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Les défis des jeux méditerranéens de 2021 !

par Abdelkader Khelil *

Le président-directeur général du groupe Eden, président de la Fédération nationale des hôteliers, Karim Chérif, a livré dans une interview à TSA ses impressions sur les répercussions de l'organisation des Jeux méditerranéens dans la capitale de l'Ouest en 2021.

Il nous apprend en professionnel du tourisme, qu'Oran dispose déjà de 72 établissements hôteliers qui font d'elle la première ville d'Algérie en matière d'infrastructures d'accueil, avec une capacité de 16.000 lits, auxquels devraient s'ajouter 5.000 lits supplémentaires à l'horizon 2020. « Une manifestation de cette dimension ne peut qu'avoir des répercussions positives aux plans économique, sportif, culturel et même des loisirs. Cela devrait permettre l'accélération de la mise à niveau du tissu urbain de la ville d'Oran. En plus de booster le rythme de réalisation de certains grands projets d'infrastructures lancés durant ces 15 dernières années ». Comme il insiste à juste titre sur la nécessité d'achever avant cet évènement le programme de revalorisation des sites archéologiques en cours, celui de la résorption de l'habitat précaire et de la réhabilitation des vieux immeubles de la ville.

LA METROPOLE ORANAISE EN MOUVEMENT !

Dans mon article, « Oran à la recherche d'un statut de métropole méditerranéenne » paru sur le Quotidien d'Oran en date du 17 juillet 2014, j'avais souligné que « la requalification urbaine fait appel à de grands projets structurants, dont certains ont été réalisés ou en voie de l'être à l'exemple de la nouvelle aérogare internationale. Dans la continuité de cet élan, d'autres opérations d'envergure sont à envisager à une plus grande échelle de temps et de moyens qui s'avèrent indispensables, comme l'aménagement et l'extension des capacités portuaires, ainsi que la ligne de métro, pour forger davantage l'attractivité de cette métropole de l'Ouest et pour assurer le marketing de la ville et sa banlieue, en donnant une valeur foncière et immobilière aux sites à promouvoir ». J'avais aussi précisé que « le défi d'aujourd'hui est fait de concurrence entre villes et régions des espaces maghrébin et méditerranéen. Cette compétition qui n'exclut pas les relations partenariales dans le cadre d'une coopération bilatérale, donnera d'abord toutes leurs chances aux villes qui sauront être les plus attractives. Ce défi de l'heure a pour corollaire le dynamisme de la ville, sa qualité urbaine et ses repères d'excellence dans les secteurs du tertiaire, des technologies de l'information et de la communication, du management, de la culture, des loisirs et du développement durable. C'est dans ce contexte que la stratégie de qualité urbaine devient primordiale. Il faudrait que nous sachions que le dynamisme de chacune des métropoles se mesurera à la qualification des managers, au renouvellement de cette qualification, à la qualité du milieu de la recherche et, plus généralement, du milieu intellectuel. De même, la qualité et les conditions de vie (habitat, services, équipements, présence de la nature) offertes par les villes deviennent des atouts importants d'attractivité des cadres, ressource stratégique de nos entreprises de demain ».

À travers les actifs dormants de ses friches industrielles déclassées, l'étendue de son arrière-pays et les possibilités offertes par sa partie est, Oran préserve toutes ses chances pour une mise en mouvement, et c'est bien heureux que cela soit ainsi, si toutefois l'urbanisation spontanée sans âme ni référents architecturaux est contrôlée. L'objectif autour duquel non seulement les collectivités locales mais aussi l'ensemble de leurs partenaires et la société civile doivent se mobiliser, disqualifie de fait l'utilisation inappropriée du foncier intra-muros et suggère sa réservation aux équipements structurants de haut niveau, qui le valoriseront au mieux.

Dans un second article, « émergence de la métropole oranaise dans sa relation à son arrière-pays », paru sur le Quotidien d'Oran en date du 24 juillet 2014, j'avais souligné : « cette nécessité de faire d'Oran et de sa banlieue une locomotive performante dans les espaces compétitifs des réseaux des villes et des régions, tout d'abord maghrébines et ensuite méditerranéennes, en lui accrochant les wagons que sont les territoires dynamiques d'Aïn-Témouchent, de Sidi Bel-Abbès, de Mascara, de Tlemcen, de Relizane, de Mostaganem, voire de Saïda et de Tiaret, cet arrière-pays profond fait de richesses multiformes et d'une densité de diversités qui configurent cette identité régionale commune et apportent une valeur ajoutée à l'image métropolitaine ».

Dans cette vision qui tend à faire de la métropole oranaise un espace dynamique susceptible d'induire un effet d'entraînement à tout son arrière-pays, les universités d'Oran, de Tlemcen, de Sidi Bel-Abbès et de Mascara se doivent de s'inscrire en réseau solidaire pour donner corps à ce projet générateur de croissance et de prospérité partagée à l'échelle de toute une région. C'est maintenant, en cette période marquée par la restriction de nos possibilités financières, que l'initiative doit être prise par les recteurs pour mettre en place un « comité scientifique », adossé à un « conseil de veille stratégique » dont l'objet est d'établir, avec le concours de bureaux d'études spécialisés, un « master plan » à l'horizon 2050. Et si cette initiative est à prendre sans attendre, c'est qu'au niveau central il n'y a plus cette possibilité de faire de la planification, de la prospective, et encore moins de l'aménagement opérationnel, dans un système de gouvernance marqué par le cloisonnement sectoriel, l'absence de synergie et de convergence des politiques sectorielles, à supposer qu'elles aient existé !

L'AUTRE DEFI A RELEVER !

Oui ! Il est bien heureux de constater qu'Oran est déjà inscrite dans cette dynamique d'un espace en perpétuel mouvement, et ce n'est pas par hasard qu'elle a été élue ville hôte de la 19ème édition des Jeux méditerranéens par l'Assemblée générale du CIJM qui a eu lieu à Pescara (Italie) le 27 août 2015. Elle a maintenant l'insigne honneur d'accueillir cet évènement sportif majeur pour tous les pays du circum-méditerranéen, le plus important après les Jeux Olympiques, et aura à recevoir dans l'esprit de l'idéal olympique plus de 3.000 athlètes représentants 24 nations de trois continents : l'Afrique, l'Europe et l'Asie, une communauté de sportifs, mais aussi de journalistes et de délégations de diverses origines religieuses, culturelles et linguistiques.

C'est là une bonne nouvelle pour toute l'Algérie qui traîne difficilement cette mauvaise réputation qui lui est faite par les médias occidentaux « de pays à risque ». Nous avons là (pouvoirs publics et population réunis) une opportunité à saisir pour soigner l'image de notre pays sur la scène internationale en faisant de « Wahrân El Bahia » cette « ambassadrice » qui doit le représenter dignement.

Elle aura, en « mariée » choisie par des yeux experts en Italie, à étaler tous ses attraits de beauté et toute la diversité culturelle de cet immense pays qu'elle représente, dans cette atmosphère de partage et de communion qu'elle se doit de créer ce jour-là pour gagner ses « galons » de nouvelle destination pour l'accueil de bien d'autres manifestations à venir. Dans une palette colorée de la diversité culturelle de notre « pays continent » toutes les régions se doivent de présenter à nos hôtes, ce qu'elles ont de meilleur, en marge des manifestations sportives. Comme l'on doit songer à préparer sérieusement des circuits touristiques et à former des guides qui se doivent de maîtriser correctement l'arabe, l'anglais, le français et l'espagnol !

Dans cette perspective, les maîtres mots seront le moment venu : convivialité et civilité, ces marques distinctives de gens civilisés. Nous avons devant nous cinq années pour mettre à niveau la ville d'Oran et sa banlieue et de faire un travail durable sur les mentalités, sans laxisme et sans laisser-aller ! Le défi est de représenter dignement l'Algérie ! C'est dire que des signaux forts de tolérance et de convivialité doivent être émis en direction de celles et de ceux qui viendront non pas uniquement pour le sport, mais aussi en observateurs attentifs pour « tâter le pouls » d'une société supposée violente pour avoir acquis cette réputation durant la décennie noire !

Alors oui ! Un travail minutieux devra être fait pour associer la population qui aura un rôle important à jouer ! Il y a là une pédagogie à faire pour apprendre à des gens habitués à être assistés par l'Etat providence, à devenir (y compris par la force de la dissuasion) des citoyens à part entière sachant relever les défis, lorsqu'il y va de l'image de marque de leur pays ! C'est là la chose la plus importante d'autant plus que cette mobilisation peut constituer un bon test en cette période extrêmement difficile où une crise durable pointe à l'horizon ! Pas besoin de se mentir ! Nous sommes face à nous-mêmes et nous devons développer de nouveaux réflexes pour nous en sortir. Alors oui ! Cette manifestation internationale doit constituer pour nous une épreuve quant à notre capacité à répondre aux défis avec moins de ressources à dépenser !

C'est pourquoi la réussite d'un tel évènement requiert la participation de tous et sa finalité doit être expliquée dans les écoles, les collèges, les lycées et les mosquées avec le concours des médias et des associations en utilisant les moyens modernes de communication. Plus que d'une moisson de médailles, l'Algérie a besoin de se forger une image d'un pays sur lequel on peut compter lorsqu'il s'agit de relever des défis !

Le secret est dans la « tolérance zéro » des sachets noirs au nombre incalculable, bourrés à l'extrême, éventrés et jetés à même la chaussée ou sur les trottoirs, à toute heure de la journée et de la nuit. Il est aussi dans les balcons fleuris et dans l'interdiction des paraboles et le linge étendu sur les façades des bâtiments ! Dans la « chasse » aux décharges sauvages et à la réalisation d'écrins de verdure, en lieu et place de terre battue, en mettant à contribution les paysagistes jusque-là marginalisés par des administratifs pensant tout savoir sur tout, y compris dans le choix des espèces d'arbres et d'arbustes !

N'oublions pas aussi qu'Oran a été déjà choisie comme capitale africaine par l'ONG R20 « Regions of Climate Action » fondé par l'acteur et ancien gouverneur de Californie, Arnold Schwarzenegger pour lancer le grand projet de l'économie verte en Afrique « pour zéro déchet » cela a été fait en présence de notre Premier ministre, des ministres africains de l'Environnement, des représentants d'institutions nationales et internationales. J'ai eu à me prononcer sur cette question pour dire que « cette option suppose bien évidemment une déclinaison en projets de collecte des déchets solides, en unités de récupération et de transformation et en essais de fertilisation pour l'utilisation du compost dans la perspective d'un développement d'une agriculture périurbaine. Cet engagement officiel doit trouver également son prolongement dans la constitution d'une composante paysagère à hauteur des espoirs motivés à travers le projet d'économie verte ».

Au delà de sa mise à niveau et de sa modernisation à travers la réalisation d'équipements d'excellence et du pari de métropole, « capitale africaine » de l'économie verte, statut qu'elle se doit de mériter (questions déjà abordées dans le détail dans un article précédent, voir le Quotidien d'Oran du jeudi 17 juillet 2014), la ville d'Oran doit se réconcilier avec elle-même, avec son cosmopolitisme, avec sa nature de type méditerranéen, sa gloire passée et son empreinte dans la mémoire collective de nos concitoyens, mais pas seulement.

Elle doit reconquérir son image de « Wahrân El Bahia » jour et nuit festive, en souvenir de cet autrefois d'une société algérienne du juste milieu, qui savait conjuguer le spirituel aux saveurs et aux plaisirs de la vie, sans discontinuité durant toute l'année, et sans que cela ne lui soit dicté par une quelconque autorité. Oui ! C'est cela son défi ! Il est d'un intérêt stratégique en termes de marketing urbain. Les collectivités locales ont tout un quinquennat pour réaliser ce tour de force, pour peu qu'elles sachent choisir les meilleures formes de participation de la population, pour préparer « la mariée Oran » aux festivités de 2021 !

Et pour cela toute la société devrait s'y mettre, comme dans une famille, mais cette fois-ci élargie à ses proches : d'Aïn-Témouchent, de Mostaganem, de Sidi Bel-Abbès, de Mascara et de Tlemcen qui ont aussi un rôle à jouer, au titre de la solidarité régionale, cet autre défi dont il s'agit d'assurer l'apprentissage ! C'est là une option incontournable, avec le « resserrement de l'étau », qui suggère l'amorce d'une « économie territoire » qui ne saurait s'envisager dans l'approche centralisée, faite d'excès de dirigisme dont la conséquence est le gel des initiatives aux échelons local et régional.

Au-delà du choix de la forme de gouvernance la mieux appropriée dans le contexte de crise, il s'agit tout simplement que nous soyons disposés à ressembler à tous ceux qui, comme les Tunisiens, les Marocains ou les Turcs, nous attirent par centaines de milliers chaque année dans leurs pays, en faisant dans la séduction par le sourire et par la convivialité de leurs espaces d'accueil, ces ingrédients si simples qui font toute la différence entre ceux qui savent recevoir et ceux en quête de civilité qu'ils paient aux autres, à défaut de la pratiquer chez eux.

Oui ! Oran la festive a belle et bien existé à travers les activités de son opéra et de ses arènes, son gala de catch, son critérium cycliste du Front de Mer qui attirait il n'y a pas si longtemps tous les champions du Maghreb et de la Méditerranée, toutes communautés confondues, sa Corniche flamboyante et ses cafés populaires où les cheikhs de la chanson bédouine rivalisaient de prouesses poétiques et dont les mélodies, relookées par des orchestres modernes, sont devenues des produits aujourd'hui exportables à l'international. Saurions-nous être à hauteur de ce défi ? Les paris sont ouverts ! À vos marques, partez !

* Professeur