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Conférence d'Astana: Ryadh en embuscade

par Kharroubi Habib

C'est au constat que les conférences de Genève sur la Syrie réunies sous l'égide de l'ONU ont échoué parce que menées du côté de l'opposition par des acteurs totalement déconnectés des réalités sur le terrain que les parrains russes, turcs et iraniens de celle d'Astana ont fait le choix d'y convier pour parler au nom de cette opposition des chefs rebelles parfaitement imprégnés de celles-ci.

Leur démarche est d'autant plus conséquente qu'ils n'assignent pas à la conférence d'Astana l'objectif de réaliser un accord politique qui mettrait fin au conflit syrien mais celui de consolider le cessez-le-feu en vigueur accepté par les groupes armés et le gouvernement de Damas. Moscou, Ankara et Téhéran ont considéré à bon escient que la participation des chefs militaires de la rébellion au processus de négociation est en mesure de faire avancer celui-ci. Ce qui n'avait pas été possible à Genève en raison que les représentants politiques de l'opposition syrienne se sont avérés conditionnés et contraints de se référer pour tous les points en débat à leurs parrains occidentaux et arabes du Golfe.

Les initiateurs de la conférence d'Astana se sont d'ailleurs gardés d'impliquer ces derniers aux pourparlers et tractations auxquels sa préparation a donné lieu. Il reste néanmoins à savoir si les chefs militaires qui vont être présents à Astana sont réellement non dépendants des agendas des pays qui portent à bout de bras leurs groupes armés en leur dispensant finance et armement. L'aspect encourageant intervenu dans le conflit syrien avec la conclusion de l'accord de cessez-le-feu négocié sous l'égide de la Russie, de la Turquie et de l'Iran est que les factions l'ayant approuvé en respectent globalement les clauses malgré que l'instauration de la trêve n'est pas ce que veulent certains des parrains de la rébellion armée.

Moscou, Ankara et Téhéran sont conscients qu'un accord politique pour le conflit syrien n'est pas un objectif qui dépend de leur seule volonté tant il existe d'autre parties qui y sont impliquées et ne pouvant être totalement exclues de sa négociation. C'est pourquoi ils n'ont pas fait de la conférence d'Astana un substitut à celle de Genève mais une conférence destinée à créer les conditions les plus propices à la reprise de celle-ci et surtout à priver les partisans étrangers de la solution militaire au conflit syrien des arguments qui leur ont permis d'avoir sous leur influence ses protagonistes du côté de l'opposition anti-régime.

L'Arabie saoudite qui en est la plus acharnée redoute qu'Astana produise ce scénario qui contrecarre ses desseins pour la Syrie. Raison pour laquelle sous prétexte d'une intensification de la lutte contre l'organisation terroriste autoproclamée Etat islamique, elle remet sur le tapis le projet d'une intervention militaire de la coalition qu'elle a montée et dirige et dont les Etats membres ont en commun d'être plus anti-régime syrien que voulant l'extinction des groupes terroristes qui le combattent. C'est par conséquent de Ryadh que viendront les embûches par lesquelles il serait tenté de faire capoter le processus de négociation qui va s'ouvrir à Astana dans quelques jours.