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Les savants vus et décrits par quatre philosophes

par Ali Derbala *

« Une vérité superficielle est un énoncé dont l'opposé est faux ; une vérité profonde est un énoncé dont l'opposé est aussi une vérité profonde. » Niels Bohr

Les enseignants chercheurs allaient aux universités sans trop d'ambitions et demandaient encore une chose, c'est qu'on leur permette de faire leurs travaux et qu'on leur donne à peu près de quoi vivre. C'est une illusion que d'imaginer que les enseignants chercheurs défendront mieux leurs intérêts en agissant séparément, et en somme au détriment des autres travailleurs. Les uns et les autres défendront mieux leurs intérêts s'ils se soutiennent et s'ils mènent la lutte ensemble pour l'établissement d'une direction universitaire démocratique. Les enseignants chercheurs, ceux qui restent pédagogues et chercheurs, ceux qui continuent à exercer leur métier se sentent moins enclins à servir directement d'exécutants les intérêts des clans, et leur conscience est plus vive qu'elle n'était autrefois. Le corps scientifique est présenté comme disloqué. Il est au moins à réformer.

1- Philosophe, savant et académicien. Selon le Larousse, un philosophe est un penseur qui élabore une doctrine, il est aussi partisan des idées nouvelles, des « lumières ». De savoir, un savant est une personne qui a des connaissances étendues dans divers domaines ou dans une discipline particulière. Il porte la marque de connaissances approfondies. Il dénote un savoir-faire et de l'habilité. Il est une personne remarquable par ses compétences et sa contribution au progrès d'une science, une science exacte ou expérimentale, il est aussi chercheur. Un académicien est un membre d'une société de gens de lettres, de savants ou d'artistes. L'Académie russe des sciences, fondée par Pierre le grand en 1724, a été reconnue « plus haute institution scientifique de la Fédération de Russie.          L'Académie royale des sciences de Prusse a été fondée à Berlin le 18 mars 1700, quatre ans après l'Académie des arts de Berlin à laquelle le terme d'« Académie de Berlin » peut également se référer. Le premier président à vie de l'Académie de Berlin sera Leibniz (1646-1716). En Chine, plus de 1.420 scientifiques chinois ont été nommés académiciens de l'Académie des sciences de Chine (ASC) depuis 1955, lorsque les premiers membres des divisions académiques ont été intronisés. Le titre d'académicien de l'ASC est une prestigieuse distinction nationale dans le domaine scientifique et technologique, et de nouveaux académiciens sont ajoutés tous les deux ans. En plus de leurs réalisations dans la recherche scientifique et l'innovation technologique, les académiciens sont consultés et offrent leurs évaluations sur les questions clés à l'égard du développement social et économique. Pour défendre les libertés, les académiciens français reçoivent même une épée, « l'épée d'académicien » pour siéger dans un fauteuil [1]. « L'épée est remise à l'élu quelques jours avant sa réception, l'épée est à l'origine le signe de l'appartenance des académiciens à la Maison du roi ; son port se généralise à partir de la Restauration ; seuls les ecclésiastiques et, en principe, les femmes n'en reçoivent pas. Mme de Romilly n'en portait pas, ayant remplacé l'épée par un attribut féminin, un sac à main brodé. Mmes Hélène Carrère d'Encausse, Florence Delay, Assia Djebar, Simone Veil, Danièle Sallenave et Dominique Bona en portent une?.» [1]. Une académie des sciences en Algérie, doit avoir la vocation de contribuer à la défense, à l'histoire, à l'illustration et au développement du patrimoine scientifique. Les académiciens doivent défendre l'humanité et les Algériens en particulier. Ils doivent s'indigner et élever leurs voix contre toute dérive ou menace pour le peuple Algérien ou l'humanité.

Les académiciens doivent rédiger des lettres ouvertes aux responsables de notre pays et du reste du monde et des manifestes comme celui d'Einstein, Russel, Joliot-Curie et autres savants lors de l'apparition de l'arme nucléaire, de la menace de destruction globale de la vie sur Terre. Ils doivent être épris de paix, de justice sociale et prêts à entreprendre des actions pour faire aboutir ces objectifs.

Avis chronologiques de quatre philosophes sur les savants appelés de nos jours académiciens

Platon [2], en page 32, a écrit que « Science et puissance politique doivent se trouver réunies en un même homme pour se prêter un mutuel secours ». En page 33, Il décrit le scientifique comme « Le scientifique, sincère, déteste le mensonge et la fraude. L'amour qui le porte vers la science et la vérité est semblable à un torrent que rien ne peut détourner de son cours naturel, ni disperser en plusieurs ruisseaux». Il définit la science en page 191 par « La science est science du connaissable en lui-même, ou de l'objet, quel qu'il soit, qu'on doit lui assigner ; une science déterminée est science d'un objet de qualité déterminée?Dès que la science n'est plus science du connaissable en soi, mais de tel objet, il lui vient une détermination. L'exemple en est des sciences médicales ».

Pascal [3], mathématicien et philosophe, en page 143, a écrit que « Les sciences ont deux extrémités qui se touchent. La première est la pure ignorance naturelle où se trouvent tous les hommes en naissant.

L'autre extrémité est celle où arrivent les grandes âmes, qui, ayant parcouru tout ce que les hommes peuvent savoir, trouvent qu'ils ne savent rien, et se rencontrent en cette même ignorance d'où ils étaient partis ; mais c'est une ignorance savante qui se connaît ». En page 344, il écrit que « Les Académiciens» : par opposition aux Pyrrhonniens, absolument sceptiques, les Académiciens admettaient l'existence de propositions vraisemblables ». Nietzche [4] a beaucoup disserté sur le savant qui peut être appelé de nos jours académicien. En page 11, il écrit que « Le savant est le serviteur de la masse ; toutes ses qualités, assiduité, régularité, probité sont celles d'un bon ouvrier ; le travail scientifique, morcelé comme il l'est entre mille spécialités, utilisant toutes les aptitudes et toutes les bonnes volontés, est par essence le contraire même d'une hiérarchie, l'émanation et l'image de la démocratie.». En page 34, il a écrit que : « Chez les savants, chez les esprits vraiment scientifiques, il peut y avoir quelque chose comme un instinct de la connaissance, un petit rouage d'horlogerie indépendant qui, bien remonté, s'acquitte bravement de sa tâche sans que les autres instincts du savant y participent pour une part essentielle.» Les véritables « intérêts » du savant sont sa famille ou son gagne-pain ou la politique. En page 288, il décrit l'aspect psychologique des académiciens en affirmant qu' « il y a des savants qui se servent de la science pour se donner une apparence de sérénité, parce que le goût du savoir fait supposer que l'homme est superficiel. Dans sa deuxième œuvre, Nietzche [5], en page 45, avertit le savant en lui faisant remarquer que « c'est une distinction d'avoir beaucoup de vertus, mais c'est un destin difficile ». Il confirme en page 53, que le savant peut faire du mal : « Plus il veut s'élever vers les hauteurs et la clarté, plus ses racines plongent dans la terre, vers le bas, dans les ténèbres et les profondeurs, dans le mal ». Il dénonce, en page 67, les agissements de certains faussaires dans la science en rappelant que « le peuple comprend bien peu ce qui est grand, ce qui est créateur, mais il a un flair pour tous les metteurs en scène et pour tous les comédiens des grandes causes». Il fait remarquer en page 68 que même « le comédien a de l'esprit, mais un esprit sans conscience morale. Il croit toujours à ce qui lui permet le plus d'imposer sa façon de croire, à lui-même. Ces intellectuels se retrouvent déclassés, inaptes, dominés». Soljenitsyne [6], un éminent scientifique russe, mathématicien et physicien, prix Nobel de littérature, déchu de sa nationalité pour son engagement pour la démocratie en ex-URSS, a écrit que : « si quelqu'un de son vivant, avait été qualifié d'« homme de science », et d' « émérite » avec cela, c'en était fait de lui ; la gloire dès lors l'empêchait de soigner, comme un vêtement trop somptueux empêche de bouger, et voilà le «chercheur émérite» qui déambulait avec sa suite semblable à quelque nouveau Christ au milieu de ses apôtres, et il se trouvait privé du droit de se tromper, privé du droit d'ignorer quelque chose, privé du simple droit à un instant de réflexion ; il pouvait être saturé, éteint, dépassé, mais il s'en cacherait et tous attendraient immanquablement de lui des miracles ».

Les publications scientifiques des académiciens

La Royal Society, ou société royale de Londres, était le grand moteur intellectuel de la science moderne et de l'invention technologique. Parmi les contemporains de Newton, Sir Robert Moray publia le premier journal scientifique au monde, Transactions philosophiques [7]. La science crée des valeurs matérielles, c'est à cela qu'elle sert. Les découvertes scientifiques, seules seraient valables celles qui ne portent pas préjudice à la morale et en premier lieu aux chercheurs eux-mêmes. Il faut savoir qu'il existe au moins huit mille revues scientifiques dans le monde. S'il faut juger un chercheur à ses fruits d'articles, il est des spécialités où les enseignants chercheurs mettent longtemps à produire les articles attendus. Dans cet article [8], il est écrit que la constitution de la première Académie des sciences et des technologies d'Algérie (ASTA) a suscité le courroux au sein de la communauté scientifique et médicale algérienne. En bas de cet article, dans le forum de discussion, un internaute anonyme sous le pseudo « Abouti », a écrit que « vouloir mettre sur le même pieds d'égalité les publications de l'OPU et SNED qui, soit dit en passant, sont des copier-coller en partie des publications Elsevier et Springer avec ces dernières est une hérésie/infamie ». Détrompez-vous cher(e) monsieur ou madame. Même les éditeurs de journaux scientifiques étrangers sont tenus par la réalisation d'une forte commercialisation. D'où un grand profit, une grande distribution de dividendes et de ristournes incommensurables, de l'ordre de millions de dollars à leurs actionnaires. En effet : Springer a même publié des articles « douteux ». Cet éditeur allemand de publications scientifiques a retiré de ses archives 16 articles générés automatiquement par un programme informatique et signalés comme des faux grossiers par un chercheur français [9]. Pour contourner les articles achetés en devises fortes, Elsevier Webshop, un grand éditeur européen de journaux scientifiques, invite via e-mails les chercheurs à lui soumettre leurs articles. L'article sera édité par un expert de leur sujet de recherche, les éditeurs sont tous natifs anglais ou de langue maternelle anglaise, issus des prestigieuses universités du monde, le service est rapide, le manuscrit sera corrigé et renvoyé à l'envoyeur en cinq à sept jours, choisir l'anglais britannique ou l'anglais américain, les prix commencent à partir de 200 $. Il est aussi écrit dans le même article [8] que le jury international pour le choix des académiciens algériens était composé d'académiciens issus de l'Académie des sciences et celle des technologies de France, l'Académie des sciences des Etats-Unis, l'Académie royale de Grande-Bretagne et l'Académie royale de Suède. Il faut savoir que de nos jours et aux USA, on devient membre de Droit d'une société savante, non pas pour la somme de ses travaux scientifiques réalisés, mais en payant une adhésion (Membership Dues). Pour 2015 et pour adhérer à la société savante, American Chemical Society, la Société Américaine de Chimie [10], les prix sont de : -Regular or Reinstating Member 8.00 USD, Graduate Student Member .00 USD, First Year Graduate Student Member .50 USD, Undergraduate Student Member Without C&EN .00 USD, With C&EN electronic or print delivery .00 USD et Non-Scientist/Society Affiliate 8.00 USD. Même un « non scientifique » peut devenir membre de cette société savante. Quant aux chercheurs des sciences médicales, leurs découvertes ou publications, en général des études de cas pathologiques qui leur sont présentés dans des hôpitaux ou centres de soins médicaux, ne sont pas un secret d'Etat. Toujours selon cet écrit [8], pourquoi refusent-ils de se soumettre aux avis de leurs pairs, scientifiques médicaux étrangers ? Les travaux de tout scientifique doivent être communs ou publiques, universels et accessibles à tous et dans le monde entier. Ces médicaux savent bien que rester ou évoluer entre Algériens, sans témoins étrangers, est une union consanguine qui ne produit en général que des trisomiques.      On a besoin d'audit et de participation des étrangers dans l'enseignement supérieur et la recherche. La formation et la création de laboratoires de recherche multiethniques est indispensable pour rehausser le niveau des études supérieures. La science est universelle ! L'heure est, pour les universitaires, à l'indétermination, l'indécision la plus inquiétante.

Conclusion

Les universitaires compétents, la haine qu'ils inspirent semble causée par le sentiment de leur supériorité intellectuelle. Les pouvoirs publics ont fait des indemnités et des salaires des enseignants chercheurs un sujet «tabou». Sachant que le coût de la vie en Algérie est plus élevé qu'en Europe, en Amérique ou au Moyen Orient, ces mêmes pouvoirs publics veulent que les scientifiques algériens soient compétitifs avec ces étrangers à 1000 euros par mois. Les grands problèmes, chômage, déficit de la balance commerciale, pouvoir d'achat, insécurité?ont-ils une chance d'être résolus par l'instauration et la magie d'une nouvelle académie des sciences ?

* Universitaire

Références

1 http://www.academie-francaise.fr/les-immortels/lhabit-vert-et-lepee

2 Platon. La République. Traduction et Notes par R. Baccou. Garnier-Flammarion, 1966.

3 Pascal. Pensées. Texte établi par Léon Brunschvicg, GF Flammarion, 1976.

4 Nietzsche. Par-delà le bien et le mal. Traduit de l'allemand par Geneviève Bianquis. Union Générale d'Editions. Paris VI, 1988. Titre original : Jenseits von Gut und Böse.

5 Nietzsche. Ainsi parlait Zarathoustra. Traduction et présentation par G-A Goldschmidt. Le livre de poche, Librairie Générale Française, 1972.

6 Alexandre Issaïevitch Soljenitsyne. Le Pavillon des cancéreux. Traduit du russe par Alfreda et Michel Aucouturier, Lucile et Georges Nivat, Jean-Paul Sémon. Julliard, 1968, p.552.

7 Jonathan Black. L'histoire secrète du monde. J'ai lu, éditions Florent Massot, 2009, p.521.

8 Djamila Kourta. Académie algérienne des sciences et des technologies : la communauté scientifique crie au scandale. El Watan, l'Actualité, jeudi 11 juin 2015, p.5.

9 Science : un éditeur abusé par de fausses études générées par informatique. Le Quotidien d'Oran, Société, samedi 1er mars 2014, p.17.

10 http://www.acs.org/content/acs/en/membership-and-networks/acs/join/categoriesprocess.html