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Communes à promouvoir, une fugitive vision Prospective

par Farouk Zahi

Cette option, accueillie favorablement à la fin des années 80' par les profondeurs territoriales, à travers leur représentation élective et les commis de l'Etat en charge de la chose publique, a fait malheureusement long feu.

Logique, transparente et consensuelle, elle devait faire émerger des zones jusque là placées dans la pénombre du sous équipement. Une simple cartographie des équipements de base faisait apparaitre des différences criantes entre les divers bassins de population d'une même collectivité locale ou territoriale. Les ratios et les normes nationales admises, sont ajournés sine die pour différents motifs qui vont de l'insuffisance des autorisations de programmes, à la priorisation, parfois arbitraire, d'une zone sur une autre ou tout bonnement sous la pression du lobbying local ou même tribal dans certains cas. Si dans l'économie mondiale, on en appel à plus d'équité et de justice sociale entre le Nord et le Sud dans la répartition des ressources, il est du devoir des pouvoirs publics de veiller à l'application de cette exigence populaire en intramuros. Une simple visualisation de l'espace socioéconomique, confirmera le déséquilibre en matière de développement entre un nord boulimique et un sud famélique dans une même entité administrative. Cette différence est observable à travers les communes de la capitale même. Il n'y a aucune comparaison entre la commune de Bir Mourad Rais et celle de Baraki.

Quant à l'intérieur des territoires, tous les « sud » des wilayas accusent des retards de développement significatifs que ce soit en matière d'encadrement humain, de mobilité, d'habitat, d'urbanisme ou de loisirs. En ce qui concerne la mobilité, pendant que de grands groupements humains s'échinent, quotidiennement, en quête d'un moyen de transport régulier, ceux des chefs lieux disposent des transports urbains, communaux et universitaires aspirant même au tramway. Quant au volet culturel, un simple coup d'œil à la presse nationale dans ses pages culturelles, renseigne sur le marasme mortifère vécu par la majorité des profondeurs du pays. Entre le gavage et le sevrage, l'écart est sidéral à se demander si le choix n'est pas délibérément fait.

Il est, cependant, fait recours au pittoresque de ces contrées qui susciteront la joie des enfants par leurs troupes folkloriques ou l'émerveillement des adultes par leur baroud ou leurs fantasias lors d'évènements nationaux ou autres festivals. L'inverse n'est pas évident. Mais alors, à qui revient la lourde charge du rééquilibrage programmatique? Assurément pas aux élus mais à l'exécutif qui ne relève d'aucune chapelle. Il est là et seulement là pour la chose publique. La prospective et l'évaluation ne peuvent relever que de staffs aguerris, ne s'embarrassant d'aucun état d'âme. Il s'est trouvé, parfois, des cadres moyens, mais détenant un réel pouvoir dans les administrations locales, qui se complaisaient à mettre sous le coude des dossiers relatifs à des projets de développement mais dont la destination ne concernait pas leur clocher politique ou clanique. Quant aux élus locaux et dans une proportion non négligeable, leur souci majeur est de se forger un statut social d'abord pour ensuite s'occuper de développement dans sa connotation émancipatrice. Ils évitent généralement les projets structurants qui demandent plus de maitrise et plus de temps. La stèle, le trottoir, le rond point et le mobilier urbain sont devenus l'exercice préféré. Un jet d'eau incongru dans une localité où l'eau est presque rationnée relève plus du burlesque que d'une démarche murement réfléchie. Les enfants dont la malice est légendaire, en feront des bassins de barbotage lors des canicules. Un clin d'œil entendu à ceux qui ont réalisé la « Chose ». Les ronds points ornés de cruches, de personnages figés dans une posture de danse et de grotesques répliques de métier à tisser tentent de restituer pâlement les vestiges d'une tradition populaire en jachère.

Dans une localité semi désertique du sud-algérois et qui manque de tout, la collectivité locale n'a pas trouvé mieux que de réaliser une stèle surmontée d'un bras et dont la main tient fermement un flambeau. Dallage au marbre et bancs publics en fonte comme on en fait dans les grandes villes. A moins de cent mètres du lieu prônent une dizaine de « locaux du Président » éventrés et livrés aux déprédations.

Que dire encore de ce mobilier urbain semé à l'emporte-pièce et qui ne répond à aucune règle esthétique. Et çà va de l'abri bus vitré dont le lustre jure avec son assise en terre battue, aux candélabres en fonte et très couteux et dont les luminaires blafards n'ont rien à voir avec l'éclairage public. Etêtés parfois, ils ne seront jamais remis en l'état. Ceci renseigne un tant soi peu, sur la navigation sans sextant technique capable de corriger les trajectoires. La mode qui est à l'alucobande semble conquérir de plus en plus d'espace, même dans les désolations steppiques. Atypiques, les nouvelles bâtisses aux couleurs criardes jurent par leur dissonance avec l'environnement immédiat. Un journal arabophone se posait la question de savoir pourquoi une meute de chiens s'agglutinait, journellement, auprès d'une antenne administrative d'une importante ville des Hauts Plateaux ? La réponse était dans la couleur « rouge vif » du bâtiment ; les canidés fidèles au concept Pavlovien l'ont tout bonnement pris pour une boucherie.

A cette allure et au rythme où va l'inconséquence, il n'y aura plus de cachet architectural local. Depuis l'avènement de la couleur « orange » introduite par les premiers bâtiments construits par les Chinois au sortir de la bretelle auto routière de Ain Naadja, cette couleur n'arrête pas de spolier tous les espaces, même les Travaux publics ont en fait une couleur phare. L'injure ne s'arrête pas seulement au coloris, elle touche les fondements mêmes de la personnalité nationale si tant elle existerait. La colline la plus importante du Parc de loisirs des « Grands Vents » exhibe sans retenue, sa pagode bouddhiste. La construction privée, n'est pas exempte de cette propension simiesque à imiter l'autre. Remarquée à l'est du pays, la tendance architecturale chez les nouveaux riches, est parfois médiévale par ses donjons et meurtrières, parfois asiatique par ses toitures abruptes et évasées en cloche. Il ne manquerait que le pont levis pour ces preux chevaliers du 3è millénaire.

La civilisation d'une culture est portée d'abord par son architecture. Arrêtons le massacre ! Si la capitale a opté pour le palmier pour son horizon 2030, et c'est une bonne chose pour la première devanture du pays, fallait-il pour autant que d'autres communes insignifiantes démographiquement empruntent les mêmes sentiers ? Rabougris et faisant peine à voir, ces milliers de palmiers semés à tout va auraient pu garder, avantageusement leur terreau, ne serait-ce que pour l'ombrage. Cette perdition élective est, présentement, accentuée par des « guéguerres » partisanes où l'immobilisme serein s'est durablement installé sans préjudice des fâcheuses conséquences induites. Il est parfois fait exception à cette « Bérezina » urbanistique par certaines communes à l'instar de cette station thermale de Hammam Sokhna dans la wilaya de Sétif qui surprend agréablement par son aspect extérieur propret et accueillant.

Ces fresques murales restituant des figures historiques, son sanctuaire (Raoudhate Echouhada), son siège communal, sa subdivision des Forets à l'architecture audacieuse, tous ces édifices concourent à une harmonie apaisée du site. Et dire que cette collectivité n'était au départ qu'un petit village socialiste agricole né en 1982. On s'y arrête, quand on n'est pas curiste, soit pour s'attabler sur ses nombreuses terrasses de restauration soi, pour se reposer dans sa belle pinède à sa sortie sud. L'exubérante prospérité de cette localité est probablement générée par le dynamisme touristique et dont le thermalisme constitue le pivot principal.

En plus de la dizaine d'hôtels, motels et centres de repos, de nouveaux chantiers émergent en altitude. Les revenus fiscaux issus de la manne thermale seraient-ils derrière cette mue urbanistique ? Sans nul doute, mais cela n'explique pas tout, sinon Hassi Messaoud ressemblerait à Doha. Le vrai génie n'est pas dans la ressource financière seulement, mais surtout dans la ressource humaine.