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L'été et ses maux : entre incivisme et laxisme

par Bouchikhi Nourredine

L'été symbole de vacances, de repos et de retrouvailles est devenu pour beaucoup d'Algériens synonyme de stress, de tracas et de nombreux désagréments ; en cause ces incivilités et ce laxisme à faire respecter les lois.

Et voilà à peine le mois sacré de Ramadan passé que commence la saison des mariages et tout ce qui s'ensuit de festivités célébrées par certains et malheureusement redoutées par beaucoup d'autres.

Dès la tombée de la nuit surgissent de toute part (aucun quartier, avenue ou rue n'est épargné) des cortèges faits souvent de luxueuses voitures en totale inadéquation avec le comportement de ses occupants, klaxons à fond sans aucun égard pour un malade, un travailleur fatigué désireux de récupérer d'une journée de dur labeur ou simplement un citoyen aspirant au calme. Nous assistons désarmés à un spectacle devenu banal digne de certains rallyes sauvages, des voitures souvent drivées par des jeunes qui se foutent joyeusement des règles de conduite automobile entament des courses-poursuites en plein centre-ville bloquant les voies et empruntant même des sens interdits, mettant les nerfs des autres usagers à rude épreuve avec un seul choix, celui de se résigner ou provoquer une bagarre générale. De chaque véhicule des passagers sont déportés à travers les fenêtres surtout des enfants censés être assis aux places de derrière occupent plutôt les premières loges sans ceinture de sécurité dans une indifférence et une irresponsabilité glaciales. Dans certaines villes, ces cortèges bloquent même les accès des grands axes sans se soucier des éventuels besoins parfois urgents tel un transfert de malade ou bien l'appel de pompiers ou simplement un voyageur transitant qui doit prendre son mal en patience pour pouvoir continuer son chemin et si par malheur vous êtes pris dans les tenailles d'un de ces cortèges, vous devriez circuler à leur cadence tout en ayant la peur au ventre d'être percuté, vous n'avez aucune possibilité de dépassement, c'est un vrai guet-apens que vous risquez d'y rencontrer même dans une route nationale ou autoroute et qui peut durer de longs moments. La ville et ses artères semblent être devenues leur propriété privée, ils n'ont de compte à rendre à personne.

Quand ces mariages ne sont pas organisés dans des salles de fêtes appropriées, c'est tard dans la soirée que finit ou plutôt commence « la fête ». Dans les cités ou quartiers une énorme tente est souvent dressée en guise de salon de réception selon la convenance de la famille des mariés sans tenir compte du voisinage et malheureusement ceci est aussi vrai quand il s'agit de décès, la tente mortuaire est installée au plus vite parfois au plein milieu d'une rue, imposant aux véhicules des détours et surtout des désagréments et même elle constitue pour les riverains une entrave au travail et un manque à gagner pour les commerces et autres activités de service qui se trouvent dans l'obligation de cesser leurs activités car leur accès est bloqué sans ménagement pour un minimum de trois jours (durée du deuil) sans pouvoir réagir de crainte de se faire traiter de tous les qualificatifs injurieux. Cet événement dramatique mais néanmoins naturel se transforme alors en un exhibitionnisme assumé, le deuil devra être subi par tout le monde, le droit des vivants passe au second plan.

Revenons aux mariages, tard dans la nuit et jusqu'au petit matin les haut-parleurs sont à fond sans aucun répit pour des patients souffrants ou simplement un citoyen en besoin d'un sommeil réparateur. Le malheur c'est que cela perdure souvent tout l'été, un cauchemar qui se prolonge. A cela s'ajoute des explosions de pétards devenues une habitude quasi généralisée au mépris de la quiétude des citoyens.

Ce citoyen a le sentiment amer d'être délaissé seul face à ces dépassements car bien que les lois et règlements foisonnent que ce soit :

Primo : en matière de sécurité routière où toutes les infractions sont commises au vu et au su des autorités qui d'habitude ne sont pas indulgentes face à de banals dépassements laissent passer avec parfois leur bénédiction incompréhensible ces actes qui empoisonnent le quotidien des gens. Un mariage ne peut être un prétexte pour piétiner dangereusement les règlements.

Secundo : en matière de tapage nocturne. Le temps est bien loin quand des agents de police venaient vérifier que la sono ne dérange plus le voisinage au-delà de minuit et tout le monde s'exécutait ainsi en respect pour la loi, nul besoin de se chamailler avec les voisins ou être obligé de porter plainte et subir ainsi toutes les tracasseries judiciaires pour faire valoir un droit au repos et à la tranquillité.

Le rôle des autorités est capital dans la prévention des violences urbaines et tout manquement risque de pousser les gens à se faire justice eux-mêmes avec toutes les conséquences que cela pourrait engendrer sur la paix sociale.

L'été c'est aussi synonyme de plage, les gens chassés par la canicule s'y rendent pour profiter de l'immensité de la mer ou de baignades surtout pour les jeunes et les enfants accompagnés de leurs parents ; mais de quoi parlons-nous ? Nous n'avons presque aucune plage digne de ce nom (je précise bien : des plages accessibles au grand public.)

Rien que de s'y rendre est un calvaire, les routes n'ont pas été du tout pensées pour contenir ce flot de véhicules qui viennent de toutes parts, des bouchons interminables et tout le temps, pour les plus téméraires qui s'y aventurent ce n'est que le début, les plages publiques sont bondées car leur superficie se réduit en peau de chagrin d'année en année au grand bonheur de concessionnaires qui s'accaparent les meilleurs endroits pour édicter leur lois, les vacanciers sont rackettés dès leur arrivée en payant un droit d'entrée (même dans les plages communales censées être gratuites), ils sont ensuite contraints de louer à des prix exorbitants un parasol et des chaises même s'ils en possèdent les leurs au risque de se faire carrément refuser l'accès ou se faire agresser par des bandes prêtes à en découdre, le minimum requis pour un confort n'est pas assuré, d'abord et surtout le sentiment d'insécurité malgré la présence des forces de l'ordre, ces plages ne disposent souvent pas de sanitaires sinon il faut en payer pour se soulager dans des baraquements sales et sans intimité, les douches sont inexistantes, souvent il n'y a pas d'eau du tout, les détritus jonchent la côte, les familles sont importunées.

Beaucoup de plages sont défigurées par des bâtisses en état de ruine ou par des constructions aussi laides que des bidonvilles, des égouts se déversant à ciel ouvert à proximité des plagistes, des campings sauvages sans aucun attrait esthétique. Enfin des images désolantes qui répugnent toute personne ayant le moindre goût pour la beauté.

Pour ceux qui optent pour des locations les prix pratiqués sont à la hauteur de complexes étoilés mais hélas avec des prestations médiocres, la restauration en absence de tout contrôle est rendue chère sans que cela puisse avoir de justification et sans parler des normes d'hygiène.

À tel point que de plus en plus d'Algériens souvent au prix de sacrifices énormes et de patience préfèrent passer de l'autre côté de la frontière pour savourer un moment de détente. Ils se rendent en Tunisie bien que boudée par les Européens conséquence des derniers attentats terroristes, mais ils y trouvent des infrastructures modernes et bien entretenues avec un bon rapport qualité prix. Pour les plus chanceux et surtout pour les familles qui préfèrent voyager en voiture, leur destination prisée est l'Espagne ; pour la majorité, l'objectif est loin de faire du tourisme car souvent c'est le même plein de carburant fait en Algérie qui les ramène à la fin de leur séjour, à en croire qu'ils prennent tout ce mal juste pour se rendre à une plage d'Alicante de l'autre côté de la Méditerranée en quête de sécurité, propreté et commodités, trois exigences indispensables qu'on n'arrive pas à leur garantir afin de développer le tourisme local et convaincre ainsi ces vacanciers de passer leur séjour dans leur pays et de fait épargner les devises qu'ils dépensent sous d'autres cieux.

Il est impératif avant de songer à attirer des touristes venant de contrées lointaines de satisfaire d'abord les besoins légitimes de nos propres concitoyens dont les exigences se rapprochent de plus en plus des standards internationaux ; conséquence de l'accroissement rapide du niveau de vie et de l'instruction.

Nous devrions prendre exemple sur nos voisins où d'importants investissements ont été consentis pour être compétitif à l'échelle internationale, il y va des moyens de communication modernes aux exigences de la sécurité, des divertissements jusqu'aux normes urbanistiques et architecturales les plus innovantes en passant par l'entretien et l'embellissement des lieux, la disponibilité en qualité et quantité des offres de services afin de rendre les prix concurrentiels, aucun maillon de la chaîne n'a été occulté ; pour ceux qui ont eu l'occasion de voir ou visiter ces infrastructures, ils pourront constater alors l'énorme retard pris par notre pays en la matière.

En attendant l'implication d'investisseurs professionnels capables de gagner ce challenge, la concession des plages doit être cédée au prix symbolique pour éviter toute répercussion sur les usagers en contrepartie les pouvoirs publics doivent veiller au respect rigoureux d'un cahier de charges à la hauteur des aspirations des estivants avec un contrôle sur les prix et les prestations pratiquées.

Beaucoup reste à faire, les citoyens ont leur rôle à jouer certes, mais surtout c'est aux pouvoirs publics qu'incombe le rôle de faire respecter les lois et règlements qui régissent les relations entre le citoyen et la société et entre le citoyens et les autorités en sévissant contre toute infraction relative à l'incivisme à la seule condition que nul ne peut être au-dessus de la loi. Le laxisme à faire respecter les lois ne peut être que préjudiciable à l'image du pays, à son économie et à la confiance des citoyens dans leurs gouvernants.

C'est le seul gage de succès qui passe bien avant les projets structuraux pour développer le tourisme et le rendre attractif dans notre pays.