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L'ECOLE ENTRE «PASSABLE» ET «PEUT MIEUX FAIRE»

par Moncef Wafi

Assiste-t-on à une véritable révolution dans le paysage éducatif algérien ? L'annonce faite ce jeudi par Benghebrit de l'adoption d'un nouveau système d'évaluation des élèves ne peut être qu'une bonne nouvelle pour l'école algérienne ankylosée dans une tradition pédagogique qui a montré ses limites depuis l'introduction des nouvelles méthodologies d'enseignement et les réformes induites.

La ministre de l'Education nationale a décidé donc de réviser une évaluation qui passera de globale à ciblée. L'enseignant ne se contentera plus de donner une note et une observation aussi laconique qu'imprécise du niveau de l'élève mais devra, dorénavant, l'évaluer en définissant exactement ses lacunes dans chaque matière en vue de faciliter leur traitement et leur assurer un soutien scolaire. Exit donc les mentions littéraires du genre «bien», «passable», ou «peut mieux faire» et place à une évaluation plus personnalisée, à la carte si l'on peut dire. L'évaluation trop souvent limitée à l'examination avec au final des notes et un calcul de moyennes réduisent l'apprenant à un simple chiffre porté sur un bulletin de fin de trimestre.

En optant pour cette approche, la ministre reconnaît l'inefficacité de l'ancienne formule «qui n'a pas donné de résultats», précisant que c'est à l'inspecteur de l'éducation qu'échoit cette opération, premier responsable qu'il est de l'enseignant. Mme Benghebrit a également insisté sur l'importance de l'entraide entre les élèves à travers l'organisation de groupes pour la révision des leçons et la résolution des exercices, supervisés par les plus brillants d'entre eux.

Un pas dans la refonte de l'école qui n'est pas le monopole exclusif de l'Algérie puisque des pays ont depuis longtemps rectifié leur système d'évaluation des élèves. Ainsi, certains pays nordiques, à l'image de la Finlande, la Suède ou le Danemark, ont supprimé les notes, notamment au primaire sans que cela n'influe négativement sur le travail d'évaluation de l'enseignant avec des bilans qualitatifs des élèves plus étoffés. Au Danemark, un pays à la pointe de la réforme scolaire, l'enseignant consigne dans un programme les forces et faiblesses scolaires de l'élève, un bilan de son développement psychologique et social, les objectifs pédagogiques que l'élève doit atteindre ainsi que les moyens et méthodes pédagogiques que lui-même mettra en œuvre pour que l'élève atteigne ces objectifs. En Irlande, les enseignants doivent intégrer l'auto-évaluation de leurs élèves dans leurs pratiques évaluatives. D'autres pays ont remplacé la notation chiffrée par une évaluation en niveau de performance, exemple par lettres alors que dans les pays restés fidèles à la notation chiffrée, les échelles d'évaluation varient fortement.

Pourtant, cette volonté d'aller de l'avant dans la réforme de l'école algérienne butera certainement sur nombre d'obstacles en premier le niveau même de l'enseignant, trop décrié pour être à la hauteur des attentes, et le nombre d'élèves par classe qui dépasse la cinquantaine. Ces deux paramètres conjugués à des éléments extra-pédagogiques comme le transport scolaire, le chauffage des classes et l'apport nutritionnel de nos pauvres cantines fausseront certainement toute évaluation possible, même danoise ou suédoise.