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Horreur et indignation

par El Yazid Dib

Un crime a été commis, une revanche se prépare. Paris a peur. L'autre aussi.

L'un vit l'horreur, l'autre l'indignation. Une vie condamnée dorénavant à être ainsi menée.

L'overdose a tué la simple information. L'actualité internationale est française. L'effroi parisien s'est transformé en une affaire d'antennes, de plateaux et de satellites. Charlie est encore sur tous les visages qui ont voulu dire clairement ce qui était jusqu'ici sournoisement enfoui. La faute à l'autre. Celui, dans qui pense-t-on s'incarne l'embryon de la terreur et de l'atrocité. La grande aubaine à permis encore une fois à une certaine frange droitière et extrémiste d'avaler à la régalade l'animosité envers l'autre. Cet être là, qui voile sa couleur, qui fait taire sa foi, qui se lève tôt, qui emprunte le métro et qui va maintenant rapetisser sa présence, après l'avoir abrégée publiquement. A voir ce qui se trame dans la cavité des esprits revanchards il semblerait qu'un affrontement est assurément annoncé en riposte à des actes odieux et ignobles unanimement condamnée. La réplique sécuritaire et liberticide qui va s'en suivre aurait déjà quant à elle commencé son impétueuse marche. La descente aux abimes pour les uns, la conquête des espaces pour les autres ! Le terrorisme n'a pas de propre patrie. Il est sans nationalité, sans identité et sans morphologie. Il ignore tout simplement la géographie. Il ne s'exerce pas exclusivement contre un nord atlantique ou ne s'abat que sur des bords dorés. Ses victimes ne sont pas seulement celles à qui l'on donne le statut de démocrates, de liberté et de la libre conscience. Ce sont les musulmans qui ont été et sont la première cible. Le plus important nombre est inscrit au Maghreb et en orient. A Ghaza, en Syrie, en Irak, en Algérie.

Que l'on n'aille pas de si tôt lancer les amalgames et diluer la faiblesse du réseau de défense et de protection du territoire à une religion plus qu'à une doctrine.

Obscurantiste et criminelle. L'Islam dans ce concert d'accusation a de tout temps constitué les mailles de fond de polémiques, de chaires et d'officines. C'est entre convergence et conflit, Occident et Orient, que l'on parle plus de choc que de civilisation. Mais là le Rubicon semble être franchi. C'est cette croyance que l'on veut ébranler. La solidarité interreligieuse ou entre ethnies est plus que fondamentale. Une nécessité biologique.

Paradoxe des temps ! Comment un attentat ressuscite t-il à chaque avènement un débat que l'on pensait semi-clos pour exhumer davantage des ossements en finalité impérissables ? On impute l'insanité non pas à un auteur mais à une conception paraissant l'animer. C'est comme l'on accuse le savoir technologique ayant permis la bombe d'Hiroshima et non son utilisateur. Pour ainsi dire que la religion n'est redevable, ni coupable en rien du résultat par celui qui croit s'en servir.

Le monde pond des règles au profit de ceux qui le font et au prorata de leurs muscles. Il s'agrandit ou s'amoindrit à la mesure de ceux qui le voudraient ainsi ou autrement. En somme, il est comme une religion quelconque ; sans attention à ses débuts ; embarrassante à son expansion. Doctrine ou inspiration dite céleste ; elle s'écarte comme une carte bipolaire de la tolérance vertueuse à la terreur tumultueuse. Le cœur en parle. La société française, heureusement pas toute, s'enrêne dans «l'aveugleté» et l'intolérance. Mais avec ces énièmes attentats, il est difficile de pouvoir croire encore en cette obligation de faire la distinction entre l'un et l'autre. L'extrémisme est devenu un fléau interplanétaire. Il dépasse les seules frontières d'un unique et seul Etat.

Sans cette retenue minimale, tout sens et toute dimension rattachée à une quelconque progression sociale, ne sauraient être éligibles à arborer haut et fort un qualificatif ou un nom de civilisation. Partant, la civilisation se puise d'une connaissance, croît dans une culture. Les civilisations parviennent au monde comme est survenue la pénicilline aux souffrances de cet univers. Sans religion, sans faciès, sans ethnographie ; elles comblent par des bienfaits des uns les tares et les lacunes des autres. Elles se complètent, s'imbriquent, et cohabitent. En somme, ni le meurtre ni la haine ne sont des termes dans l'encyclopédie des grandes civilisations qui ont pu, depuis la création, façonner l'humanité. Le terrorisme, comme le meurtre ou le mépris, est irréligieux.

Nul besoin n'y est pour clamer des évidences communes aux communs des mortels. Les attentats de Paris, de Beyrouth ou de Palestine sont tous et au même degré condamnables. Visant la vie humaine, ils ne se justifient pas par la domination ou l'hégémonie. Une vie équivaut une autre.

Qu'elle est cette personne qui va avaliser ce qui s'est passé à Paris, cette semaine ? Attenter à une vie ne reste pas punissable juste au titre d'une loi ou d'un contrat social. Le meurtre ou l'adultère n'ont pas attendu une religion élitiste ou la parution du premier code pénal, pour qu'ils soient maudits et récusés par la conscience sociale et interdits par la volonté législative de l'homme. La religion certes n'est pas un tout mais elle est dans ce tout. La loi n'est non plus le tout. Tout se complète et se complémente. Il existe bien un code répressif condamnant l'inceste et la malversation dans des pays se proclamaient d'un athéisme affiché. La morale n'a pas pour rester vive et inextinguible, besoin d'un règlement ou d'une ligue. Elle est là, invisible et épiant, comme un vigile silencieux qui ne s'autocensure que par le repentir et le soupir. Les règles sur lesquelles se fonde la morale, remords et regrets, vont fondre par conséquent les actes répréhensibles et récusables plus que ne le fait l'homme dans ses tentatives de contractualiser les préceptes moraux. Ce que le monde actuel a de plus en plus besoin c'est cette conjugaison d'efforts afin de vaincre la peur et anéantir collégialement et à jamais ces agissements monstrueux.

Ce qui caractérise un débat par rapport à un conflit c'est la force de la preuve et non la force à l'épreuve ou l'épreuve de force. Si l'Occident avec la science et la technique qui ne lui sont par ailleurs, en aucun cas exclusifs car, propriété de l'humanité entière, veut bien entretenir ou continuer le débat du jour déjà entamé en sourdine, depuis l'Hégire chez le roi d'Ethiopie, qu'il le fasse en ayant les coudées franches tout en expurgeant tout sentiment de réprobation, de haine et d'ostracisme. Sommes-nous, nous et le reste du monde suite à l'horreur parisienne survenue récemment des individus à différencier uniquement à l'aide des critères de lignages et de croyances ?

Les commentaires vont bon train. Les interprétations se veulent tenaces. La théorie du complot a de tout temps scintillé sur tout ce qui n'arrive pas à s'expliquer

Le combat à mener contre ce phénomène est de longue haleine et requiert une approche universelle unique et solidaire à même de mobiliser toutes les volontés et d'élever le degré de collaboration gouvernementale. Une franche et loyale coopération politique et sécuritaire. Seul, l'on ne peut agir.

Avoir une pensée infléchie pour dire que je me sauve la tête, restera une insuffisance de démarches. La France n'est pas le seul pays à souffrir de ces ignominies. C'est l'humanité entière qui en pâtit. Que les puissances mondiales abandonnent cette politique d'inégalité dans le traitement des conflits et s'investissent davantage dans le rétablissement de la paix et de la sécurité partout ailleurs. Vaincre la peur et brandir haut les valeurs républicaines de démocratie et de liberté n'est pas une exclusivité des grandes nations. C'est un besoin que ressent tout le monde. Pour que les peuples et l'humanité entière puissent vivre dans l'harmonie naturelle, il est de ces devoirs moraux de s'unir et d'unir ses stratégies afin que plus personne, n'ait à subir les affres douloureuses de telles actions. Le terrorisme n'est pas une contre-violence. Il provoque bien au contraire de la « brutalité » qui demeure toutefois justifiée si elle est pratiquée uniformément contre toute espèce de violence. L'attaque de la Libye, de la Syrie, de l'Iran, du Soudan et de l'Afghanistan n'avait pas pour autant diminué ni restreint les actions répréhensibles pour lesquelles ces pays furent condamnés.

Le terrorisme continue à sévir et lourdement dans ces contrées que l'on a voulues les voir baignées dans les vertus d'une démocratie qui se fait languir.

Décidément à chaque chose malheur est bon. La douleur française masque d'une éclipse totale toute autre douleur. La notre et celle des autres. Ce n'est qu'une éclipse, l'algie et le mal que ressentent l'Algérie et les autres nations ne pourront par l'effet de la tonalité explosive survenue dans les avenues de Paris ; disparaître pour autant. Cette expression explosive, injuste s'estompera un jour. Tout vient à petit pas. Comme la mort ; elle naît grande et s'amenuise progressivement pour mourir en étant un rien et un néant. Il ne faudrait pas que la définition du terrorisme ait une autre signification, selon le sol, l'identité ou l'objectif. Quoique rien n'acquitte un tel objectif lâche et meurtrier. La lutte est devenue planétaire et intercontinentale. Des exigences lui sont imposables. Agir égalitairement.

L'on imagine mal un enfant adossé à ce qui reste comme vestige d'une frappe israélienne et accoudé à une grosse douille fraîchement usée made in USA entrain de goûter aux délices d'une sucette glacée.

Cet enfant ghazoui, innocence en prime omet pour l'instant de pleurer un père ou une mère pulvérisés par les raids et ensevelis heureusement pas les décombres d'autres décombres. Le malheur ne peut être perçu comme malheur s'il ne se greffe pas à d'autres malheurs. C'est ainsi qu'un attentat signant et revendiquant l'horreur va causer plus de griefs aux survivants de l'autre coté. L'indignation, le mauvais regard, l'accusation.