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Algérie : une chance à saisir, un statut à maudire !

par Slemnia Bendaoud

Saâd Bouakba, le vétéran et célèbre chroniqueur du quotidien arabophone El Khabar, évoquait -il n'y a pas si longtemps- dans son habituel billet de la dernière page ce Sarkadji du cimetière d'El Allia.

La chronique en question-très significative ou bien caricaturale au demeurant- fait donc référence aux tombes prisonnières de nos défunts présidents, eu égard à la garde rapprochée qui est montée jour et nuit dans la périphérie du carré des martyrs où leurs corps reposent.

Ainsi, dit-il, après leur mort, ces derniers croupissent dans leur Serkadji d'El Allia sous bonne garde, permanente surveillance et grande escorte. Et ni leur histoire, ni leur combat, ni même leur statut de président de la république ne purent véritablement les en dessaisir ou les en extirper.

A tour de rôle, Houari Boumediene, Rabah Bitat, Mohamed Boudiaf, Chadli Bendjedid, Ali Kafi et Ahmed Ben Bella goutent, l'un après l'autre, à cette prison de l'outre-tombe. Non pas qu'ils fassent l'objet d'un autre purgatoire subordonné à un quelconque procès, mais plutôt parce la mesure drastique prise à leur sujet est de nature à leur assurer (à leur sépulture) une totale sécurité.

Et si durant l'exercice de leurs fonctions, ces chefs de l'état Algérien jouissaient de leur vivant du privilège de disposer de toute une escouade d'hommes armés veillant aux bons soins du Grand Seigneur qu'ils furent, ils sont condamnés, en basculant définitivement dans l'autre monde, de garder encore les mêmes privilèges mais aussi ?encore et toujours- la même escorte, afin de préserver encore intactes leurs sépultures. Drôle de situation que celle de ce pays où même les morts parmi ses grands guerriers ou véritables héros n'ouvrent paradoxalement guère droit au repos du combattant qu'ils méritent ou nous doivent après leur départ pour l'au-delà ! Et si les morts parmi les communs des mortels ouvrent droit au respect dû à leur statut ou haut rang social, les nôtres parmi ceux qui nous gouvernaient hier encore en sont vraiment exclus ou encore très démunis, au point où leur garde d'outre-tombe les trahit publiquement pour les minorer historiquement. Au lieu de bien saisir convenablement ses chances certaines et autres grandes opportunités, l'Algérie se recroqueville dans des atermoiements de repositionnement ou de refus déguisé de s'engager dans la véritable voie démocratique qui l'enfoncent jour après jour dans ce doute meurtrier qui s'empare de son avenir et détruit manifestement les quelques espoirs plutôt permis que fondent en elle les plus optimistes et les mieux engagés parmi ses meilleurs fils. La très difficile situation que traverse en ce moment le pays n'admet plus que nous nous voilions la face.

L'heure est plutôt grave. Les faux-fuyants, autrefois masquant astucieusement nos médiocrités, ne sont désormais plus de mise. Un regard nouveau permet de toucher du doigt ce mal endémique qui ronge le pays.

Le constat que l'on en fait ne peut être qu'affligeant, stupéfiant, inquiétant, incompréhensible et très critique. En dilapidant ses meilleurs atouts, le pays perd pratiquement tout de ce qu'il entreprend sans grande conviction. C'est surtout cette fatalité qui nous prend à la gorge, qui finira par mettre une si grande Nation à genou. Son diagnostic reste catégorique. Car la vérité qui s'en dégage est implacable. Tout médecin installé au chevet de son malade est tenu de révéler à son monde la vérité que celui-ci attend de lui. On ne doit jamais tricher dans la manière de trouver le bon remède au mal sociétal que connait présentement la Nation Algérie.

Celui (le diagnostic) qui suit peut paraitre aux yeux de certains comme très sévère, peut-être même disproportionné ou trop exagéré, car combinant les palpitations du cœur avec les dures réflexions de la bonne raison d'aller au plus profond des problèmes du moment, mais il a le mérite d'actionner ce signal d'alarme que nous imposent les temps présents :

Proie facile aux mains tentaculaires de ses téméraires ravisseurs parmi ces opportunistes de la vingt-cinquième heure, l'Algérie crie son long supplice. Abandonnée au milieu du gué au moment le plus critique de son existence et aux mains tentaculaires de cette meute spectaculaire parmi ses nombreux prédateurs, elle tressaillit, souffrant énormément de ses nombreux saillis. Encerclée de toutes parts par ces anciens chasseurs de primes qui ne connaissent jamais de répit, pas le moindre dépit, relâche ni même la toute supposée déprime, celle-ci souffre son malheur durable et subit de plein fouet sa situation incurable et exécrable.

Confinée dans son stand-by de la médiocrité avérée, favorable à ces scandales financiers en série ou allant crescendo et ininterrompus, elle n'ose même pas lever la tête ?en signe de redressement- autour d'elle, tant le massacre y est bien général et infernal. Vraiment total !

Entrainée de force dans de nombreux bourbiers pour avoir perdu à la fois le sens et le véritable sentier de sa toute naturelle trajectoire, elle peine à logiquement retrouver ses bonnes marques, en s'écartant davantage de la sphère de gloire de sa grande histoire.

Kidnappée depuis déjà plus d'un long demi-siècle de torture insoutenable, objet de galère et de grande misère, cette nation a vraiment bien peur de ces lendemains qui déchantent et qui la hantent à tout instant.

Otage d'une oligarchie qui ne veut céder le moindre pouce de ce grand territoire voué à la grande anarchie, elle cherche vainement à recouvrer sa totale liberté pour en jouir totalement et bien paisiblement.

Stressée et très lassée de courir à jamais ce risque majeur de perdre une partie des siens au cours de ces conflits fratricides qui ne veulent plus en finir, elle se voile inexplicablement la face devant tout ce désastre qu'elle subit de plein fouet, sans pour autant broncher ou même lever contre le tout petit doigt. Gangrénée de l'intérieur même par cette corruption caractérisée, institutionnalisée, dévergondée et honteuse, elle refuse donc manifestement de prêter encore le flanc à ces vautours, tous désormais de retour, rodant tout autour, qui lui font toujours la cour de cette manière si osée et très rusée pour à jamais la ridiculiser. Les deux genoux fixés maintenant bien à terre, elle pleure à très chaudes larmes son quotidien infernal dont elle ne sait plus par quel bout le tirer de son véritable guêpier, profond embarras et endémique enfer. Les fers aux pieds, elle cherche encore et toujours après ces leviers du salut, après cette échappatoire de gloire, voulant à tout prix fuir cet abysse où, de jour en jour, elle y glisse profondément, de tout son poids et à toute vitesse, même guidée par son Altesse, les yeux guindées et bridés vers ce si lointain précipice.

La nation attend sa prière de l'absent, faisant à sa manière le deuil nécessaire devant tout ce malheur qui s'abat sur elle à cette vitesse vertigineuse qui lui fait craindre le pire puisque ses jours sont désormais comptés ou en réel danger et que son histoire est à jamais dorénavant bien derrière elle.

La voix tout le temps nouée et encore enrouée, elle reste clouée sur son brancard de la mort, La mort dans l'âme, elle ne fait chaque jour que davantage contempler son drame qui s'étale à perte de vue, dure et perdure au grand dam de la bonne volonté de ses fils authentiques, ayant encore les mains liés et le statut d'éternels oubliés, par la faute à une gouvernance qui sait faire dans la différence afin de convenablement assurer sa légendaire pérennité et sa encore très valide gérontocratie.

Laissée pour morte par ceux-là même qui ne cessent toujours de lui sucer à longueur de temps ce liquide noirâtre qui lui assure ce souffle nécessaire à la vie, l'Algérie croit encore en ce sursaut salvateur qui lui sauvera la face, afin de définitivement pouvoir enfin se dégager de ce véritable guêpier où elle avait autrefois malencontreusement foutu les pieds.

Rivée sur son seul avenir dont elle espère qu'il soit aussi radieux et si merveilleux que ce soleil brillant et scintillant de tout son éclat, qui lui rend visite presque chaque jour que fait le       Bon Dieu, elle espère de tout cœur lever bien haut ce drapeau de la liberté revendiqué par ses citoyens, contraints d'agir présentement comme des troupeaux égarés, et bien loin de leurs tout indiqués prés traditionnels.

Cloisonnée dans son mutisme forcé et silence loin d'être cependant complice, elle risque de connaitre le pire à mesure que la situation s'aggrave, ou encore davantage s'empire et que le navire, qui depuis chavire, ne connaisse la foudre de ces tempêtes qui s'annoncent déjà difficiles à l'horizon. Calfeutrée dans sa totale inertie, elle attend toujours cette éclaircie, en signe de délivrance certaine de son calvaire dont elle ignore tout de sa réelle nature et risque imminent sur son devenir.

Pelotonnée dans son manteau de soie, elle vient de perdre sa foi et même sa voix qui portait autrefois bien loin et très bien, jusqu'à devenir parfois cette Mecque des révolutionnaires, désormais aux mains de quelques zélés mercenaires ou téméraires usurpateurs, restés encore attachés à ses généreuses mamelles.

Cloitrée entre ses bien hauts et très solides murs, elle lance ses gémissements et très difficiles murmures, en signe de défaite certaine ou très prochaine devant tout cet abus inconséquent dont elle est l'objet de manière si continue et très soutenue, par la faute à sa jeune progéniture qui fuit à contrecœur la misère du pays, refusant de lui porter un quelconque secours.

En quête d'amour, elle s'attend donc à de bien meilleurs jours, scrutant ce salut lui parvenir enfin de ces sombres horizons, une fois la tempête passée et le vent, très perturbateur de son état d'esprit et nature, à jamais tu ou bien rentré à la maison.

A-t-elle fini de manger à son pain noir ? A-t-elle déjà suffisamment payé cette très lourde facture de sa monumentale bourde, depuis que sa gouvernance était restée comme une véritable gourde, bien sourde à ce bruit de colère de sa population juvénile, lassée d'attendre lui parvenir cet écho de l'espoir qui tarde vraiment à s'exprimer ?

A-t-elle vraiment été contrainte de baisser les bras ou la garde devant la dégradation de son cadre de vie et autre valeur nominale, faisant d'elle autrefois cette citadelle très convoitée dont rêvaient les plus grands Empereurs et très cotés Seigneurs du monde contemporain ?

A-t-elle commis entre-temps un quelconque impair pour subir de plein fouet toutes ces sortes de misères qui l'éloignent davantage de son statut de pays regroupant ces autres villes autrefois bien rebelles qui faisaient naguère déjà très peur à l'ennemi au sein du bassin Méditerranéen et plus loin dans ces autres océans de notre vaste univers et grand territoire?

L'Algérie court-elle, à présent, ce réel danger d'extinction qui plane à l'horizon, celui d'une hypothétique partition, de possible émiettement, de supposé fractionnement, de méchante division, de vilaine scission, d'une quelconque concession? ?! Et quels en sont autant les raisons que les réelles conséquences ?! Que faire ? Et comment s'y prendre pour ?

Aller ou rame à contre-courant des hautes vagues de l'histoire ne constitue nullement la bonne potion ou meilleure solution. A force de ne voir que le relief intérieur de la maison Algérie, ne finit on pas par en perdre l'image de son véritable contour qui le pare de l'extérieur ? Parce que le monde alentour, à présent, bouge, et forcement l'Algérie avec, on ne peut donc se permettre toutes ces folies ou extravagances qui nous renvoient à ces vieilles pratiques des siècles écoulés, de ces temps désormais éculés, pour un peuple sur le dos duquel on n'aura fait que trop spéculer par l'entremise de ces manœuvres qui l'obligent manifestement à bien reculer de rang et dans sa propre imagination. Aller vers l'inconnu ou droit dans le mur à un moment où tout l'environnement géopolitique du pays a pourtant changé, à la fois, de constitution et de mode de gouvernance, n'est autre que ce vain défi que tente d'imposer l'ignorance à la vaillance et à la glorieuse histoire de la nation algérienne.

Seule cette croyance en l'hypothétique exception algérienne qui l'exclut de facto de son environnement naturel peut donc y mener ! Mais à quel prix ?! C'est à ce niveau que doit s'opérer le véritable sursaut !

Le chroniquer du Quotidien «El Khabar», en inventant à sa manière ce Serkadji d'El Alia, parlait-il plutôt de ces vivants qui vivent dans cette grande prison qui prive tout son monde de ce minimum vital nécessaire à la vie en société ?

Lorsque les Grands chefs y figurent en bonne place, même après leur mort, que dire encore du monde de cette basse société ?