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Le salut, ne sera sans doute pas, dans la bigoterie

par Farouk Zahi

«Les nations se fondent sur les valeurs morales qui persistent. Ces dernières disparues, les premières les suivront» (Ahmed Chawki, dramaturge et poète égyptien)

Notre pays comptera bientôt 20.000 lieux du culte, soit un ratio d'une mosquée pour 2000 habitants, détenant probablement, le meilleur score du monde islamique. Cette performance de notre vie spirituelle, ne semble pas influer positivement sur notre vécu temporel, bien au contraire. Le périodique «Jeune Afrique», dans un article daté du 8 octobre 2014 écrivait ce qui suit : «Mais la nette diminution des capacités de nuisance des groupes terroristes et le recul de l'islamisme politique qui l'a accompagnée contrastent avec le regain de religiosité, voire de bigoterie que connaît la société algérienne. Premier indice de cette tendance : la croissance exponentielle de l'affluence dans les mosquées. Laquelle s'explique en partie par ce que les Algériens appellent avec humour «promotion zelzla» (promotion «tremblement de terre»), désignant par là «les croyants de la peur», dont la vocation apparaît comme par magie à la suite d'une catastrophe naturelle. Séismes et répliques entretiennent ainsi l'assiduité dans les lieux de culte? Ainsi, selon ces fidèles de la vingt-¬cinquième heure, le bikini serait le premier responsable de l'activité sismique en Algérie. L'indigence de la vie politique n'est sans doute pas étrangère au recentrage des débats sur des thèmes sociétaux ou, en l'occurrence, sur des tartufferies relayées par les médias et les réseaux sociaux, et dont l'opinion est devenue friande». Et ce n'est, malheureusement pas tout, car cette excessive référence à la religion ou se croit être la religion, est souvent porteuse d'arrières pensées matérialistes intéressées.

L'article cité plus, continue dans son constat peu reluisant sur un fait sociétal qui prend, de plus en plus, de place dans le débat national donnant la désagréable impression d'être hors du temps. Nous re-citons : «?Yadjouz aw la yadjouz ? «Licite ou illicite ?» Chez certains, la controverse n'est jamais innocente et l'arrière-pensée politique toujours de mise. On instille le doute, quitte à travestir les faits. Exemple : des télécoranistes (de plus en plus nombreux avec la libéralisation de l'audiovisuel) ont ainsi dénoncé l'importation par des opérateurs privés de viande rouge prétendument non halal. Et de s'en prendre au laxisme du gouvernement coupable d'autoriser le commerce de viande bovine importée sans vérifier si les conditions d'abattage des bêtes au Brésil, en Argentine ou en France respectent les préceptes de l'islam.

«Ces carcasses sont-elles halal ?» s'interroge Cheikh Chemsedine, prédicateur vedette de la chaîne Ennahar TV. Pour étayer son propos, il propose des images non datées tournées dans un abattoir d'Amérique latine. Durant une semaine, le débat fait rage, jusqu'au jour où l'on s'aperçoit qu'il s'agit en réalité d'une guerre entre importateurs».

Cet accès de religiosité car c'en est un, finira par tomber tout comme son similaire fiévreux. Que restera-t-il alors d'une société qui aura passé le plus clair de son temps à invoquer le Créateur sans mettre en pratique ses commandements qui appellent au labeur, à la persévérance, la solidarité mutualisée pour le bien être de l'Homme sur terre. En un mot, le respect de la dignité humaine. Le commandement cardinal du Prophète Mohammed (saws) dans son ultime sermon en guise de testament lors du pèlerinage de l'Adieu, ne fut-il pas ? : «Sont sacrés au musulman : le sang, les biens et l'honneur de son frère musulman». Contrevenant à ce précepte religieux, les présumés apôtres de la foi islamique, allaient mettre en péril l'existence même d'une nation par l'assassinat et le génocide.

Tout le monde se rappelle de ces lugubres années où, au nom de, on ne sait qu'elle procuration divine, on mettait un terme et de manière bestiale à la vie du gendarme, du policier dont on disait avec ironie : «Ils ont descendu un Hamma Loulou !».Il s'est trouvé des agents de sécurité, exécutés froidement au sortir d'un lieu de prière ; on leur déniait jusqu'à le droit à une conviction religieuse assumée.

Plus tard, le citoyen lambda connaissait le même et sinistre sort réservé aux victimes sécuritaires. Perplexe d'abord, interrogateur ensuite, il se rendait tardivement compte à l'évidence d'une supercherie morbide.

Présentement, la bigoterie est publiquement assumée par des comportements inciviques allant jusqu'à la goujaterie à l'encontre de la gent féminine. Un taximan, en maraude, peut laisser en rade une personne âgée ou même une femme enceinte, arguant que c'est l'heure d'une quelconque prière. Un guichet de métro peut être fermé, au moment de la prière hebdomadaire. Un médecin peut abandonner des malades geignants pour aller s'acquitter de son devoir religieux et sans vergogne. Et pourtant les exemples d'exemption exceptionnelle à la prière sont légion. Il est aisément observable, que lors de la prière au sein même des Lieux saints, les agents de sécurité en sont exemptés pour motif d'astreinte professionnelle. Toutes ces anodines «justifications», mises bout à bout et sur un territoire comme le nôtre, peuvent à elles seules, désagréger un tissu social prétendant à la modernité. Exception faite des gens de bonne foi, les faux dévots ont conquis tous les espaces par, et le comportement affecté et le port vestimentaire étranger à nos mœurs ancestrales. Le mimétisme simiesque, fait de nos adeptes de l'ostentation, des marionnettes parmi l'Indonésien, l'Omanais ou même le Marocain qu'on reconnait aisément à travers leurs attributs vestimentaires. Notre dévot, peut être vêtu à la fois d'une tunique afghane, d'un keffieh moyen oriental portant sandales à sangles et pour marquer sa différence avec l'ensemble de sa communauté, il se frottera les dents avec du siouak(écorce de noyer) en soulignant fortement le bord de ses paupières avec du K'hol. (antimoine). Se référant à la «Sira du Prophète», ils s'attarderont beaucoup plus sur des détails d'ordre temporel que spirituel du Messager de Dieu (saws). Connaissant peu ou prou, la portée des hadiths, ils éluderont l'essentiel, tel celui qui incite au savoir et à la découverte de l'autre : «En quête de savoir, allez jusqu'en Chine même !». C'est dire l'ouverture d'esprit et la tolérance de cette lumineuse religion.

L'image de ces prédicateurs autoproclamés que nous renvoient, les chaines satellitaires privées est édifiante à plus d'un titre. Ces stars du prêche, toutes réunies ne résisteraient pas à la comparaison avec un Abdelfattah Mourou, juriste, politicien et homme de religion. Agé de 68 ans, authentiquement tunisien, on dit de lui qu'il porte le costume traditionnel de son pays depuis l'âge de 20 ans. On se rappellera et pour longtemps, sa prestation sur un plateau Tv face à un salafiste égyptien qu'il clouait au pilori de l'argumentaire. Notre pays qui dispose de ressources humaines formées, à certes besoin de quelques Chems Eddine éclairés dans le «Fik'h» (exegètes), mais il a surtout besoin de milliers de Chems Eddine du savoir à l'instar de Chitour et autres scientifiques aussi pieux que Cheikh Bouroubi.

Le «rya'» est cette propension à l'ostentation, condamnée aussi bien par le texte coranique que par les hadiths du Prophète (swas). Elle est visible d'abord dans les us officiels : distribution publique de logements et colis alimentaires du Ramadan, ensuite dans les mœurs privées des nantis dans le cadre de la «zakat» en la distribuant à des chaines humaines qui s'agglutinent, tôt le matin, devant les porches de prospères demeures. Elle est visible aussi, chez certaines ONG qui n'agissent qu'en présence des caméras de télévision pour des cérémonies de circoncision d'orphelins ou de toute autre action caritative. Les départs ou les retours du «hadj», ne dérogent pas à cette règle qui fera que les cérémonies soient les plus bruyantes et les plus dispendieuses.

Quant à la sacralité des biens du musulman, celle-ci n'est plus qu'un vieux souvenir. Sa transgression est quotidiennement pratiquée à travers la surfacturation, le fardage, le poids ou la mesure, le maquillage de l'avarie du produit périssable. Et comme pour mieux mystifier, l'informel s'installe de préférence aux alentours des mosquées. Les commerces de lingerie féminine sont devenus l'apanage de gaillards barbus qui ne trouvent aucun «ihradj» (gêne) pour parler des tours de taille ou de bustiers. L'escroquerie devenu un exercice national, touche toutes les couches sociales du pays, de l'avocat véreux au médecin charlatan pratiquant la «rokia» en passant par le petit gardien de parking qui rackette les automobilistes ou l'enseignant qui office mieux, quand il est grassement rétribué. Les femmes ne sont pas en reste ; elles s'y sont mises elles aussi. Pour clore le propos, les atteintes à l'honneur des familles ou de l'individu ne se comptent plus. La presse nationale foisonne de ces faits, le plus souvent tragiques, qui par leur fréquence se sont inscrits dans le divers. Le cas récent d'un quinquagénaire pédophile confondu par sa jeune victime, autiste plus est, est horripilant. Le forfait eu lieu au mois de Ramadan et dans la salle des ablutions de la Mosquée. La bête immonde ne s'embarrassant plus de la sacralité de la vie humaine, se repait présentement, du sang de petits anges tels que Chaïma, Haroun, Brahim et récemment Nihal. Qu'elle différence y aurait-il, entre un terroriste déclaré et un tueur tapi dans la masse ? Les parents ne sont-ils pas terrorisés par les rapts et les homicides volontaires exercés sur leur progéniture ? Dans le registre, le crime est doublement condamnable, et par Dieu et par les hommes car tout en portant atteinte à l'honneur, il tente de couvrir le forfait par l'effusion de sang.

La descente aux enfers sera inexorable, si le système éducatif ne se ressaisit pas. Et ce n'est pas à l'école seule qu'échoit la tâche. L'adage qui dit : «Il faut tout un village pour élever un enfant» est dans le contexte d'une brûlante actualité. Arrêtons, immédiatement, les tartufferies de ces écoles d'initiation qui font faire à des enfants encore emmaillotés, un simulacre de pèlerinage autour d'une Kaâba factice érigée dans la cour de l'école. Nous ne terminerons pas le propos sans paraphraser cette grande pécheresse «Rabia El Adaouia», et qui après avoir été touchée enfin par la grâce du Seigneur a, dans un moment de pieuse lucidité, dit : «Ah ! Si je pouvais brûler le paradis, je le ferais, car il faut aimer Allah pour lui-même et non pas pour ses gratifications !». Voilà qui est bien pensé !