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France : Fillon annonce une présidentielle très polémique

par Pierre Morville

François Fillon sera donc le candidat de la droite aux prochaines élections présidentielles, avec un programme ultralibéral et très conservateur.

Ce dimanche 27 novembre, François Fillon a remporté haut la main la primaire de la droite. Selon les résultats définitifs, il s'est imposé avec 66,5% des voix, contre 33,5% pour Alain Juppé. Cette victoire prolonge son succès-surprise enregistré lors du premier tour de la primaire, où il avait remporté 44,1 % des suffrages, devant Alain Juppé qui n'en avait obtenu «que» 28,6 %. Exit donc de la scène politique, les deux ex-favoris selon les médias, de cette primaire, l'ancien président Nicolas Sarkozy, et l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac, Alain Juppé, au bénéfice de l'ancien Premier ministre de Nicolas Sarkozy, François Fillon.

On reste entre soi. François Fillon a donc séduit : dans 9000 bureaux de votes, plus de 4,3 millions d'électeurs (surtout composés selon les sondages sorties d'urnes, de retraités et de membres des classes aisées) l'ont donc choisi malgré ou grâce à un programme particulièrement à droite, ultralibéral en économie et très austère sur le plan social.

Les propositions de François Fillon sont particulièrement dénoncées à gauche mais également par le Front national ! Pour Marine le Pen qui cherche à gagner les voix populaires, « c'est le pire programme de casse sociale qui ait jamais existé », explique-t-elle , « jamais aucun candidat n'est allé aussi loin dans la soumission aux exigences ultralibérales de l'Union européenne ».

Il est vrai que François Fillon a, tout au long de cette campagne interne à la droite, défendu un programme de réformes radicales. « Il existe en France une peur d'embaucher qui est liée à la rigidité et à la complexité du droit du travail », écrit ainsi François Fillon. Du coup, il veut sévèrement réduire la « bible » juridique des relations sociales, le Code du travail, lourd actuellement de 3400 pages qu'il veut réduire à 150 pages, renvoyant l'essentiel des dispositifs protecteurs à la négociation des branches mais surtout aux accords d'entreprise où le rapport de force est très généralement favorables aux? chefs d'entreprise. François Fillon veut d'ailleurs fortement réduire l'influence des syndicats dans le monde du travail.

Autre mesure phare, la suppression des 35heures et le retour aux 39 heures qui ne seront payées que 37 heures aux fonctionnaires. Ces derniers verront leurs effectifs réduits de 500 000 postes supprimés. Sur le papier, l'exercice n'est jouable si l'on ne renouvelle aucun des postes de contractuel qui arrivent à leur terme entre 2017 et 2022 en plus de ne remplacer qu'un fonctionnaire sur deux partants à la retraite.

Un scénario pas facile quand on sait que deux grands employeurs de la fonction publique connaissent dés aujourd'hui une insuffisance de postes qu'il s'agisse de l'Education nationale (la France est l'un rares pays européens à avoir une démographie positive : il y a de plus en plus de jeunes !) et le secteur de la santé où ces dernières années, des mouvements sociaux importants ont dénoncé le manque de personnels.

Les couches aisées favorisées

Sur le plan fiscal, l'augmentation de deux points de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui passe de 20 à 22%, vise clairement à compenser un allégement des charges sociales acquittées par les entreprises. Soit le principe même de ce que l'on a appelé la « TVA sociale ». Problème, cette TVA n'est pas un impôt en fonction du revenu et vous payez la même somme que vous soyez riche ou pauvre. En revanche, François Fillon annonce la suppression de l'Impôt sur les grandes fortunes (ISF), qui rapporte tout de même 5 milliards à l'Etat. « Il suffit d'aller à Bruxelles ou à Genève pour voir ce que coûte cet impôt à notre économie », a-t-il curieusement plaidé lors d'un débat à la télévision en évoquant la fraude fiscale. Autre coup de pouce aux familles aisées : le rétablissement des allocations familiales au même niveau pour tous les ménages. Dernière annonce faite en toute fin de cette campagne des primaires, François Fillon a annoncé une profonde réforme de la Sécurité sociale La mesure proposée par le futur candidat fait particulièrement polémique : elle consiste à recentrer les remboursements de l'Assurance maladie sur les « affections graves ou de longue durée », selon les termes de son programme. Les assurances complémentaires (assurances privées et mutuelles) seraient alors dédiées aux autres soins. En clair, si vous avez le cancer, vous êtes couvert, mais si vous vous cassez la jambe, voyez avec votre assurance. C'est une manière de désengager l'Assurance maladie (gérés paritairement par les syndicat et le patronat) au profit des assurances privées mais surtout de copier le détestable exemple américain en matière de protection sociale, celui-là même que Barack Obama a tenter sans succès de corriger en promettant « l'Obamacare ».

François Fillon plaide pour un « choc thérapeutique » : il est vrai qu'on a rarement vu un programme-choc d'une telle rigueur sociale et d'un parti-pris aussi avoué en faveur des entrepreneurs et des couches les plus aisées de la société française. A tel point que beaucoup d'élus de droite s'inquiètent devant le caractère ultralibéral des mesures proposées. Les juppéistes n'y croient pas, les centristes demandent une négociation des propositions en cas de campagne commune, Henri Guaino, l'ancienne plume de Nicolas Sarkozy, ne se reconnaît pas dans une droite «qui n'a aucune générosité, aucune humanité». « Je pense que le programme de François Fillon est une caricature du libéralisme qui apparaît comme une purge patronale. C'est du Robin des bois à l'envers : prendre de l'argent aux pauvres pour le donner aux riches... », affirme de son côté Alain Madelin, ancien ministre de l'économie de Jacques Chirac, et qui fut pourtant un fervent défenseur du libéralisme.

Choc thérapeutique ou choc sans thérapie ? La campagne pour la présidentielles et les élections législatives qui ne fait que commencer, va être très polémique.