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Quelques raisons qui font que nous ne pouvons pas décoller scientifiquement

par Ali Derbala*

«Aucune autorité n'étant infaillible, c'est par la délibération publique que la société peut espérer avancer». Karl Popper

Il doit y avoir une raison pour que les mondes occidental et oriental de la Russie et de la Chine aient acquis la prospérité et la puissance. Est-ce la paresse seule expliquerait les pauvretés matérielle et intellectuelle dans un pays riche comme le nôtre ? Il nous faut de nouveaux algériens, des hommes qui travailleraient beaucoup. Popper est un philosophe des sciences du XXe siècle. Il considère que l'Etat est nécessaire même s'il faut s'en méfier, et où le réformisme se doit d'être prudent. Une théorie qui prétend parler du monde doit pouvoir être confirmée ou infirmée par l'expérience. Le débat contradictoire et la méthode des hypothèses audacieuses et multiples constituent le centre de la conception qui voit dans la « coopération amicalement hostile des chercheurs et savants » le ressort du progrès des connaissances. Dans le cadre institutionnel de la démocratie représentative, les dirigeants peuvent être remplacés sans violence. Il reconnait que même si l'Etat minimal était un bon idéal, une certaine « dose » de paternalisme était compatible avec l'Etat où la promotion d'un gouvernement par la discussion ou un gouvernement à capacité d'accepter les compromis est faite.

1. De la vie universitaire

« Il n'y a que les paresseux qui vont à l'école », ce slogan connu dans les milieux bas et moyen de notre société se confirme toujours. Etudiants et enseignants, nos universitaires sont mous, indifférents, ils se laissent dominer par les circonstances. On sent un manque de dynamisme d'énergie, une absence de but à atteindre. Des enseignants universitaires de grade maîtres de conférences ou professeurs, tenus de dispenser que des cours magistraux, ne doivent en aucun cas assurer les travaux pratiques ou les travaux dirigés. Dans la période de crise que nous traversons en matière de personnel enseignant, il semble bien plus sage et plus économique d'utiliser chaque enseignant, à la fois le plus efficace et le plus compétent, à sa place et à son grade, Les étudiants doivent savoir que leur devoir est de rayonner dans le pays entier et non de s'installer confortablement dans quelques universités. Il faut progresser par étapes. Un étudiant ne peut pas passer sans transition de son lycée à l'université scientifique.

Il doit revoir les cours du lycée qu'il a quitté et tout réapprendre tout seul, énoncés et démonstrations de théorèmes. Ce serait une tromperie de jouer un rôle d'étudiant pour lequel il n'est pas né. Le slogan de nos étudiants doit être : « Tout problème possède une solution?Trouvez- la ». Il faut susciter chez l'étudiant le goût de la recherche, lui développer le sens de l'initiative, l'obliger à l'ordre et aux soins, l'habituer à la fréquentation des bibliothèques. Il lui faut de la confiance et de la joie dans les laboratoires et le travail.

2. La fonction administrative universitaire

Elle exige, elle aussi, des connaissances techniques particulières. C'est une évidence qu'on oublie trop souvent. L'exécution de ces tâches demande précision et efficacité. Une organisation rationnelle, un équipement technique à la mesure des exigences de notre temps, sont les conditions nécessaires d'un bon fonctionnement des services administratifs. Le problème principal reste celui du recrutement. La gabegie, le despotisme, le népotisme ont fait qu'on recrute de la même famille, de la même tribu, du même douar, de la même wilaya que le responsable chargé du recrutement ou de l'autorité administrative. Il faut une réforme de l'administration où les fonctionnaires soient conscients de leurs rôles et doivent être avant tout humains, et non des machines infernales à écraser l'administré. Dans une relation université-industrie, l'université ne doit pas penser qu'elle sera le partenaire perdant. L'industrie oriente l'université, lui dise quelles recherches opérer, quels hommes former. L'université doit aussi infiltrer l'industrie pour l'orienter peu à peu, en fonction de l'avancement des travaux de recherche et des découvertes ou de résolutions. Les universitaires doivent intervenir dans les divers départements d'un gouvernement, dans les divers plans d'équipement de la nation. Il ne s'agit point pour l'université de s'asservir, mais de conquérir. L'université doit veiller à son autonomie. L'usine et l'administration ne doivent pas former elles-mêmes leurs cadres, mais donner aux cadres formés par l'université le rapide apprentissage ultime qui ne se fait et ne se fera jamais que sur le chantier ou à l'administration.

3. Entraves à la bonne marche des laboratoires de recherche

A Pyongyang, être responsable d'une atteinte à l'honneur de la communauté scientifique était puni de la peine capitale [1, p.504]. Cette communauté Nord-Coréenne a pu croiser le « fer » avec la plus grande puissance du monde actuel, les USA. Elle a développé l'arme atomique, l'arme de dissuasion. L'austérité signifie pour nous, contrôle rigoureux des dépenses de l'état, suppression du gaspillage et de la dilapidation des deniers publics. Un contrôle des bons de commandes de matériels de laboratoire ne doit être en aucun cas un frein à la bonne marche du laboratoire. Par des truchements bureaucratiques et des entraves à la bonne marche des laboratoires, des budgets de fonctionnement conséquents ne sont pas consommés. Des chercheurs n'arrivent même pas à puiser de ces budgets et cela depuis au moins huit années. Un directeur de laboratoire doit subir des contrôles « a posteriori ». Selon la réglementation en vigueur deux contrôles après exécution du budget sont prévus dans le système financier algérien : celui de la cour des comptes et celui du parlement. Quelle joie de travail peut-on offrir aux chercheurs ? A notre humble avis, abandonner ou mettre un directeur de laboratoire à la disposition d'un agent de la comptabilité, de grade très subalterne, n'est pas du respect pour les enseignants chercheurs de l'Université. Les capacités humaines sont la matière la plus précieuse, qu'il est injuste et insensé de gaspiller. Pour retenir les enseignants chercheurs, les détourner de l'intention omni présente et impérieuse de l'Etranger, il faut leur donner des satisfactions professionnelles. Louis de Broglie [02], un éminent physicien français, l'a prédit : « A mesure que l'organisation de la recherche devient plus rigide, le danger augmente que les idées nouvelles et fécondes ne puissent pas se développer librement. Il s'appesantit sur la recherche et sur l'enseignement scientifique le poids des structures administratives et des préoccupations financières qui est la lourde armature des réglementations et des planifications ».

Conclusion

Nous vivons dans une société où l'instruction supérieure demeure un privilège héréditaire. Voyez, l'origine sociale des 22 000 étudiants en départ en France et à l'étranger. Ces étudiants ou chercheurs ne retourneront jamais au pays. C'est une perte sèche pour le pays. Certains, leur avenir est assuré à l'Etranger, Europe et Amériques. Cet « Etranger » empoche l'argent algérien de la formation de ces cadres à coup de millions de devises. Il ne fait pas travailler les autres scientifiques et ne les encourage pas à regagner leur pays en leur octroyant des cartes de séjour ou des cartes de prolongations de séjour. Il leur accorde même des RMI, des revenus minimums d'insertion sociale. Les pays africains ont subi les dominations françaises, anglaises, portugaises, italiennes et allemandes. La tradition, la colonisation et l'indépendance sont nos trois histoires. L'Algérie a connu au fil du temps plusieurs systèmes éducatifs de type zaouïas, écoles coraniques, médersiens, laïc, fondamentale, moderne etc. Tout ce qui a été énuméré constitue des freins au développement de notre nation. En réalité, le pays se débat dans le désordre et le despotisme et les petits gens sont à la merci des tyranneaux divers. Il se marque parfois un mathématisme qui prétend tout voir à travers les verres de la mathématique.

* Universitaire

Références

1. Gordon Thomas. Histoire des services secrets britanniques. Traduit de l'anglais par Mickey Gaboriaud. Nouveau monde édition. 2008.

2. Louis De Broglie. La nécessité de la liberté dans la recherche scientifique : 25/04/1978, dan Revue Science & Vie, Hors série, Bicentenaire de la science 1789-1989, Mars 1989.