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LES DICOS

par Belkacem Ahcene-Djaballah

Livres

Dictionnaire du passé de l'Algérie, de la préhistoire à 1962. Sousla direction de Hassan Remaoun. Edition Dgrsdt/Crasc, Oran 2015 (Imprimé sur les presses de l'Enag, Reghaia), 600 dinars, 630 pages.

C'est peut-être, à mon sens, ce qui manque le plus au pays. Des dictionnaires, des encyclopédies. Des biographies. Des chronologies. Des monographies. Des mémoires... En français, en arabe, en tamazight... Une sorte de bibliothèque qui ferait l'inventaire de tout ce qui a été fait, existé, agi... en Algérie, par des Algériens. Si possible, par des universitaires compétents, en matière de collecte, de recoupement, de vérification et de synthèse. Bref, de la recherche-inventaire.

Bien sûr, bien des ouvrages allant dans ce sens ont déjà été publiés et il n'est pas question de les exclure ou de les freiner. Bien au contraire. Ils ne pourront qu'apporter des infos' nouvelles au «moulin» (les laboratoires) des chercheurs. D'ailleurs certains titres sont d'une qualité indéniable (ex : les dictionnaires de Achour Cheurfi, les mémoires de moudjahidine à l'instar de Mazouzi, Drif, Chadli, Taleb Inbrahimi, les essais de Lacheraf...).

Le travail édité a nécessité plusieurs années (quatre) de dur labeur. Dictionnaire historique, avec une ouverture sur l'anthropologie, il est constitué de 145 entrées /notices (ce qui est bien loin de l'exhaustivité), mais l'essentiel est là. Tous ceux qui ont fait l'Algérie depuis la plus haute Antiquité jusqu'à l'Indépendance et tous les événements ayant marqué cet espace ne sont pas mentionnés, certes, mais le plus important est là. En attendant, «comme on dit», un travail revu et, surtout, «augmenté» (on y pense, on y pense !). Tout en ne succombant pas aux (inévitables) pressions multiformes pour intégrer «un tel» ou tel événement ; l'essentiel, pour l'honneur et la gloire de la recherche scientifique nationale, devant rester à la rigueur et à l'impartialité. Le lecteur appréciera.

Les notices sont présentées dans un ordre alphabétique, ce qui donne, au départ, une (fausse) impression de mélange illogique. Cependant, on s'aperçoit, au bout de quelques fiches, que cette présentation facilite grandement la recherche en la rendant bien plus rapide... comme tout bon dico'. On commence donc, à tout seigneur tout honneur (quel hasard !), par Abbas Ferhat, suivi de Abd Al Mu'min Ibn Ali et Abd el Kader... pour finir avecYaghmurasan, (les) Zénètes, (les) Zirides et (les) Zyanides... en passant par (le) Christianisme en Afrique du Nord, (le) Congrès de la Soummam, (l') Union générale des travailleurs algériens et (le) Wilayisme.

L'Auteur : Equipe du Dicrahm du Crasc. Programme national de recherche : Population et société (Pnr n°31, 2011-2013). Membres du projet : Sept (7). Contributeurs : Vingt (20)

Avis - Outil de travail indispensable... et à la valeur indiscutable d'autant qu'il y a une riche bibliographie de quelque 600 titres, un index regroupant 1.600 références, une (petite) liste des sigles... Lecture aisée, facilitée par une présentation succinte.

Citations : «Le passé de l'Algérie ne pouvait être isolé des dynamiques globales et des grandes réflexions inhérentes au processus historique mondial, au sein duquel l'Afrique du Nord et le Maghreb central ont évolué» (Hassan Remaoun, p 17).

Algérie. Arts visuels. Un siècle de création et de créateurs : 1896-2014. Dictionnaire de Mansour Abrous. Editions Dalimen, Alger 2014, 1.800 dinars, 857 pages.

Ce qui est très intéressant dans cet ouvrage, c'est qu'il remonte le temps, bien loin, donnant ainsi aux arts visuels algériens une histoire qui date de... 1896 ; date qui avait vu la première exposition, à Londres, de Ben Yusuf (Benyoucef) Zaïda : Née à Londres, en 1869, d'un père algérien, Mustapha Moussa Benyouseph Nathan et d'une mère allemande, elle était partie aux Etats-Unis, en 1895 et avait conquis le monde de la photographie (surtout le portrait), du journalisme et de la mode. Devenue américaine, elle décède en 1933. Ce qui est intéressant dans cet ouvrage, c'est qu'il nous présente, en plus des éphémérides (en Algérie et activités algériennes à l'étranger) 4.545 biographies actualisées, vérifiées, validées. Un travail colossal que l'on sait mené avec passion et entêtement depuis, déjà, des années et des années.

Une véritable «base de données», un socle de connaissances et d'informations, plus qu'utiles aux universitaires et chercheurs, aux journalistes, aux artistes et à tous les acteurs culturels.

Certes, certaines fiches documentaires sont bien maigrichonnes, mais la plupart sont quasi-exhaustives, complétées par la liste des expositions individuelles, les comunications, la bibliographie (presse et/ou ouvrages consacrés à l'artiste)... et même l'adresse électronique...

Selon l'auteur, 29% des biographies relèvent d'artistes femmes, le reste étant consacré aux plasticiens masculins.

Certaines femmes, en fondant un foyer, délaissent quelque peu cette activité ou bien elles y reviennent plus tard. 39% de ces artistes ont reçu une formation, notamment à l'Ecole des beaux-arts. 47% sont nés avant l'indépendance. 86% vivent en Algérie et 14% résident à l'étranger et évoluent, notamment, au Canada, Belgique, France, Allemagne, Londres et en Afrique. Parmi eux, il y a des binationaux et ceux qui ont vécu à l'étranger et sont revenus. Abrous Mansour parlera d'un «système de vidange en Algérie qui expulse les artistes à l'étranger pour aller s'installer, notamment en France et en province, par exemple. Il existe seulement 20% de lieux de conservation des oeuvres d'arts algériennes, en Algérie. La France possède l'essentiel de la conservation des oeuvres d'artistes algériens. 228 de ces lieux sont à l'étranger. Sur 4.501 artistes recensés, 45% sont encore en activité dans ce domaine.

L'Auteur : Né à Tizi Ouzou, en 1956. Diplômé de psychologie et d'esthétique, il a enseigné à l'Ecole des Beaux Arts d'Alger et il est, actuellement, chargé de mission à la Ville de Paris (ou directeur de la Culture à Créteil ?).

Avis - Outil de travail indispensable...et à la valeur indiscutable. A consommer sans modération... d'autant qu'il est cher !

Citation : «Il faut inciter les pouvoirs publics à créer les conditions d'évaluation des politiques publiques, à financer un observatoire des politiques et de l 'action culturelles, à aider à la construction d'outils d'analyse pérennes et à faciliter l'émergence de recherches plus approfondies, en lien avec l'université «(p 7)

Dictionnaire algérien des noms propres. Arts, Histoire, Littérature, Sports. Sous la direction de Kheïra Merine. Edition Dgrsdt/Crasc, Oran 2013 (Imprimé sur les presses de l'Enag, Reghaia, 2014), 400 dinars, 315 pages.

C'est un dictionnaire des noms propres, mais il contient aussi des événements algériens célèbres (en fait seulement trois , les Accords d'Evian, le Traité de la Tafna et la Plate-forme du Congrès de la Soummam) qui ont marqué la période de l'an mille (1.000) à nos jours.

Quatre chapitres : Les Arts (la caricature et la bande dessinée, la peinture, la sculpture, la musique, le théâtre...), l'Histoire et (curieusement) les Sciences, la Littérature et les Sports. Quatre chapitres avec des références bibliographiques (sauf, curieusement, des «références sitographiques» pour les Sports comme s'il n'y avait pas assez d'ouvrages sur le sport algérien.

L'Auteur : Bendjalid Fouzia, Berrehal Nabil Zoheir, Mérine Kheïra et Souig Mohamed Saoudi. Programme national de recherche 2008-2011: Population et société (Pnr n°25)

Avis - Ouvrage utile bien qu'incomplet et assez déséquilibré. Les photographies accompagnant les fiches documentaires apportent un plus (+) par rapport aux autres travaux.

Citations : «Ce qui est considéré comme étant célèbre doit au moins, servir la mémoire collective d'une nation, d'une communauté, à travers lesquelles il pourrait s'inscrire universellement» (p 7), «Nous avons jugé comme étant célèbre toute personne ayant marqué son temps par son apport intellectuel, politique et/ou militaire, religieux, artistique et sportif. L'impact de cet apport devra avoir survécu dans le temps et dans l'espace, de manière à nourrir les mémoires collectives, localement, et à s'inscrire dans une dimension universelle» ( p 9)

PS : Lu dans la presse : «Pour que l'Université cesse de former des «diplômés» sans réelles compétences, il serait juducieux d'ouvrir, largement, les portes à des gens qui, sans diplômes de doctorat et sans agrégation, ont tout de même une expérience immense dans leur spécialité et ont donné leurs preuves sur le terrain. Il faudrait, résolument, s'orienter vers un recrutement de formateurs, ne serait-ce qu'à temps partiel, basé exclusivement sur leur compétence». Merci, Mme Naïma Guendouz-Benammar, enseignante à l'ENS d'Oran, d'avoir formulé bien clairement ? Entretien, in El Moudjahid, lundi 18 janvier 2016 - ce que j'ai toujours dit tout haut. Il y a tant et tant de cadres retraités, encore bien jeunes , capables d'encadrer et/ou d'enseigner. Une idée pas facile à mettre en œuvre tant le corporatisme a gangréné la famille universitaire et la bureaucratie «congelé» l'Administration.

Lu récemment dans «Le Quotidien d'Oran» : «La critique littéraire en Algérie n'esiste pas», selon le grand écrivain Wassiny Laredj. «La critique universitaire existe mais ne sort pas de l'enceinte universitaire». La critique de presse, oualou. Sévère ! Il faudrait qu'il y ait d'abord des efforts (une présence réelle et continue) de la part des éditeurs, des libraires... et des auteurs. Par ailleurs, l'objectif principal de la critique de presse (celle destinée au large public et non à des élites, c'est-à-dire très spécialisée comme les publications universitaires ou para-universitaires) est d'abord et avant tout d'amener (ou de ramener) les citoyens aux actes d'acquisition du livre et de la lecture.