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De quoi sommes-nous les héritiers ?

par Arezki Derguini

C'est faute de ne pas avoir accueilli cette question, de        l'avoir évacuée, ou plus          précisément qu'une minorité se la soit réservée, qu'une vie politique normale ne trouve pas ses marques, que la démocratie n'arrive pas à apporter les réponses qui la confortent.

Réversibilité et irréversibilité du processus de centralisation

Maintenant qu'il ne s'agit plus comme de protéger et de jouir des fruits de la révolution, mais d'aider les forces productives à entretenir un État de droit ; maintenant que l'État s'apprête à quitter, à son corps défendant, le centre de l'activité sociale et qu'il s'agira de se focaliser davantage sur les problèmes de la société, il faudrait peut-être envisager une autre configuration des forces sociales et politiques qui puissent permettre et encourager l'implication de la société dans une telle prise en charge.

Ce qui peut paraître difficile tant cela semble venir à contre-courant du mouvement antérieur de centralisation du pouvoir. Et pourtant faute d'y parvenir, c'est au chaos que nous risquons d'être livrés.

Tout se passe comme si le mouvement de centralisation du pouvoir qui aurait dû servir à consolider le pouvoir de la société militaire en développant celui d'une nouvelle société civile de sorte à mettre l'économie au cœur de la dynamique du pouvoir et de manière à ce que le processus de centralisation ne puisse pas s'inverser[1], n'ait abouti qu'à une différenciation superficielle du pouvoir pour s'être opposé à une différenciation sociale réelle et à une pluralisation du pouvoir[2]. Ce qui s'est exprimé dans la formation de revenus et de patrimoines divers, mais pas dans celle de capitaux[3]. La différenciation n'ayant pu porter la centralisation jusqu'à un point de non-retour, avec l'émergence d'une société civile performante et une source de financement pérenne, nous pourrions être exposés à une inversion du processus de centralisation à moins que ne se mette en place rapidement un processus de ré ancrage de l'économie dans l'activité sociale par lequel la société pourrait se réapproprier les capacités de subvenir à ses besoins et de développer ses capitaux. Pour sa perpétuation le pouvoir doit s'engager dans une réforme radicale qui recentre les rapports desdites sociétés civile et militaire, afin de donner les bases et les cadres adéquats à une différenciation sociale effective et justifiée dont les ressources puissent être en mesure de porter un État de droit.

Recadrer le pouvoir politique

À partir de cette problématique et concernant le plan politique, à la veille de nouvelles élections, je veux ici soutenir l'hypothèse qu'une autre distribution des rapports entre les différentes organisations sociales et politiques peut être un bon point de départ pour amorcer le recentrage sur l'activité de la société[4]. Au cadrage « sectoriel », il faudra grosso modo, substituer un cadrage territorial de sorte premièrement à établir une autre comptabilité sociale et deuxièmement de façon à sortir des différents compartimentages sociaux et politiques qui ont résulté de l'ancienne organisation politique. C'est la meilleure façon, il me semble, de rendre à la société ses organisations et de sortir des différents corporatismes qui stérilise la dynamique sociale aujourd'hui. J'entends par cadrage sectoriel, cette propension de l'État à ne voir dans la société que des individus abstraits caractérisés par des besoins identiques que l'État à la charge de satisfaire. La passivité de la société est ici totale sinon pour infléchir à son avantage la distribution des biens. Le cadrage territorial devrait porter à la mesure de la société la définition des besoins, des moyens, des fins et leurs ajustements. Une telle démarche s'oppose à une simple démarche de retrait de l'État au profit du marché, à laquelle il serait tenté parce qu'apparemment plus facile à gérer. Il reviendrait à la société, pas au seul marché et non plus au seul État, de définir et d'ajuster les besoins, les moyens et les fins.

La construction démocratique du pouvoir

Le pouvoir a la possibilité et le devoir de signifier à la population la démarche adéquate pour venir à bout de la crise et construire l'État de droit à partir de ses ressources. Si l'État de droit a souvent construit ses fondations à une époque absolutiste, s'il a par le passé précédé la démocratie, il faut soutenir aujourd'hui que la construction de l'État de droit ne peut plus être qu'une construction démocratique[5], simplement parce que nous sommes aujourd'hui dans des temps démocratiques. Si par le passé un type de ressources et des types de besoins ont autorisé une certaine administration de la société, il faut voir qu'il ne peut plus en être de même avec la raréfaction de ce type de ressources et la diversification des besoins sociaux. Il faut, dans la terminologie du professeur Abdellatif Benachenhou, de nouvelles ressources, qui ne peuvent être obtenues, ni allouées, ni utilisées comme les anciennes. Nous avons du mal à voir « l'Etat » descendre du piédestal où il s'est établi et la manière dont nous pourrions lui éviter une chute.

Etats faillis, anciennes et nouvelles sociétés étatiques

À la lumière de la faillite d'un certain nombre d'Etats, on entend souvent opposer aujourd'hui les sociétés dont l'Etat est récent, superficiel, à celles dont il est ancien, profond. Ainsi voit-on des classements apparaître qui distribuent les États de la région Moyen-Orient Afrique du Nord entre futurs États faillis et autres États dont l'ancienneté est un gage. On classe ainsi l'Arabie saoudite et l'Algérie dans la première espèce, la Turquie, l'Iran et l'Égypte dans la seconde. On ne peut contester le fait que les sociétés qui entretiennent un Etat depuis longtemps ont certainement plus de ressources pour le préserver et moins de raisons de s'en défaire que celles qui entretiennent un Etat depuis peu et qu'elles ont probablement importé. Notre thèse concerne donc ces dernières sociétés : développer des ressources nécessaires à l'État de droit, attacher la société à un tel état ne peut être mieux assuré que par une société qui adhère fermement au projet de construire ses rapports sur le droit. Des politistes nombreux osent penser aujourd'hui, que pour ces sociétés qui ne pourraient pas s'élever à une régulation pacifique, la dictature ne serait pas pire que le chaos. On oublie trop facilement que ce dernier état est le résultat d'une politique de « socialisation par le haut » qui vise à imposer à ces sociétés un État dont elles ne seraient pas « propriétaires »[6], plutôt qu'une politique d'un monde qui aurait voulu les accompagner dans l'édification de leurs propres constructions sociales et étatiques, dans l'élaboration de leur propre façon de mettre au point leurs convergences, de venir à bout de leurs différends et conflits afin de réussir une pacifique intégration internationale. On oublie aussi qu'imposer une dictature à une société n'est plus ce que c'était.

Élites révolutionnaires et souci étatique

La vie économique, le pouvoir ayant donc tendance à se différencier, à se pluraliser en se développant, il conviendrait que la vie politique serve un tel mouvement afin qu'il conserve quelque unité à la vie sociale et quelque autonomie à la décision politique. Et cela donnerait davantage de crédibilité sociale à l'intérêt et à la réussite d'une telle pluralisation. Bien entendu un tel mouvement contrariera certains intérêts incapables de nouveaux ancrages sociaux et de nouvelles insertions internationales. On aura compris que le pouvoir politique devra être convaincu de la nécessité d'un tel mouvement, sans quoi il sera le premier à s'y opposer. Que certains ne soient pas choqués que l'on puisse ainsi interpeller le pouvoir. Nous entendons par pouvoir politique cette autorité redoublée par la force militaire que la guerre de libération a portée à la direction de la société. On peut dire que cette autorité est fortement attachée à la pérennité de l'État algérien qui constitue comme son angoisse existentielle[7]. Elle doit être convaincue que la continuité de l'État est aujourd'hui indissociable d'une certaine implication de la société, car ne pouvant plus être garantie par de pures ressources étatiques. Croire que l'on pourra extraire des ressources sans le consentement de la société c'est ne pas voir le chaos là où il se profile. Comme le soutiennent Acemoglu et Robinson, la croissance a besoin d'institutions inclusives pour produire les ressources d'une perpétuation de l'État de droit, les institutions extractives n'ayant pu que produire une croissance temporaire.

L'économie n'est plus en mesure de faire seule la cohésion sociale.

Qu'est-ce qui sépare la crise actuelle de la crise que nous avons connue dans les années quatre-vingt-dix ? La crise mondiale actuelle met aux prises, de manière plus prononcée, un esprit du temps démocratique avec un cadrage politique et une régulation économique qui ne sont plus en mesure de satisfaire les besoins qu'il a libérés[8]. L'écart entre ce que chaque société peut et ce qu'elle veut ne cesse de s'accroître. Les inégalités s'élargissent ou précarisent la structure de l'emploi au sein des anciens pays industriels, elles se sont resserrées temporairement ( ?) au sein des pays émergents et elles explosent la cohésion sociale chez ceux qui n'ont pu les tenir. À l'intérieur de l'Europe, le peuple grec ne peut plus exercer sa souveraineté. Il reste qu'il a perdu sa souveraineté au sein de l'Europe où il subit la loi de ses créanciers, les banques allemandes et françaises, mais non pas un chaos. Tout se passe comme si l'économie (l'État qui n'est plus soutenu par le marché) n'était plus en mesure de faire la cohésion sociale. On oublie ici trop souvent que la nation de l'État-nation des temps modernes a procédé du caractère national de l'industrie et du marché.

D'une manière générale, la cohésion sociale est soumise à une double épreuve : la « socialisation par le haut » est soumise à celle de la globalisation, des nouvelles révolutions industrielles qui la portent et de la nouvelle compétition internationale qui l'anime ; la « socialisation par le bas » quant à elle est menacée par l'explosion des besoins sociaux.

De ce fait, en fonction de leur rapport à l'économie, les sociétés risquent d'être distribuées en trois types : les démocraties où les sociétés auront réussi à maintenir une certaine cohésion sociale et une décision politique démocratique parce qu'elles seront arrivées à établir un bon rapport avec l'économie globalisée; les dictatures (mêmes douces) où les sociétés auront accepté de subir et de suivre la discipline des vainqueurs de la compétition pour conserver une certaine cohésion interne et externe ; et enfin les sociétés chaotiques que nulle discipline n'aura pu intégrer.

Pour ce qui nous concerne, ce qui a changé entre les deux crises ce sont les nouvelles conditions d'existence de la dictature, tout se passe comme si seuls les anciens États pouvaient disposer des ressources matérielles et symboliques en mesure de la pratiquer. L'esprit du temps et la répartition des ressources exposent les nations fragiles à de grandes déflagrations. Il importe donc de savoir dans quel genre de société sommes-nous prêts à nous (pro)jeter. Signalons que compter aujourd'hui sur la privatisation pour construire la cohésion sociale consiste à choisir de se déchirer et de tomber dans la troisième classe de société.

Les nouvelles fonctions du débat politique

Construire des majorités sociales et politiques

Pour mobiliser les ressources de la société dans la construction de l'État de droit, à partir d'un cadre qui l'en avait exclue, autrement dit l'impliquer dans un cadre moins asymétrique, il s'agirait de commencer par présenter une autre vitrine démocratique grâce à laquelle un meilleur accueil pourrait être fait au débat politique. Une telle modification viserait à faire jouer au débat politique la fonction de construction des majorités sociales et politiques, autrement dit à faire remonter les vrais différends entre les Algériens pour fabriquer les vrais accords sur lesquels reposerait la maison Algérie. Vrais, ici signifiant en particulier des modalités de construction maîtrisées, explicitant la manière dont ils ont été obtenus, par qui et pour quoi.

Faire émerger de nouvelles élites ?

Il s'agirait alors d'accorder à chaque représentation un quota qui consacrerait une certaine symétrie entre les différentes représentations de sorte qu'il puisse y avoir un débat réel et la composition de majorités expressives. Il ne s'agirait pas encore de représenter convenablement la société, mais de recentrer le débat autour de ses intérêts réels et de manifester une nouvelle volonté du pouvoir supposant une autre approche de la société faisant davantage appel à une « socialisation par le bas ». La production de nouvelles élites au sein de la société et non pas seulement au sein de la classe politique, pourrait en être la motivation.

? qu'accepteraient les anciennes ?

Car comment imaginer aujourd'hui l'émergence d'une élite dans laquelle la société s'identifierait sans que la société dominante n'est manifestée son intention de ne plus en être l'unique représentation ? L'émergence d'une telle élite comme production consentie de la société a été combattue parce que l'on craignait qu'elle reproduise les asymétries de pouvoir de la période coloniale. Aujourd'hui une telle crainte ne peut plus être justifiée, la répartition du capital culturel et économique ayant été très largement modifiée. Le capital politique ne peut plus être utilisé à contenir la différenciation sociale et à combattre l'émergence de tels capitaux au risque de s'épuiser. Pour se régénérer, il a besoin de leur contribution.

On ne peut imaginer l'émergence d'une nouvelle élite à partir du néant, du désert politique que la dictature a entretenu[9]. Un refus de la société dominante à prendre part à une telle émergence lui fera perdre le capital politique qu'elle n'aura pu transmettre et ne pourrait conduire qu'à un profond affaiblissement des capacités de la société à faire face aux défis qui menacent sa cohésion. Car il faut considérer le capital politique non comme la propriété privée d'une aristocratie particulière, mais comme celui qu'elle tient de la société tout entière, ce qui en fait l' « aristocratie » d'une société particulière. La société s'identifie à une élite qui elle-même se reconnaît dans un combat de la société. On a tort de penser que la légitimité que des élections peuvent donner à une société dirigeante, lui suffira pour faire d'elle une élite et des populations une société. Il faut penser qu'un crédit accordé par les élections s'effriterait au moindre choc extérieur. Les légitimités démocratiques héritent toujours de légitimités historiques, on a donc tort de l'oublier ou pire, de les opposer.

? et qu'il ne faudrait pas surinvestir

Ce désert politique que l'on imputerait à des décennies de dictature politique ne doit pas nous faire oublier ces autres handicaps que constituent la pauvreté de la pensée politique actuelle et la faiblesse de la dynamique sociale qui doivent définir et porter cette élite[10]. On ne peut en effet imaginer de nouvelle élite qui ne projetterait pas la société dans un certain avenir et ne gagnerait pas l'adhésion de la société. Il faut un certain courage politique pour imaginer et défendre un futur qui ne se donne pas facilement à lire et ne soit pas de pure consommation. Les débats autour du projet de société font cruellement défaut, il y a même un certain détournement à leurs égards, quand ils ne prennent pas une certaine tournure perverse. Sur cette question, on patine et le monde se divise. Il y a comme une peur du futur qui fait que l'on aurait tendance à détourner le regard ou à essayer de le conjurer par de faux substituts[11]. Les optimistes sont souvent attachés à des intérêts particuliers non représentatifs. Il faudrait donc être très modeste sur ce sujet crucial d'une nouvelle élite pour conduire le changement. Ne pas trop se projeter en avant, pour faire porter l'échec sur autrui, mais suivre une démarche mesurée et assurée des petits pas impliquant chacun.

Faire confiance à la société ?

La transformation de la seule façade politique ne pouvant être qu'une amorce, il faut penser à d'autres types de dynamisation de la vie politique au travers de nouvelles formes de participation. Le monde fournit de nombreux instruments : primaires, tirages au sort, mobilisations en ligne, budgets participatifs, sondages délibératifs, etc.. On peut instruire nos expérimentations des expériences étrangères, du Brésil à propos du budget participatif, de la mobilisation des quartiers aux États-Unis avec le modèle des Community Organizing, de l'expérience islandaise et d'autres encore en matière de démocratie délibérative et du recours aux outils numériques. Mais il faut surtout expérimenter et rendre à la société la confiance en elle-même et en ses capacités de se réformer. Car ce qui est le plus grave n'est pas de se tromper, mais de ne pas pouvoir se corriger.

? et au pouvoir

And last but not least, il faudrait enfin que la société fasse confiance au pouvoir, après des décennies de discipline qui ont visé à dispersé les forces sociales plutôt qu'à les faire entrer en congruence. Le terrain politique et associatif a été complètement miné par l'État profond, j'ai parlé dans un texte précédent de dictature par le bas. Alors que l'Etat-DRS a combattu jusqu'ici toutes les formes d'autonomisation de l'organisation sociale, il faudrait qu'il mette les abondantes ressources dont il dispose encore dans une activité toute contraire de clarification des intérêts sociaux et de leur mise en cohérence. Il lui faudrait un autre programme qui rende possible sa réversion dans des activités productives et que le cadrage territorial plutôt que sectoriel pourrait rendre possible. Sans quoi, construire une nouvelle vitrine politique pour que puissent émerger de réels débats publics ne pourrait aller au-delà du divertissement.

Notes :

[1] Je crois bien que c'est ce que l'on a pu observer pour les anciennes démocraties : de la féodalité à la monarchie par lequel s'engage le processus de centralisation puis de la monarchie aux centres urbains par lequel se prolonge et se différencie le processus de centralisation (villes bourgeoises et cités industrielles).

[2] Pour Acemoglu et Robinson (la faillite des nations, 2012), dit brièvement, centralisation et pluralisme sont les conditions d'une croissance durable.

[3] A. Benachenhou (2015), Algérie, sortir de la crise. Entendons par capitaux le sens premier que l'on pourrait obtenir de la définition du capital de P. Bourdieu : les armes de la compétition.

[4] J'ai soutenu ailleurs qu'à terme la démocratie devra avoir remis en cause l'asymétrie de pouvoir entre l'Etat et la société. Voir par exemple Asymétries, migrations et conflictualités le QO du 04.06.2015.

[5] Le cas américain qui confia des charges régaliennes à des fonctions électives en avait déjà donné un exemple. Ce que nous empêche de voir notre imprégnation du modèle français qui conçoit la société comme une construction de l'État.

[6] Voir la thèse inspirée de Max Weber sur la patrimonialisation de l'État. Les sociétés non démocratiques souffriraient d'une privatisation de l'État, à l'image des sociétés étatiques précapitalistes. Le défaut d'une telle thèse est de présupposer l'État à la privatisation, alors que l'Etat a été d'abord patrimonial avant d'être Etat (de droit) tout simplement. Domaine du roi au départ, il deviendra l'administration de la société tout entière ensuite. À l'image de la démarche durkheimienne, dans une telle thèse, l'État comme la société sont présupposés. Ils sont des constructions historiques certes, mais comme des abstractions ayant pris corps dans une société. En fait, pour les puissances extérieures, face à des États faillis, il s'agit simplement de donner la propriété d'un État à une autorité, une personne ou une force armée, qu'importe, afin d'accéder à l'appropriation des ressources de son territoire, appropriation qui constituera son mode d'intégration à l'ordre international. On peut supposer que dans le contexte de la crise mondiale, il s'agit d'y accéder au moindre coût ou d'en empêcher l'accès à autrui et non de procéder à la construction d'un État de droit à partir d'un état tribal plutôt que patrimonial comme avec l'histoire européenne.

[7] Cette angoisse n'a pu être que provisoirement évacuée par une période de vaches grasses. Mais c'est à cette aune que seront jugés les héritiers de la révolution devant le tribunal de l'histoire : quel Etat avez-vous légué ?

[8] Selon Bruno Latour le « déni de la mutation climatique est crucial pour dissimuler ce qu'aurait eu de scandaleux l'aveu public du renoncement à l'idéal d'un monde moderne universel pour tous les habitants. En théorie, rien n'a changé : « Fonçons vers la globalisation ! » En pratique tout a changé : « On ne partage plus rien puisqu'il n'y aura pas de planète assez large pour tout le monde ». in « L'Europe seule ? seule l'Europe » http://www.bruno-latour.fr/node/712

[9] Il fut un temps où le terme de dictature n'avait pas une si mauvaise presse. À la dictature de la bourgeoisie, on opposait celle du prolétariat. De surcroît, dans l'histoire humaine, la « dictature » d'une oligarchie dispute régulièrement le pouvoir au gouvernement du peuple ou d'une aristocratie (Aristote).

[10] Où sont les villes, les bourgeoisies et les cités ouvrières qui portèrent les révolutions démocratiques ? En comparaison, on a gavé la société à la consommation afin de neutraliser ses velléités d'autodétermination.

[11] Bruno Latour Ibid.