ne sont ni millionnaires en euros ni milliardaires en dollars et encore moins en dinars. Ils exercent leur métier. Ils savent par ailleurs qu'ils n'ont pas vocation pour être ministre ou chef de gouvernement. Le pantin, lui s'est mis à croire qu'il est plus que ministre ou chef des ministres.

Ceux qui ne sont pas pantins ont de la très haute considération pour le ministre, pour le chef de gouvernement, pour le ministre des affaires étrangères ou pour tout autre ministre membre d'un gouvernement. Pourquoi ? Parce qu'ils ne sont pas pantins. A tel point qu'ils savent qu'ils n'ont que ce qu'ils peuvent. Ce qu'ils peuvent c'est l'exercice de leurs métiers respectifs. Ce que le pantin ne sait pas et que les êtres pensants savent c'est qu'être ministre des finances, ministre de l'industrie, diplomate ou ministre des affaires étrangères? est une habilitation consacrée. Etre habilité n'est pas pantin mais c'est le chemin le plus long pour partir d'un point A et atteindre le point B. Ces habilités ne diront jamais : «Halte à la politique économique dans un seul sens de la France envers l'Algérie». «L'exploitation du réservoir algérien ne se fera pas par la France seule, et il ne serait réalisable qu'à travers l'implication et l'association réelle des Algériens. Vous ne pouvez pas le faire seuls. Nous avons un savoir-faire dans tous les secteurs à savoir le secteur sécuritaire, formation et autres». Le «Vous» est un auditoire étranger de la haute virtuosité économique dominante dans le système non algérien qui n'est pas celui du pantin mais qui n'attend que l'orphéon pour nuire. Le pantin devient alors porte parole non pas des velléitaires mais des Algériens. Il devient expert et s'aventure à l'évaluation du «sécuritaire», de la «formation» et des «autres». Une prise de parole devant un auditoire n'est pas un privilège mais l'expression d'une contribution circonscrite dans l'objet de la rencontre. Oui un ministre ou un chef des ministres pense et peut s'adresser à un auditoire. Il a le verbe de la fonction et de l'habilitation qui sont les siennes. Un ministre et un chef des ministres savent jusqu'où leurs prérogatives ne leur permettent pas d'aller.

En plus de leurs langues nationales mais héritiers de leurs ainés, acteurs d'Evian, ils maitrisent leur moisson, la langue de Molière et la diplomatie qu'elle implique. Ils appréhendent mal l'amateurisme et l'improvisation qu'ils relèguent sans intention au pantin. Ils savent que le chameau ne peut devenir dromadaire ; Combien même on lui ôterait chirurgicalement une bosse il se régénérerait en un camélidé à deux bosses. Mais le pantin de la fable n'est ni chameau ni dromadaire. Il a la forme d'humain comme nous tous sauf qu'il n'est pas omnivore. Son régime nutritif le prédispose à un comportement de prédateur influencé vers les convenances obscures et incompréhensibles. Une espèce rare inconnue dans le continent africain. A tel point que les africains mus par cette curiosité rare se sont donné le mot pour se réunir chez le pantin et en connaitre le mode d'alimentation dont il se nourrit. Ils sont encouragés par les vrais promoteurs, initiateurs expérimentés dans ce type d'initiatives multinationales louables et opportunes. Très vite ils se rendent compte que leur rencontre qui se voulait marquante, brillait par un amateurisme où le pantin se voulait jouer le premier rôle aux dépens des vrais promoteurs. Le pantin oubliait que sans la bénédiction de ces promoteurs, les Africains se seraient désintéressés de se déplacer vers lui et lui concéder leur attention. Parce qu'ils savent que le Pays, où s'épointe le pantin, a en toutes circonstances confirmé son savoir avant-gardiste africain notamment au niveau diplomatique. Et voilà que le pantin commet l'autre exploit de faire dans l'ignorance des préalables qu'auraient du lui dicter la règle de ne pas être pantin. Mais comme le pantin ne pouvant rétrocéder sa nature, il finira par commettre d'autres exploits tellement la confusion entre le pouvoir et le dollar le déguise. Les dinosaures, gardiens du temple de l'histoire, savent prévenir que de tels exploits abiment l'adhésion à l'autorité de leur chef. Leur chef refuse l'amateurisme et les accrocs particulièrement protocolaires. Il est le seul à habiliter et à déshabiliter dans l'exercice de la gouvernance. A qui sait lire, la morale du «non dit» est probablement le message transmis par l'individualité es qualité. Administration fiscale.