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Présidentielles françaises : Hollande dans une mauvaise passe

par Pierre Morville

Le candidat Hollande avait fait beaucoup de promesses et le président a beaucoup déçu ses électeurs

Alerte rouge ! Jamais depuis que les sondages existent, un président de la république française ne s'est trouvé en si mauvaise situation. A un an des futures élections, les derniers chiffres dont dispose François Hollande doivent lui donner des sueurs froides. Collectés par BFMTV, les résultats ne sont guère encourageants : 80% des Français ne veulent pas (et 53% des électeurs de gauche) que François Hollande soit à nouveau candidat ; un Français sur deux ne le « souhaite pas du tout » !

Au 1er tour des élections présidentielles, l'actuel président ne recueillerait, selon les derniers sondages, qu'entre 13 et 15% des voix. Quelles que soient les enquêtes d'opinion, il serait battu au premier et au second tour par un candidat de droite et même par Marine Le Pen, la patronne du Front national.

Pour son action, François Hollande ne recueille que 14% de bonnes opinions. Ainsi, 87% des Français jugent son bilan négativement. Dans le détail, 47% des répondants jugent son bilan «très négatif» et 40% «assez négatif». Barack Obama a eu un pic d'impopularité en 2013 quand 54% des Américains ne lui faisaient plus confiance. Quant à Angela Merkel, secouée plus que jamais lors de la crise des migrants, elle recueillait au pire moment toujours 54% de satisfaction auprès de ses citoyens allemands.

En fin de mandat, Nicolas Sarkozy conservait 28% de fidèles en 2011, et François Mitterrand (en 1987) comme Jacques Chirac (2001) affichaient 56% de bonnes opinions.

Plus grave encore peut-être pour son image, la plupart des Français pensent que François Hollande ne sera plus très actif d'ici à l'élection présidentielle. D'ailleurs, ils n'en attendent plus grand-chose. 16% d'entre eux estiment que lors de l'année qu'il lui reste, il «cherchera à réformer le pays». 83% pensent qu'il se contentera de gérer les affaires courantes, quand 53% pensent qu'il «ne prendra plus que des mesures électoralistes».

En termes d'image, celui qui ne convainc plus même dans son propre camp, a un bilan jugé désastreux. A un an de l'élection présidentielle, François Hollande ne passe quasiment jamais la barre des 20% de satisfaits ou d'optimistes. De quoi créer la surprise s'il parvient à inverser la tendance. Et s'il se présente.

Le camp des « Hollandais » se mobilise

Mais le sondage reste une photo à l'instant T, les sondeurs sont d'ailleurs prudents : « Dire aujourd'hui que le président sortant a déjà perdu n'a pas de sens et ne serait pas sérieux de la part d'un politologue, d'un sondeur ou d'un commentateur de la vie politique s'exprimant sur le sujet. Rappelez-vous l'échec d'Édouard Balladur en 1994 ou encore les sondages de 1980 donnant Valéry Giscard d'Estaing largement gagnant à la présidentielle de 1981. La présidentielle a lieu dans un an. Elle reste une terra incognita », commente ainsi Fredéric Dabi de l'IFOP.

Les proches de François Hollande veulent croire que la bataille n'est pas encore perdue. Lundi dernier, Stéphane le Foll, le porte-parole du gouvernement, rassemblait une vingtaine de ministres dans une réunion publique pour vanter le bilan de l'actuel gouvernement. « Le choix du lieu est exemplaire : la faculté de médecine. La situation doit être grave », ont raillé quelques opposants. Le nom de l'initiative « Eh, Oh, La gauche » était là justement pour convaincre les nombreux électeurs de gauche mécontents. Deux messages ont ponctué cette initiative. « Il faut redire aux Français que la gauche et la droite, c'est pas la même chose », a martelé Stéphane le Foll comme pour en convaincre les électeurs de gauche très mécontents. Mais attention ! « Il n'existe pas d'alternative à gauche « du Parti Socialiste, explique-t-il aux mêmes, inquiet des bons scores de Jean-luc Mélenchon qui, au nom de le « gauche de la gauche », fait entre 13% et 15% des intentions de vote au 1er tour. Aussi bien que François Hollande, le président sortant !

Le second plaidoyer des fidèles « hollandais » : « nous sommes fiers de notre bilan ». C'est le message qui sera le plus difficile à faire passer aux électeurs de François Hollande en 2012 dont plus d'un sur deux déclare ne plus faire le même choix à la prochaine échéance. Le principal reproche ? Le chômage persistant, à 10% des actifs : Hollande s'était engagé à une inversion de la courbe du chômage avant fin 2013. En vain : nouveau record battu en février 2016 avec 3,59 millions de chômeurs inscrits à Pôle emploi en métropole (+670.000 depuis mai 2012).

Le candidat Hollande s'était engagé sur 60 promesses à tenir lors de son mandat. Sans rentrer dans le détail, une trentaine de promesses ont été tenues ou en voie d'être tenues, une quinzaine auraient été abandonnées. Le reste, comme celle de « faire des PME une priorité », ou « l'augmentation des pouvoirs du parlement », relève du vœu pieux.

En matière sociale, de vrais efforts ont été accomplis, notamment avec la généralisation du tiers-payant à la sécurité sociale, qui facilite grandement à tous l'accès aux soins.

Mais c'est dans ses réformes dans le monde du travail que François Hollande a le plus déçu les électeurs de gauche et suscité la colère des syndicats, alliés traditionnels des gouvernements de gauche au pouvoir. François Hollande est en partie convaincu comme les sociaux-démocrates allemands et l'ensemble des libéraux européens, que trop de réglementations tue l'emploi. Il faut donc selon lui redonner l'initiative aux entreprises et surtout financer leurs efforts. Le « Pacte de responsabilité » visant à favoriser l'embauche a ainsi investi plus de 40 milliards d'euros d'aides aux entreprises pour un résultat éminemment médiocre : avec d'autres mesures comme le CICE, seulement quelque 80.000 emplois ont été créés, un résultat bien loin des espérances initiales.

La loi « Travail » présentée par la ministre Myriam el-Khomri, qui réduisait encore les garanties des salariés, étendait la durée du travail et réduisait les prérogatives salariales, a mis le feu aux poudres. L'ensemble des organisations syndicales s'y sont opposées, notamment par des manifestations très suivies dans toute la France.

Promesses, nationalité, loi Travail : les reculs

Du coup, le gouvernement de François Hollande a dû reculer, obligé de réduire ou enlever les mesures qui avait tant satisfait le Medef, le syndicat patronal français. C'est début 2016, le second grand recul auquel était contraint le gouvernement. Le premier est l'abandon de la réforme constitutionnelle prévoyant, à la suite des attentats de Paris, la déchéance de nationalité pour les auteurs d'attentats terroristes. La droite jugeait la réforme trop molle, la gauche trop attentatoire aux libertés démocratiques.

Le choix de nommer Manuel Valls comme Premier ministre et celui d'Emmanuel Macron comme ministre de l'Economie ont accentué la distance entre le gouvernement et sa majorité parlementaire. Manuel Valls se situe en effet dans l'aile droite du Parti socialiste et Emmanuel Macron se définit lui-même comme « ni de gauche ni de droite ». Une soixantaine de parlementaires socialistes, les « frondeurs », ne se sentent plus tenus par la discipline de vote. Et, plus discrets, beaucoup de députés et sénateurs socialistes se demandent comment faire pour calmer les colères de leurs bases électorales. Ils savent bien qu'après les reculs électoraux du PS lors des élections municipales et régionales, les élections présidentielles vont mal se passer ainsi que les élections législatives qui se déroulent en même temps, menaçant leurs propres postes.

Il est vrai que les prochaines et décisives échéances électorales semblent bien jouées d'avance. Au regard des sondages actuels, Alain Juppé s'impose largement à droite. Homme d'expérience, ancien Premier ministre, plusieurs fois ministre, maire de Bordeaux depuis trente ans, l'homme rassure. Pour une fois, ce candidat ne promet pas de multiples réformes et son programme est suffisamment modéré pour ne pas effaroucher l'électorat de gauche : 20% des électeurs de François Hollande en 2012 voteraient Juppé en 2017.

En face de lui, Marine Le Pen est quasiment assurée d'être présente au second tour, forte des 30% des voix que lui assurent les sondages. Mais les mêmes enquêtes révèlent qu'une franche majorité de Français sont hostiles à son accession au poste de 1ère présidente des Français.

Les législatives qui suivront ne pourront que confirmer la baisse du Parti Socialiste, talonné par les scores du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon. A tel point que certains au PS commencent à craindre pour la pérennité de leur formation politique : le PS survivra-t-il à la prochaine élection ?

Pour d'autres, plus confiants, la partie n'est pas terminée. Et ils rappellent que les élections primaires du principal parti de droite, Les Républicains, voient s'affronter une douzaine de candidats, sans compter les postulants centristes et indépendants. La droite est très divisée, plus par l'ambition de ses multiples candidats que par l'originalité de leurs programmes.

Autre menace, les électeurs qui avaient été si rapidement déçus par François Hollande pourraient perdre à la même vitesse leur confiance pour un nouveau président de droite. Les Français sont aujourd'hui plutôt hostiles aux parts politiques et assez largement favorables à un renouvellement de la classe politique française. Ils sont 74% à afficher un sentiment négatif face aux partis, 40% de l'inquiétude et 34% de la colère quand seulement 4% ont des sentiments positifs (1% de l'enthousiasme et 3% de la confiance).

Seule bonne carte, la politique étrangère

Si François Hollande a souvent pris par conviction des positions favorables notamment à une certaine libéralisation de l'économie qui pouvaient heurter son électorat, il a surpris ses partisans par des hésitations et une communication jugée parfois imprudente comme sur la déchéance de nationalité ou trop molle face aux attaques de son opposition. Mais il est un domaine où le président peut se flatter d'une relative bonne appréciation, c'est celui de la diplomatie. Certes, Laurent Fabius, l'ancien ministre des Affaires étrangères, a plaidé pour des positions plus ultra que l'allié américain sur la normalisation des relations avec l'Iran et a jugé Bachar al-Assad plus dangereux que Daesh en Syrie. Mais pour le reste, le bilan de la politique extérieure reste plutôt positif, qu'il s'agisse des interventions militaires au Nord-Mali et en Centrafrique en 2013 contre les violences inter-communautaires. La France a également accueilli la COP 21, le premier accord universel sur le climat signé à Paris par 195 pays, entérinant l'objectif de contenir le réchauffement « bien en deçà de 2°C ». Autre ouverture, la France organisera le 30 mai un sommet à Paris en présence d'une vingtaine de délégations étrangères afin de relancer le processus de paix israélo-palestinien.

Dans une Union européenne actuellement        en crise, avec un leadership allemand contesté ici et là, François Hollande est resté très ou trop prudent mais a opté pour une position plus modérée qu'Angela Merkel sur le dossier grec.

Certains critiquent un trop grand alignement français sur les positions américaines. François Hollande pourrait corriger la donne et refuser la participation de la France au projet d'accord de libre-échange UE-USA. Le 13ème cycle de négociations du TAFTA ou TTIP a débuté ce lundi à New York entre Etats-Unis et Union européenne. L'objectif de ce traité, négocié dans une très grande clandestinité, est d'instituer une zone de libre-échange et d'investissement entre les États-Unis et l'UE et de créer ainsi un marché commun aux règles simplifiées, entraînant ainsi une uniformisation des normes. Ce point précis mènerait, selon les détracteurs du projet, à une régression sanitaire. Le Tafta soulève la colère des agriculteurs européens et de bon nombre d'entreprises du vieux continent. Dans cette période de grande incertitude internationale, savoir porter « la voix de la France » est toujours un bon atout électoral.