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Choix cornéliens

par Moncef Wafi

Les prévisions de la Banque mondiale, même ajustées, laissent peu de place au doute quant au choc financier qui attend l'Algérie en 2018. Si pour 2015 et 2016 l'économie nationale a paru tenir le coup après l'effondrement des prix du pétrole grâce notamment au bas de laine du Trésor public, il en sera autrement pour l'année prochaine malgré la stabilisation, somme toute relative, du marché pétrolier. Des prévisions pessimistes qui devront faire encore plus mal aux Algériens déjà en butte à des augmentations spéculatives nonobstant les assurances gouvernementales. De cette optique prévisionnelle découle le reste. Entre politique sociale et réformes structurelles dictées par le FMI et la BM, l'Algérie doit choisir.

A priori, la balance penche vers la paix sociale, mais seulement en apparence puisque, et hormis quelques produits toujours conventionnés, tous les secteurs sont contaminés par la loi de finances 2017. Les conséquences sont rappelées par l'institution de Bretton Woods, soit hypothéquer les investissements directs étrangers en renonçant à ces réformes, soit être en guerre ouverte avec sa rue si les ajustements sont menés au forceps. Et c'est là qu'intervient justement le fragile équilibre entre réforme et sauvegarde des acquis sociaux. Une frontière que le gouvernement dans ses décisions aussi arbitraires qu'hasardeuses n'a pas réussi à tracer, alimentant la grogne sociale et semant les graines d'une riposte populaire qui précipitera le pays dans les bras du chaos.

Les Algériens sont conscients de la dangerosité de la dictature de la rue mais à force de les pousser à bout, le risque d'un dérapage généralisé est à redouter plus que tout. Le juste équilibre entre les deux options est cet enjeu crucial au centre d'une gouvernance tatillonne incapable, jusqu'à lors, de résoudre les problèmes des Algériens. Cette absence de l'Etat sur le terrain, sa disposition à faire des concessions malvenues et surtout l'émergence d'une faune d'affairistes qui bradent les richesses du pays sous couvert politique est ce qui fait le plus mal au citoyen.

Les Algériens peuvent aisément se passer de banane mais pas de pain ni de lait. Ils peuvent faire l'impasse sur un ou deux pleins de carburant par mois mais pas sur le ticket du bus. Ils peuvent concevoir de faire des sacrifices pour le bien de l'Algérie mais pas au détriment de la justice sociale. Parce qu'il s'agit de justice, un acquis social par excellence, et non d'une paix vendue par concomitance par le pouvoir en place. A force, le patriotisme risque de s'effilocher face à une prédation des biens non de l'Etat mais du citoyen.