Fuyant les
guerres subies chez eux, errant sur les chemins de l'exil, les musulmans des
temps modernes sont rejetés par les Occidentaux et accusés d'être seuls
responsables des crimes abjects du terrorisme commis en leur nom.
Bien sûr, les
terroristes n'ont rien à voir avec l'islam duquel ils se réclament. Bien sûr
que le terrorisme au nom de l'islam frappe en priorité les musulmans dans le
monde musulman. Et pourtant..., l'opinion publique occidentale non musulmane
tient l'islam pour responsable des atrocités commises en son nom et, du coup,
son regard sur les musulmans est marqué par la suspicion et l'inquiétude. C'est
la triste réalité vécue par les musulmans vivant dans les pays occidentaux.
«Ils n'aiment pas notre mode vie et nos mœurs», disent les uns. «Ils nous
haïssent et veulent nous imposer leur mode de vie à eux», disent les autres en
parlant non plus des tueurs terroristes mais des communautés musulmanes. Le
soft des nouveaux penseurs ajoute qu'il n'y a pas de musulman modéré parce que
l'islam est par essence conquérant et se fixe de régenter la vie des sociétés,
donc de nature politique et incompatible avec la démocratie». En face, des
théologiens, penseurs, exégètes, philosophes, chercheurs musulmans reconnus
s'échinent et tentent inlassablement à démontrer que l'islam est une religion
comme les autres, qui ne s'impose pas aux autres religions, ni aux individus
par la contrainte et qui bannit la violence, condamne le crime de quelque
nature et pour quelque raison que ce soit, promeut la solidarité, l'amour du
prochain et le bien. Rien n'y fait. La suspicion, le doute, la peur et le rejet
des communautés musulmanes s'installent dans les sociétés occidentales jusqu'à
devenir des obsessions lors d'événements douloureux qui suivent des attentats
terroristes où de vagues migratoires intenses même
conjoncturelles. Ce syndrome de «l'islam politique» se transforme lors de
crises sociales et économiques en «syndrome des musulmans». La classe politique
se mobilise alors pour répéter qu'il ne faut pas céder à l'amalgame, à la
colère, à la haine, à l'islamophobie pour préserver l'ordre et la paix sociale.
Ces situations de crises et de crispations communautaires, ponctuées
conjoncturellement de moments de grandes violences sociales culminant ces
dernières années avec l'horreur des attentats sanglants qui frappent des foules
de civils, aggravent la séparation des communautés si nombreuses et diverses,
désignent les communautés musulmanes comme le «camp des pestiférés», les
encerclent de clichés, d'a priori et de stigmates, les isolent encore plus dans
leur malheur et leur solitude. Jusqu'à les convaincre de leur incapacité
d'adaptation à la modernité, la démocratie, voire même de leur culpabilité dans
les horribles crimes des terroristes dont ils sont pourtant les premières victimes
depuis longtemps chez eux, dans les pays dits musulmans. Jamais depuis
l'avènement de l'islam voilà 15 siècles, les musulmans n'ont été aussi ciblés,
aussi meurtris, aussi seuls. Jamais la responsabilité des musulmans n'a été
aussi solicitée pour que le monde se débarrasse
définitivement de la violence politique et des crimes commis en leur nom. Le
discours occidental dominant les tient pour seuls responsables des crimes du
terrorisme. Enorme responsabilité qui n'est pas si infondée qu'elle ne paraisse
à condition qu'elle ne la laisse pas sur les épaules des seuls musulmans. Et
pour cause, la responsabilité des politiques occidentales et leurs relais
médiatiques, idéologiques, voire même culturels (littérature, philosophique,
etc.) n'est pas si innocente dans le risque pour l'humanité entière d'un
«affrontement des religions», d'un «affrontement des civilisations» que prônent
les nouveaux sorciers de ce siècle. Les guerres provoquées au nom d'intérêts
géostratégiques dans les «terres musulmanes» en Syrie, Libye, Yémen,
Afghanistan et les violences à leurs périphéries en Tunisie, en Egypte, au Mali
et ailleurs sont-elles menées pour aider ces pays à accéder à la démocratie et
la liberté ? Est-ce vraiment par amour et pitié pour les
peuples libyen et syrien que la France les a bombardés pour les
débarrasser de leurs «dictateurs» ? Bombardés, massacrés, exilés chez eux, les
musulmans sont isolés, stigmatisés, rejetés, culpabilisés en Occident. Chez
eux, dans leurs pays d'origine, ils vivent d'autres affres, d'autres misères :
régimes politiques policiers, répressifs, souvent corrompus, médiocres et
par-dessus tout serviteurs complices des puissances occidentales. Pris entre
les appétits géostratégiques des puissances occidentales et la vassalité et la
compromission de leurs régimes politiques, les musulmans errent entre «Dieu et
les hommes». Lorsqu'ils se tournent vers leurs lieux -saints en Arabie
Saoudite, ils ne voient que violences, guerres contre d'autres musulmans, déni
de liberté, despotisme et malheur. Lorsqu'ils se tournent vers le troisième
Lieu saint de l'islam, Jérusalem (El Qods), ils
constatent l'innommable: occupation par l'Etat
d'Israël, meurtres en permanence qui s'apparentent à un génocide des
Palestiniens, sans que cet Occident et les autres Etats de pays dits musulmans
réagissent, accourent au secours des Palestiniens assassinés, expulsés de chez
eux depuis plus de 60 ans ! Et s'ils crient leur colère et leur douleur contre
l'Etat sioniste usurpateur de leurs maisons et terre, très vite, des porte-voix
du sionisme envahissent les plateaux de télévision pour défendre
l'indéfendable. Les musulmans sont meurtris, avilis, expulsés de chez eux,
stigmatisés ailleurs, terrorisés chez eux et sont accusés, responsabilisés des
crimes terroristes faits en leur nom. Enfermés dans une si
grande solitude, si injuste et si triste. Combien de temps durera cette
damnation des musulmans de ce siècle? Combien de temps
faudra-t-il au reste du monde et peuples pour comprendre que les musulmans ne
sont pas autre chose que des humains comme eux avec une croyance et une foi
religieuse pas si différente que les autres religions et fois?
Qui aura l'audace et la sincérité de dire la vérité sur cet énorme
bouleversement géostratégique du monde mené par les puissants au nom d'intérêts
multiples et contradictoires et dont les musulmans font les frais aujourd'hui ?
Leurs pays dévastés et des atrocités terroristes commises contre eux et contre
les autres en leur nom, les musulmans ne cessent de le dire, de crier que leur
foi leur interdit toute violence et les pousse à aimer tout vivant sur cette
terre et de combattre toute forme de terrorisme quel qu'il soit au nom de
quelque cause évoquée. Les entendra-t-on un jour comme lorsqu'ils ont donné
durant sept siècles les plus belles conquêtes de la connaissance, du
rationalisme et de la philosophie au reste de l'humanité qui végétait dans
l'obscurantisme le plus abject, la violence et les guerres ? Pour que les
musulmans ne soient plus seuls face à l'intégrisme idéologique et religieux, à
la violence des guerres au nom d'intérêts géostratégiques iniques, au
terrorisme mené par des fous barbares et sans pitié au nom de leur foi.