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Migrant, cet ovni « terrien »

par M'hammedi Bouzina Med

Fuyant la guerre et la violence chez eux, les réfugiés-migrants affrontent en Europe une autre violence plus pernicieuse : le racisme et la xénophobie.

Il n'y a plus de migrants, que des réfugiés. Ou l'inverse, on ne sait plus. Peu importe migrant ou réfugié puisque il s'agit d'étranger d'un genre nouveau tant il a un comportement et une façon de vivre, pour le coup, étranges. Au Danemark, après l'avoir dépouillé de ses maigres biens, hormis la bague- alliance pour sa valeur sentimentale, il faut l'éduquer aux valeurs du pays : comment entamer une conversation avec un ou une danoise, quelles sont les normes du dragage, respecter une file d'attente dans un magasin, ne pas négocier un prix dans une surface commerciale? un programme pédagogique pour un « Mogli » ou « Tarzan » découvert à l'orée d'une forêt. C'est ce qu'a mis en place le gouvernement danois pour les migrants qu'il accueille chez lui. Aux Pays-Bas, les migrants reçoivent des cours sur les mœurs sexuelles et les habitudes coquines libres dans le pays, expliqués comme un acquis de liberté du peuple néerlandais et auxquelles il leur faudra s'habituer et adhérer pour être acceptés. Et ainsi de suite dans plusieurs pays Européens les gouvernants mettent en place des programmes d'apprivoisement de ces femmes, hommes et enfants venus d'ailleurs avec leurs bagages d'habitudes, de mœurs, de cultures si étranges et si périlleuses pour les européens. Pardi ! Hier seulement les gouvernements européens se révoltaient contre la destruction par les barbares terroristes de Daech des Vestiges de Palmyre dont les « ruines » témoignent de la grandeur de la civilisation de cette Syrie aujourd'hui livrée à la sauvagerie de la guerre. En Afghanistan, la destruction par les talibans des statues de Bâmiyân en mars 2001 ont sonné la charge de plus de 54 pays occidentaux menés par les Usa de Georges Bush à envahir à coup de bombes ce pays. Au Mali, la destruction partielle de la bibliothèque de Tombouctou a horrifié le reste du monde. Le pillage du musée de Bagdad au lendemain de l'envahissement de l'Irak a scandalisé le monde des arts et de la culture. Ces peuples de réfugiés de guerres aujourd'hui ont, donc, bien un passé culturel et artistique de haute facture ? Ils ont une civilisation raffinée et un héritage culturel qui n'ont pas encore livré tous leurs secrets, leurs subtilités, leurs sagesses et leurs savoirs ? Comble de l'ironie, ce prodigieux développement des arts, sciences, culture a atteint des summums au moment où cet Occident si craintif aujourd'hui vivait dans la violence, les guerres, la misère et surtout l'ignorance et la barbarie de toute l'ère du Moyen-âge. Cet étranger d'aujourd'hui, ce réfugié, ce migrant venu de ces contrées livrées, à leur tour, à la guerre et la violence n'est donc pas un « déraciné » de l'histoire et de la civilisation. Il ne vient pas d'une autre planète comme un « E.T », un extraterrestre à bord d'un Ovni. A supposer, d'ailleurs, que nous terriens sommes plus « civilisés et libres » que les éventuels êtres vivant sur d'autres planètes. La bêtise du racisme au sujet des migrants- réfugiés a atteint l'innommable cette semaine en Belgique, dans la ville de Coxyde : un jeune irakien a plongé dans une piscine pour sauver une fillette qui se noyait. Interprétation par les personnes présentes dans la piscine : il a procédé à des attouchements sexuels. L'irakien est embarqué par la police, placé en garde-à-vue et le conseil communal réuni dans l'urgence débat de la possibilité d'interdire la piscine aux réfugiés et migrants. Deux jours après l'enquête conclue : l'Irakien a voulu sauver une noyée. L'information sur le geste de sauvetage de la fillette a été traitée par quelques filets de presse écrite et quelques secondes sur les chaines de télés. Celle l'accusant d'agression sexuelle a été narrée durant trois jours et a mis en alerte des élus et responsables politiques. Ce genre d'épisodes mettant en cause la « sauvagerie » des migrants et réfugiés, répétés inlassablement par les médias, distille son venin de racisme et de xénophobie au sein de populations occidentales fragilisées par des situations sociales qui perdurent. Les responsables politiques occidentaux s'enfoncent inexorablement dans ce magma de préjugés, de clichés collés aux peuples arabes, musulmans ou pas et répondent par une stratégie purement fantasmée, politicienne et dangereuse pour tout le monde. En ce début d'année 2016 le débat politique en Europe, aux Usa, en Australie, au Japon?en Occident est centré, obsédé par le risque d'attouchement sexuels sur les femmes occidentales que sur la terrible violence des guerres qui frappent ces populations et leur dramatique exile forcé. Pourquoi ces guerres ? Qui les mène ? Qui livre les armes ? Ce genre de question est éludé et laisse la place aux attouchements sexuels. Allez ?y savoir qui est l'obsédé, en réalité, dans cette histoire. Et ce n'est pas rien que le début de cette ignominie a débuté en Allemagne, devant une gare, c'est-à-dire dans le pays qui a accueilli près d'un million de réfugiés et migrants en quelques semaines. Comme pour dire à l'Allemagne d'arrêter son élan de générosité. C'est ce qu'à fait l'Allemagne en ce début d'année. Même si l'enquête sur l?affaire de la place de la gare de Cologne n'a pas livré tous ces secrets et expliqué ce qui s'était réellement passé : qui a organisé la honteuse nuit du harcèlement des femmes. En attendant le résultat de l'enquête, les bombes occidentales continuent à tuer en Syrie, Irak, Yémen et ailleurs.